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dimanche 12 décembre 2010

Dirty Harry by micab

A l’orée des années 70, Clint Eastwood est un acteur qui a le vent en poupe. Il vient de passer la décennie précédente à créer sa propre légende grâce à des westerns dont il est le héros ambigu. Depuis ses débuts dans la série TV Rawhide et sa consécration avec sa collaboration avec le réalisateur italien Sergio Leone, Clint Eastwood vogue sur son image macho soucieux de l’ordre et de la justice. Très marqué à droite au sein de la libérale Hollywood, l’acteