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lundi 29 novembre 2010

Dawn of the Dead by Jim

George A. Romero est au cinéma d'horreur ce que David Lynch est au bizarre. Quoi qu'on puisse penser actuellement en matière de cinéma horrifique, pour comprendre le genre, il faut revenir aux prémisses.
En 1968, George Romero et quelques amis produisent et tournent un film qui aura un écho mondial : Night of the Living Dead. Au lieu des séduisants Dracula présentés auparavant, le film donne une nouvelle dimension aux morts-vivants : il les présente comme lents, « bêtes » mais voraces, amateurs de chair fraîche. Le film fait également un clin d'oeil à la guerre du Vietnam qui décime la jeune génération.
Le style Romero est né : une ambiance oppressante, une musique à glacer le sang, des morts « réalistes » qui veulent manger les quelques vivants restants, et un message politique derrière.

Dawn of the Dead a été tourné entre la fin 1977 et le début 1978, pour être présenté la même année. Le film est considéré comme un must, un classique du film d'horreur traditionnel.
Alors que Night of the Living Dead était un film à (très) petit budget, Dawn of the Dead a coûté plus de six-cent-mille dollars, pour en rapporter plus de cinquante millions! Le succès du film est manifeste, tout comme la trilogie des morts-vivants de Romero, qui a été refaite de nombreuses fois, sans jamais égaler l'originale (dernier exemple en date : Day of the Dead, nouvelle mouture).

1978, une station de télévision de Philadelphie. Le chaos retransmis à la télévision ébranle Steven, le conducteur d'hélicoptère et Francine, son amie enceinte. Tous deux décident d'utiliser l'hélicoptère pour partir, loin de la menace zombie qui prolifère comme les bactéries dans l'air ambiant. Le couple est rejoint par Roger et Peter, deux membres d'équipes SWAT. Le quatuor, en pleine recherche d'essence, tombe sur un centre commercial où ils décident de se réfugier. Le centre commercial étant peuplé de quelques zombies, les hommes se chargent de les éliminer, et dans leur hâte, Roger est mordu. Malgré ce détail, les quatre protagonistes décident de rester dans ce lieu, persuadés qu'ils ont tout ce qu'il leur faut pour survivre.



Quand on demande aux gens s'ils connaissent Dawn of the Dead, ils répondent « ah oui, le film avec des zombies et les gens dans le centre commercial, avec comme message de fond la société de consommation ». Ce résumé fort trivial – mais vrai – suffit parfois pour certains individus, qui ne voient pas plus loin que « société de consommation ». Dans les années septante, les centres commerciaux pullulent partout, les deux chocs pétroliers ont beau avoir affaibli économiquement les USA, les comportements de consommation sont encouragés et multipliés.
Les quatre personnages du film qui utilisent d'abord le centre commercial comme un lieu de refuge, deviennent « accros » à ce que ce dernier leur procure, et finissent par même être emprisonnés à l'intérieur de celui-ci, avec de moins en moins de contacts extérieurs. Ce qui peut sembler le rêve pour les dingues du shopping se révèle un cauchemar à l'état pur : les protagonistes sont enfermés dans la consommation, dans l'opulence vulgaire. Assez de fusils pour tuer la population de l'Arkansas, assez de vestes pour vêtir les habitants de New-York, assez de matériel en tout genre pour subvenir mille fois à ses propres besoins, Peter, Steven et Francine sont submergés par le centre commercial qui – en définitive- les possède.
Comme Goldman chantait « j'ai pris les choses et les choses m'ont pris ».
Il n'y a pas que les vivants qui sont attirés par le centre commercial : les zombies le squattent avant d'être tués, puis, ils arrivent en masse aux portes, chaque jour plus nombreux. A la fin du film, ils déambulent dans le centre commercial, comme si tout était normal, comme dans leurs anciennes vies, comme les gens font encore aujourd'hui, comme des victimes de la société de consommation.
Les zombies et les humains ne diffèrent pas sur ce point : tout le monde est martyr de la mondialisation, de l'économie. Nous faisons en théorie la société, mais en pratique, c'est elle qui nous fait.

Même si le centre commercial est un enfer à part entière, le pire est toujours à venir : les films de Romero sont construits de la sorte : il s'agit d'une situation exponentiellement fatale, en construction perpétuelle. Il y a toujours un mouvement qui veut faire sortir, et donc, en conséquent, qui fait entrer les morts et leur permet de se nourrir des vivants, de façon abominable, gore. Pour la partie gore, Romero a pu compter sur le coup de pouce de Tom Savini, le maître du maquillage et des effets spéciaux*. Le spécialiste a même un rôle anecdotique dans le film.

Dawn of the Dead est un chef d'oeuvre du film d'horreur, qui joue sur les émotions, la peur de la solitude (car même si les personnages sont à quatre, puis à trois, ils restent seuls survivants dans un océan de zombies), l'absurdité de notre propre existence.
SPOILER
Romero voulait, originellement, qu'à la fin de son film, tous les vivants meurent : au final, Peter, le noir, et Francine, la femme, sont les seuls survivants, même si le film s'éteint sur leur échange concernant le peu d'essence qu'il reste.
Car, en plus d'avoir un message politique, les films de Romero ont toujours une sorte de morale : les seuls qui peuvent survivre sont les vertueux, comme Peter et Francine, qui ont été les moins tentés par la société de consommation, et les risques non-nécessaires (qui mènent Roger et Steven à la mort). FIN DU SPOILER

* Tom Savini réalisera lui-même le remake, en 1990, de Night of the Living Dead, en optant pour une approche bien plus gore que l'originale.

Trailer

dimanche 28 novembre 2010

Le vent dans les saules, Terry Jones (1996) by Cowboy

The Wind in the Willows, roman écrit en 1908 par Kenneth Graham, est un classique de la littérature pour enfant outre-manche. Je ne l’ai pas lu, ni dans ma prime jeunesse, ni récemment. En revanche, j’ai récemment fait l’acquisition de son adaptation par l’ex-Monty-Python Terry Jones, son dernier film en date, et qui date de 1996. Nul doute que si vous connaissez un peu mes penchants cinématographiques, vous comprendrez l’appréhension qui m’habitait lorsque j’insérai le disque dans mon lecteur DVD. Terry Jones, si sa réalisation collait parfaitement à la comédie façon Python, et qui m’avait même surpris positivement avec quelques plans osés dans Le Sens de la Vie, adaptant une histoire fantastique destinée à un jeune public – en tous cas, le film est à priori présenté comme tel – c’était me lancer dans un monde pour lequel je n’éprouvais pas franchement d’a priori positifs, et voir le film souffrir la comparaison avec les créations de l’autre Terry des Pythons, Mr Gilliam et ses frasques depuis Jabberwocky. Et pourtant, même en me disant que j’allais me forcer à ingérer le film juste pour l’ajouter à la liste des films vus et à ne plus jamais revoir, et aussi un peu pour le casting xxl réunissant, entre autres, Eric Idle, John Cleese, Michael Palin et Terry Jones himself, c'est-à-dire quasiment tous les anciens Pythons (Gilliam avait été invité pour faire une voix-off, mais avait dû refuser pour cause de conflits d’emploi du temps), plus Steve Coogan, grand humoriste, et Stephen Fry, pour qui j’ai énormément d’admiration ; malgré ce pressentiment, je disais donc, je n’ai pas mis longtemps à être subjugué par le charme que dégage le film. Comme quoi…



Avant d’expliquer les raisons de mon adhésion au film, un petit synopsis s’impose : Mr Taupe, un grand timide qui manque visiblement de confiance en lui, vit paisiblement dans son terrier jusqu’au jour où les belettes\fouines détruisent sa maison. Mr Taupe va alors s’enquérir auprès de Mr Crapaud, personnage fantasque amateur de sports automobiles, et propriétaire du terrain, de la situation, le tout en la compagnie de Mr Rat, un amoureux de la nature, aussi futé que jovial, et, plus tard, Mr Blaireau, ermite avisé, respecté et craint pour sa force et son intelligence. De là, leurs aventures vont les amener à essayer d’empêcher les belettes\fouines de détruire le château de Mr Crapaud, vendu contre 6 voitures, pour y implanter à la place une usine de nourriture pour chien…



La grande force du film, c’est l’univers dans lequel il nous fait basculer, et ce avec un naturel déconcertant. Au beau milieu d’une Angleterre industrielle d’avant la Première Guerre Mondiale, nous ne sommes absolument pas surpris de trouver des gens grimés avec des accessoires jouer des animaux : Rat avec ses moustaches et sa queue, Crapaud avec son teint verdâtre, les fouines avec leur coiffure, Taupe avec ses lunettes et ses mitaines. Les maquillages sont simples, prodigieusement simples, et terriblement efficaces, tandis que les costumes, eux, permettent vraiment l’immersion dans le lieu et l’époque. Et cet univers garde une grande cohérence tout au long du film. Nous sommes à milles lieux du Bandit Bandit de Terry Gilliam et de son rapport entre le réel et le fantastique, ici, nous serions plutôt dans une continuation de Sacré Graal, nous acceptons sans broncher les faits surréalistes, sauf qu’à la place des noix de coco qui imitent le galop d’un cheval, nous nous retrouvons avec des animaux anthropomorphisés, et cela ne nous dérange pas le moins du monde.



Soyons honnêtes, la réal’ fait cheap, presque téléfilm, ce qui est étonnant au vu de l’âge du film et de la réputation des personnes impliquées. On est là encore loin du côté épique que Gilliam peut insérer dans ses films. Ici, on a plutôt une approche minimaliste. Les nombreux crashs se produisent hors-champ, ce qui est évidemment une question de budget, mais aussi, argueront certains, un moyen de faire travailler l’imagination, sans compter l’aspect cartoon que cela confère au film. Et puis, ça se voit que c’est fait avec beaucoup d’amour, bon sang d’bois…là, peut-être que le capital sympathie que j’ai pour Terry Jones rentre en compte, mais vraiment, le film semble être une célébration de l’amitié (qui se retranscrit dans les retrouvailles entre les ex-Pythons ; on évoque même dans le commentaire audio ou les bonus le spleen qui s’est abattu à la fin du tournage à l’idée de se séparer…c’est dire l’esprit extrêmement positif qui accompagne le film), d’une approche plus naturelle (et moins mécanique\artificielle) de la vie, une invitation à se dépasser soi-même. Bref, l’état d’esprit est extrêmement généreux, et transparaît dans la pellicule. On retrouve ça au niveau de l’interprétation, avec toute l’implication en premier lieu de Terry Jones lui-même dans le rôle de Mr Crapaud, mais aussi Steve Coogan et tout son talent dans celui de Mr Taupe, Eric Idle très juste avec Mr Rat, et, acteur que je ne connaissais pas, Nicol Williamson qui m’a fait forte impression dans son interprétation du stoïque Mr Blaireau.



Quant à l’aspect enfantin, je ne saurais trop m’étendre dessus, mais moi qui ne suis pas vraiment versé dans ce genre, je n’ai pas vraiment eu l’impression que le film s’adressait spécifiquement à ce public, même si, parfois, ça se voit qu’on ménage les spectateurs les moins alertes avec des explications un peu superflues. En revanche, le suspens est extrêmement bien mené, et le rythme général du film est extrêmement fluide. Peut-être la fin est-elle un peu expéditive, mais la mise en situation et les péripéties s’enchaînent sans que l’on voit l’heure et demie défiler.

L’humour est bon enfant, certes, mais il m’a fait sourire de bon cœur en de multiples occasions. En revanche, il ne faut pas s’attendre, n’en déplaise à l’un des commentaires dans une des interviews du DVD, à un retour à l’esprit Pythonesque. Ici, on fait face à quelque chose de moins acide, moins aventurier, mais qui n’est quand même pas dénué de qualités. Il faut juste être prévenu : ce n’est pas le dernier films des Pythons, c’est bel et bien le dernier film solo de Jones, et il est plus à rapprocher et comparer avec la filmo de Gilliam, pour le coup. Le film a malheureusement bénéficié d’une promotion désastreuse, et sa catégorisation hâtive comme film pour enfant l’a malheureusement fait passer pour ce qu’il n’était pas, c'est-à-dire un très beau film, un peu naïf, mais soigné et complètement immersif.



Voilà, je crois que c’était assez clair dans toute ma propa, mais vraiment, je ne m’attendais pas du tout à adhérer autant à l’univers du film. Même les quelques chansons qui le ponctuent m’ont plu, c’est dire. Je ne saurais que le recommander, même si, ne comprenant pas nécessairement les raisons qui provoquent ma sympathie pour le film, je ne saurais dire à quel public le conseiller. Evidemment, je ne cache pas que c’est parce qu'il fait partie de l’univers post-Pythons que j'ai été conduit à le visionner, mais nous en sommes assez loin, et, si l’on devait comparer avec l’univers de Terry Gilliam, j’aurais juste envie de dire que ce film m’a bien plus plu que Bandits Bandits et Les Aventures du Baron de Munchausen, malgré des objectifs et des moyens bien différents. Et donc désormais, j’ai vraiment envie de voir Erik le Viking

Trailer

La chanson des fouines

lundi 15 novembre 2010

Gone Baby Gone by Blondin

L’alphabet du cinéma selon Blondin – La lettre G

American Psycho, Blues Brothers (The), Collision, District 9 ... [Gone Baby Gone]

Certes, il manque la lettre "e" et "f" mais elles arriveront prochainement lorsque l'inspiration viendra ! En attendant, vous ferez avec ça !



"You are sheep among wolves. Be wise as serpents, yet innocent as doves”


Résumé :


Patrick Kenzie (Casey Affleck) allume sa télévision. Il porte un sweat-shirt blanc, un médaillon en argent et un survêtement qui lui donnent l’apparence d’une petite frappe. Une apparence qui ne contraste pas avec l’environnement au cœur duquel il exerce sa profession. Ainsi, il se confond aisément avec les gangsters, mafieux et raclures du coin. « Rusé comme un serpent mais pur comme la colombe ». C’est l’heure des informations. Que peut-il bien se passer dans le sud de Boston ? Des mauvaises nouvelles. Il faut noter que le journal télévisé n’annonce que très rarement, pour ne pas dire jamais, de bonnes nouvelles. A croire que les téléspectateurs préfèrent les larmes de sang aux rires joyeux. Ce soir-là, on parle de la disparition d’une petite fille. Il s’agit d’Amanda, dont la mère, toxicomane et nymphomane à ses heures, semble accuser le coup, impuissante face à l’enlèvement, s’il y a, de sa fille. Patrick Kenzie connait bien les histoires tragiques qui polluent l’atmosphère du quartier dans lequel il est né avant d’y faire ses armes. Ce détective privé partage sa vie avec Angie Gennaro (Michelle Monaghan) qui est également sa collègue. Le lendemain matin, deux personnes viennent frapper à leur porte, L’oncle (Titus Welliver) de la petite Amanda et son épouse. Patrick et Angie hésitent mais, sans véritablement en comprendre la raison fondamentale, vont se lancer à la recherche de la jeune disparue dès le lendemain. Guidés par leur âme mais certainement pas par leur raison. Il y a des enquêtes auxquelles il vaut mieux ne pas participer. Eux, les détectives de la zone à qui on préfère confier la traque des fuyards endettés. Ces fauchés en fuite qui font le malheur et la ruine des bookmakers. Donc les deux détectives privés font appel à leurs connaissances, appuyés par deux policiers : Remy Bressant (Ed Harris) et Nick Poole (John Ashton), eux-mêmes sous le commandement de Jack Doyle (Morgan Freeman). Ils ignorent alors qu’ils se lancent dans la découverte de la face la plus obscure de la ville de Boston. Une recherche qui se muera en véritable introspection pour chacun.


Une angoisse sociétale actuelle, un réel défi :


Le film traite d’un sujet délicat mais actuel qui n’est autre que l’enlèvement d’enfants et les actes atroces qui y sont généralement liés. Il est nécessaire de se rendre compte qu’il s’agit encore d’un thème tabou et dérangeant qui s’est notamment soldé par un refus de diffuser le film en Grande-Bretagne à l’époque de sa sortie. La cause invoquée est la proximité dans le temps de la sortie de Gone Baby Gone avec la disparition de Maddie, d’origine anglaise, dans un complexe hôtelier portugais ainsi que les nombreuses similitudes entre la trame de l’œuvre cinématographique et l’affaire anglaise. En ce sens, réaliser un film de cette trempe sans sombrer dans les clichés et dans une trame prévisible était une tâche ardue, si ce n’est une véritable prouesse. Un art maîtrisé par Dennis Lehane, l’auteur du roman éponyme dont le film est une adaptation. La pression était conséquente puisque Ben Affleck succédait à Clint Eastwood qui avait déjà adapté un roman de Lehane et qui avait donné naissance à Mystic River dont on ne pourrait taire les multiples critiques favorables. Eastwood avait mené son long métrage de ses doigts talentueux de réalisateur et on peut dire que Ben Affleck emprunte un chemin similaire dans le sens où le spectateur retrouvera ce climat noir, moite et malsain qui caractérise l’univers imaginé par l’écrivain dont les trames narratives semblent rencontrées le succès lorsqu’elles sont adaptées au cinéma.


Une vision intime de sa ville natale :


Ben Affleck offre une vision intime de sa ville natale à tel point que le spectateur se laisse entraîner sans sourciller dans les méandres des bas quartiers de Boston où tout le monde croit se connaître mais se découvre soi-même au contact des autres. On pourrait attribuer à ce long métrage le choix de la facilité en s’appuyant, une fois de plus, sur l’expertise vue et revue du bien et du mal mais Affleck étoffe cette analyse en abordant la notion de choix. Le choix des différents protagonistes qui se retrouvent confrontés à un dilemme moral. Des destins se nouent alors que d’autres éclatent. Personne n’est impartial et personne ne pourrait l’être. C’est précisément à ce niveau de la morale et du comportement des uns et des autres que le film prend toute sa dimension et toute sa complexité. Affleck et le scénariste Stockard expliquent d’ailleurs dans de nombreuses interviews qu’ils souhaitaient que « les spectateurs discutent entre eux du bien fondé des décisions prises par les personnages »


Mon avis :


Mieux que joindre un fond réflexif à son film, Affleck propose un double fond à l’instar de ceux utilisés dans les tours de magie. En ce sens, chaque coup de baguette magique emmène le spectateur vers une nouvelle surprise qui ne pourra que le lier davantage à l’enquête sur la disparition de la petite Amanda.

Rien ne semble laissé au hasard. Casey Affleck joue avec une exactitude jusque-là rarement égalée dans ses autres films, à croire que Gone Baby Gone marque la délivrance et l’affranchissement de deux personnes qui, au-delà d’une fraternité salutaire, se trouvent à leur place. L’un dans l’ombre et l’autre face à la lumière. Leur succès ne saurait être que grandissant. Cette œuvre teintée d’une infinie sincérité n’est peut-être pas parfaite mais mon souffle en demeure toujours coupé.

Le casting tient la route. Cependant Ed Harris semble un peu mou lors de certaines scènes et parait moins minutieux quant à son jeu de rôles que dans Les Promesses de l’Ombre de David Cronenberg par exemple. Par contre, Amy Ryan, qui interprète le rôle de la mère de la petite Amanda, est époustouflante, ce qui explique et justifie les nombreuses récompenses reçues par l’actrice.

Pour terminer, je dirai qu’avec Gone Baby Gone, un acteur qui n’a jamais véritablement éclos laisse place à un réalisateur prometteur. C’est ça la magie du septième art. Retrouver un acteur là où on ne l’attendait pas, en l’occurrence derrière la caméra dans le cadre de ce film que vous ne pouvez esquiver sous aucun prétexte. Foi de Blondin.

jeudi 11 novembre 2010

Steve McQueen by Bedwyr



Il y a 30 ans de cela, le 7 novembre 1980, déjà comme diraient certains, disparaissait un acteur. Pas n'importe quel acteur, pour moi un des plus grands acteurs que l'on ait eu : Steve McQueen. Cette propa n'est pas une biographie de l'acteur mais juste un hommage que j'aimerais lui rendre en ce 7 novembre 2010.

Né le 24 mars 1930, à Beech Grove, Steve vécu seul avec sa mère et son oncle (son père ayant quitté sa mère, mais cela ne nous regarde pas). Il quitte l'école jeune pour aller dans les Marines. Quelques années plus tard, il étudie à l'Actors Studio de New York et débutera sa carrière à Broadway. Il tournera son premier film en 1956, Marqué par la Haine de Robert Wise, mais il se fera davantage connaître grâce à la série télévisée, dans les années 60, Au nom de la loi, dans laquelle il joue un chasseur de prime du nom de Josh Randall.



Sa carrière est lancée.

En 1960, il joue aux cotés de Yul Brynner, Charles Bronson, Eli Wallach, James Coburn et Robert Vaughn dans Les Sept Mercenaires de John Sturges, dans lequel il n’hésite pas à se montrer pour voler la vedette à Yul, grand acteur du moment. Ce fait fut sans doute un tournant dans sa carrière.



En 1963, le voilà de nouveau aux côtés de Charles Bronson et James Coburn dans un film tiré d’une histoire vraie se déroulant durant la Seconde Guerre Mondiale dans un camp de prisonnier militaire : La Grande Évasion, de nouveau de John Sturges. Il y tient le rôle du Capitaine Virgil Hilts, « le roi du frigo ». Ce film est son premier film en tant que premier rôle. La poursuite en moto reste dans toutes les mémoires.

Par la suite, il jouera dans d’autres films dont il aura souvent le premier rôle :
- Nevada Smith, en 1965, de Henry Hathaway, dans le rôle titre.
- Le Kid de Cincinnati, en 1965, de Norman Jewinson
- La Canonnière du Yang-tse, en 1966, de Robert Wise


(Nevada Smith)

En 1968, il tient le rôle de Thomas Crown dans L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewinson, aux côtés de Faye Dunaway. Ce film utilise le « split screen » pour montrer plusieurs scènes en même temps. Steve et Faye détiennent avec ce film le record du plus long baiser au cinéma avec 55 secondes sans interruption.

Générique d'ouverture de L'Affaire Thomas Crown de Michel Legrand "The Windmills of your Mind", "Les Moulins de mon Cœur" en français.

Durant la même année sorti sur les écrans un film qui aujourd'hui est encore un monument : Bullit.
Il y interprète le rôle de Franck Bullit, flic chargé de veiller sur un témoin qu'un politicien veut faire passer à la barre. Durant la garde, le témoin sera tué et Bullit partira à la recherche des assassins. L'histoire se déroule sur 2 journées. Une scène est restée particulièrement célèbre, celle de la poursuite en voitures dans les rue de San Francisco : On ne s'en lasse pas.

En 1971 sortira le film "Le Mans" dans lequel il interprète un coureur automobile (une de ses grandes passions).

En 1973, il joue aux côtés de Dustin Hoffman dans Papillon, tiré du roman autobiographique d'Henry Charrière, détenu du bagne de Cayenne. Il y tient le rôle de Papillon, un prisonnier qui tente par tous les moyens de s'évader du bagne avec un de ses camarades.



Ce film est particulièrement émouvant et pour moi sans doute l'un des plus beaux rôles de Steve McQueen. Thème musical principal du film Papillon.

Colonel des pompiers en 1974 dans La Tour Infernale, un grand film catastrophe dans lequel les protagonistes réfléchissent vraiment comment faire sortir les victimes de l'incendie se trouvant dans le building d'en face. De nouveau, on retrouve de grandes figures telles que Paul Newman, Robert Vaughn (pour la énième fois), Fred Astaire, Faye Dunaway. Le film est vraiment époustouflant, tient en haleine du début à la fin (il sera d'ailleurs récompensé aux Oscars).



Il ne recevra aucune récompense en tant qu'acteur, mais des honneurs lui sont faits dans le milieu automobile et en moto.

Voilà donc un petit hommage à Steve McQueen qui, à 50 ans, est parti emporté d'un cancer des poumons (certains disent que la maladie viendrait des combinaisons en amiante qu'il utilisait pendant les courses automobiles).
Le 7 novembre 1980, un jour après une opération réussie, il décède suite à un arrêt cardiaque. Il aurait pu avoir une carrière un peu plus longue, la vie en a décidé autrement et peut-être que cela lui a permis de devenir une légende du cinéma.

mardi 2 novembre 2010

Des Coen et des femmes by Cowboy

Adeptes du pastiche d’anciens genres, notamment le film noir et la comédie slapstick, qu’ils revisitent à travers le prisme de leur modernité, les frères Coen avaient potentiellement la possibilité d’appliquer le même processus vis-à-vis des valeurs contemporaines qui sont les leurs et de les mettre en relation avec les stéréotypes rencontrés dans les films qui les ont inspirés. Profitant de cette SàT sur l’opposition entre les genres, je me suis penché sur le rôle des femmes dans leur œuvre, afin de voir si leur approche était celle d’un monde dans lequel le féminisme et la parité étaient des valeurs reconnues, ou s’ils avaient été contraints de reprendre la vision passéiste que les genres leur imposait, et, le cas échéant, voir à quel point ils adhéraient ou détournaient à cette vision qui tient du cliché (1).
Afin de mieux cerner leur point de vue par rapport à la femme, nous allons simplement procéder chronologiquement, film par film, et passer en revue les principales figures féminines de l’univers Coen.


Frances McDormand dans Blood Simple.

Blood Simple, leur premier film, reprend les codes classiques du film noir. L’héroïne, Abby (Frances McDormand, qui deviendra après le film Madame Joel Coen), est la cause de tous les évènements, car elle trompe son mari avec un de ses employés. Si elle est à peu près aussi maladroite et stupide que les autres personnages, reste que c’est elle la seule survivante à la fin. Elle participe de l’esthétique des bras-cassés qui deviendra une quasi-constante dans la filmographie de la fratrie, et pourtant, elle apparaît déjà comme un personnage fort, qui refuse le carcan que lui impose un mari pourtant très macho et très autoritaire (2), et qui parvient, acculée, à lutter et à battre un homme. Ce rôle n’est pas foncièrement habituel pour un film noir, où les femmes sont souvent manipulatrices, mais sont généralement dominées physiquement.

On vire à la comédie avec Arizona Junior. Ici, l’héroïne, c’est la jolie Edwyna (Holly Hunter (l)), femme flic, tout en contraste, capable d’être complètement impassible comme de fondre en larme au plan d’après. Elle domine son mari mais est aussi capable de se laisser complètement aller, et c’est alors à H.I d’assurer pendant ses périodes de dépression. Ici encore, elle est la cause des bouleversements du film. D’abord de manière physique, puisqu’elle ne peut pas avoir d’enfants, et ensuite de manière morale, puisque c’est elle qui décide d’aller kidnapper un des quintuplés de la famille Arizona.


Holly Hunter dans Arizona Junior.

Dans Miller’s Crossing, un nouveau film noir, cette fois-ci dans un contexte d’époque, le seul personnage féminin est celui de Verna Bernbaum (Marcia Gay Harden). Amante du héros et de son employeur, ses motivations sont uniquement de protéger son frère. Étonnamment, si elle joue encore un rôle de femme affirmée, son emploi est ici bien plus classique et effacé qu’à l’accoutumée. Rappellons que Miller’s Crossing est adapté librement de La Clé de Verre de Dashiell Hammett (3).

Barton Fink est fatalement très centré sur son personnage-titre, et ici encore, un seul personnage féminin a un peu d’importance. Il s’agit d’Audrey Taylor (Judy Davis), qui gère la vie d’un auteur alcoolique dont la similitude avec William Faulkner ne saurait être un hasard. On apprend même qu’elle a été son nègre et a rédigé certains de ses livres. Au-delà de ça, elle est intéressante puisqu’elle permet de montrer la relation que Barton entretient avec les femmes, et aussi pour l’un des bouleversements narratifs que je me garderais de raconter, mais son importance en tant que tel est très relative.


Jennifer Jason Leigh dans Le Grand Saut.

Dans Le Grand Saut, le personnage féminin, la splendide Amy Archer (Jennifer Jason Leigh (l)), reprend une importance cruciale au niveau du scénario. Portrait typique de la femme qui se dévoue à sa carrière, ici celle de journaliste, elle s’infiltre dans l’entourage de l’infortuné Norman Barnes, jeune naïf propulsé chef d’une grosse compagnie par hasard. Mais quand le comité veut détruire Norman, Amy va tenter de l’aider et lui donner la foi pour ne pas se laisser faire.

Faisons un petit point : en terme d’importance, 3 films voient des femmes partager avec leurs homologues masculins le rang de personnage principal, dans Blood Simple, Arizona et le Grand Saut. D’un autre côté, les rôles dans Miller’s Crossing et Barton Fink, aussi cruciaux soient-ils, laissent tout de même peu de places pour leurs actrices. L’emploi qui est fait de ces dames oscille entre classicisme (surtout dans Miller’s Crossing) et avant-gardisme (surtout Blood Simple). Difficile d’établir une ligne de conduite des deux frères à ce niveau de leur filmographie.


Frances McDormand dans Fargo.

Passons à l’un des films les plus reconnus de Joel & Ethan : Fargo. Ici, le personnage principal féminin, malgré une apparition assez tardive dans le film, est extrêmement intéressant. Marge Grunderson (Frances McDormand, le retour, Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle) prend en effet une place souvent dévolue à des caractères masculins, celui de l’inspecteur, en uniforme et tout et tout. Pourtant, sa caractéristique maternelle n’est pas oubliée, puisqu’elle est enceinte. Mariée, elle semble vivre en osmose avec son mari, avec qui elle communique très facilement. Elle lui laisse faire des tâches d’homme, comme secouer les cosses de la voiture (petit détail toujours intéressant), mais le laisse aussi faire des tâches souvent plus connotées aux femmes, comme préparer le dîner, ou encore pratiquer un métier artistique et minutieux (si je dis ça, c’est en comparaison avec la profession de Marge, pas en général).
A contre-pieds de tous les portraits de femmes jusqu’ici, Marge est d’une grande naïveté, ce qui rejoint plutôt des figures comme Norman du Grand Saut ou H.I d’Arizona Junior. C’est d’ailleurs vers la fin du film que Marge comprend que les gens ne disent pas toujours la vérité, et qu’elle met la main sur l’infortuné Jerry Lundegaard (qui, disons-le, est une grosse fiotte, mais c’est ce qui le rend humain), et aussi sur l’une des premières figures diabolique de la mythologie Coen, le type incarné par Peter Stormare, qui, pour le coup, incarne un avatar mâle complètement amoral dont on retrouvera de forts accents avec Anton Cigurh dans No Country for Old Men. Fargo est donc un film extrêmement intéressant dans cette optique des genres, puisqu’il marque une rupture dans la filmographie des deux frères. Mais s’agit-il d’un cas isolé ou d’un changement de cap ?

The Big Lebowski voit, pour la première fois, deux figures féminines s’opposer, même si elles ne se rencontreront jamais à l’écran. D’un côté, Bunny (Tara Reid), jeune croqueuse d’homme dévergondée et opportuniste, mais qui n’a pas de profonde méchanceté, juste le désir de faire ce qu’elle veut, et qui est absente pendant presque tout le film, absence qui provoquera toute une série d’épreuves pour le Duc. C’est donc à nouveau une femme qui sert de détonateur à l’histoire. De l’autre côté, Maude (Julianne Moore (l)), artiste avant-gardiste, froide et autoritaire, mais honnête. C’est elle qui va donner la clef de l’énigme au Duc, à peu près en même temps qu’elle se fait engrosser par lui sans l’avoir averti. A contrario de Blood Simple où la femme est cause et dénouement de l’histoire, dans The Big Lebowski, l’une d’elle est l’origine et une autre la fin de l’histoire. Malgré cela, l’univers du Duc reste assez masculin, et sans être anecdotiques, les apparitions de Maude restent sporadiques.


Holly Hunter dans O’Brother.

Toujours dans leur optique de reprendre des classiques et de les réadapter, les Coen s’attaquent ensuite à l’Odyssée avec O’Brother, qui transporte Ulysse dans le Sud des Etats-Unis dans les années 30. On peut noter deux présences féminines d’importance. D’abord Penny McGill (de nouveau la splendide Holly Hunter (l)), alter-égo de Pénélope, qui attend le retour de son mari. Sauf qu’avec les Coen, elle perd patience et se remarie entre-temps, en racontant à ses enfants qu’Ulysse s’est fait écraser par un train…à nouveau, un personnage de femme très indépendant, mais aussi assez anecdotique. Ensuite, les Sirènes, qui, bien entendu, ont pour but de charmer les trois forçats afin de les livrer à la police, en échange d’une prime. Reprise du thème de la trahison, donc. O’Brother est donc un autre film globalement masculin, où les femmes n’ont qu’une petite place. Il participe cependant de la thématique globale des frères, et on retrouve des caractéristiques déjà évoquées dans les films précédents.

De nouveau, faisons une petite pause. On peux voir se dégager, malgré la diversité des genres et des emplois, des thématiques récurrentes, et deux semblent cohabiter chez les femmes dans les films des frères Coen : à de rares exceptions, elles sont très souvent indépendantes, mais bien souvent aussi, manipulatrices. Evidemment, les variations présentent différents aspects de ces ‘qualités’, ainsi, Edwyna peut paraître autoritaire, elle reste néanmoins très sensible ; Bunny profite allègrement de la fortune du Gros Lebowski, mais n’en reste pas moins une jeune paumée qui ne fait que profiter de ses atouts ; Marge est un personnage extrêmement ambiguë, qui semble transgresser les notions de genre avec son mari, ce qui résulte en une sorte d’osmose et d’harmonie tout à fait enviable (et idéale plus que réaliste ?). Ajoutons à cela une tendance à se servir des femmes comme de simples artifices scénaristiques, afin de compliquer la tâche de l’analyse. Mais poursuivons.


Scarlett Johansson dans The Barber.

Le film suivant, The Barber, est à nouveau un film noir. Deux personnages de femmes y ont de l’importance. Tout d’abord, Doris (Frances McDormand…encore, mais comme elle est toujours géniale…), qui domine complètement le pauvre Billy Bob Thornton, et le trompe avec son patron à elle, James Gandolfini. Figure désormais classique chez les Coen, sauf qu’ici, elle connaît un destin assez tragique, entraînant par là même tout son entourage dans sa chute.
Et puis il y a Birdy (Scarlett Johansson, pas encore hyper-connue à l’époque), jeune fille insouciante, qui se lie avec le héros à travers la musique, mais qui va vite révéler des intentions moins innocentes…ce qui l’amènera, là encore, à être châtiée par la providence. Le film offre donc une vision bien plus pessimiste qu’à l’accoutumée, mais en même temps, il finit mal pour tout le monde, et tous les personnages sont détestables, ou en tout cas, bourrés de défauts. A partir de là, l’image négative de la femme n’est pas une spécificité mais fait partie d’un tout, ce qui, quelque part, en réduit la portée.

Ensuite, on repasse à une comédie, Intolérable Cruauté. Le film est basé sur le principe des tromperies et des divorces chez la bourgeoisie Californienne. Catherine Zeta-Jones et Georges Clooney sont donc en concurrence pour se faire des coups de pute, et ainsi garder la plus grosse part du gâteau. Un peu comme dans The Barber, tout le monde en prend pour son grade, et si le personnage de Catherine Zeta-Jones n’atteint pas le degré de stupidité de Clooney et de sa clique, elle se rattrape au niveau de la cruauté (d’où le titre ?). Encore un portrait de femme vénale et possessive, mais dangereusement intelligente et indépendante.
Cela dit, il faut noter que le film n’est pas un projet des deux frères à la base, ce qui met en doute le crédit à accorder à l’implication des Coen dans le scénario, même si cela semble parfaitement correspondre à leurs thématiques.

Vient ensuite une autre adaptation, cette fois-ci un remake du splendide film The Ladykillers de 1955. Même en déplaçant l’action dans le sud des Etats-Unis, le scénario reste le même : une équipe de bras cassés s’installe chez une vieille dame afin d’utiliser sa cave pour atteindre un coffre-fort situé dans un sous-sol voisin. Sauf que la vieille dame va s’avérer bien chanceuse…ou démoniaquement maligne ? Difficile à dire, même si elle l’air plutôt intègre, on est en droit de douter de sa naïveté apparente (4).
Autre personnage ‘féminin’ présent dans le film (et absent de l’original), Mountain Girl, qui transcende un peu les genres, au vu de sa…stature. Il n’y a pas grand-chose à dire sur elle, c’est plus un gag qui sert de répartie au personnage de J.K Simmons et un procédé scénaristique. Rappelons qu’il s’agit là encore d’une adaptation, assez libre, certes, mais qui peut-être perçu comme une contrainte idéologique pour les Coen.


Catherine Zeta-Jones dans Intolérable Cruauté.

Et là, paf, encore une adaptation, et l’un des plus gros succès des Coen, No Country for Old Men. Et là encore, le casting féminin est assez réduit, puisqu’on retrouve juste Carla Jean (l’incroyable Kelly MacDonald (l)), une jeune fille simple, qui a une relation très franche avec son compagnon Llewelyn. Pendant tout le film, elle cherche à comprendre ce qui se passe, et côtoie notamment le shériff Bell qui lui raconte un bon gros tissus de conneries, mais à la fin, lorsqu’elle rencontre Cigurh, le tueur psychopathe, on se rend compte qu’elle est loin d’être à la masse, et tient un raisonnement très juste…avant de se faire assassiner hors-champs. En tout cas, je l’interprète comme ça. Mais toujours est-il que son personnage rappelle un peu celui de Marge dans Fargo, faussement naïf mais profondément gentil et humaniste.
Bon, là encore, il s’agit d’une adaptation, très fidèle de surcroît, du livre de McCarthy. Les Coens ont quand même zappé à la fin la rencontre entre Llewelyn et une jeune auto-stoppeuse, remplacée par une scène très courte, juste avant que les Mexicains n’attaquent le motel. Je zappe le personnage de la mère, pur élément comique et scénaristique et qui ne connaît pas vraiment de développement psychologique.

Retour à la comédie avec Burn After Reading, et là, les personnages féminins reprennent un peu plus d’importance, avec Linda Litzke (Frances McDormand, qui a donné de sa personne), monitrice dans une salle de sport, obsédée par son âge et qui va tenter de vendre des données confidentielles de la CIA trouvées par hasard à l’ambassade de Russie. Là encore, une femme complètement maniaque, cette fois-ci à propos de son apparence. Mais on pourrait arguer qu’elle ne l’est pas plus que Brad Pitt dans le même film, ou Clooney et ses cheveux dans O’Brother et sa dentition dans Intolérable Cruauté.
A côté, on trouve Tilda Swinton, monomaniaque et glaciale, qui trompe son mari avec le personnage de Georges Clooney. Rien de bien nouveau sous le soleil. Mais quand même, il convient de noter que les femmes font ici un peu moins seconds couteaux et que les stars partagent l’affiche avec un pied d’égalité (enfin, sauf le pauvre Richard Jenkins…)


Tilda Swinton dans Burn After Reading.

Enfin, le dernier Coen en date, A Serious Man, dont le titre laisse encore entendre une forme d’accaparation de l’écran par la gent masculine, laisse pourtant la place à deux personnages féminins plutôt importants. Judith Gopnick (Sari Lennick, qui n’a fait que ce film avant de retourner dans le monde du théâtre), qui va quitter Larry pour aller avec Sy Ableman. Ont-ils déjà consommé hors-mariage ? On ne sait pas. Mais c’est encore une forte tête qui tient la famille par les rênes, là où Larry est complètement paumé.
Et puis il y a la voisine, qui incarne la tentation, la luxure, la drogue, et sur laquelle l’infortuné Larry fantasme. Encore une fois, ces deux personnages s’intègrent à cette vision de la femme que les Coen ont déjà mis en place dans leurs précédents films.

Nous en arrivons donc aux conclusions : les frères Coen sont-ils féministes ? En un sens, oui. Les actrices qu’ils font jouer sont souvent des femmes de caractère, qui savent ce qu’elles veulent et qui sont des meneuses, indépendantes par rapport à l’homme. A tel point que l’on peut en ressentir de la crainte, et que, suivant la tradition du film noir, elles sont aussi manipulatrices et se servent de leur intelligence à des fins peu morales (à différents degrés et selon différents buts : de Doris dans The Barber, jusqu’à Edwyna dans Arizona Junior [même si celle-ci connaît la rédemption]). Mais quelque part, il ne faut pas oublier de tracer un parallèle entre ces femmes vénales et infidèles et les hommes qui, dans l’univers des Coen, sont tout autant pointés du doigt, même si, plus généralement, ils sont des losers patentés qui rêvent de gloire et de fortune, mais se font toujours avoir à la fin.
Cependant, dans ce pessimisme latent, une catégorie de personnages échappe à cette vision acide de l’humanité. Faussement naïfs et simples, des protagonistes comme Marge dans Fargo, Carla Jean dans NCFOM, peut-être la grand-mère dans Ladykillers, mais aussi Norman dans Le Grand Saut (et par extension Amy, qu’il parvient à ramener sur le chemin de l’innocence) sont des exemples de positivité et d’intégrité. Et même si l’issue ne leur est pas toujours favorable, ils auront cependant la sympathie du public, quelque soit son\leur sexe.

(1) Mais on peut facilement se douter de la réponse…
(2) Détail génial : dans la maison, le portrait du chien est placé au-dessus de celui d’Abby…
(3) Un classique du roman noir, je vous le recommande chaudement.
(4) Ou alors, je deviens parano…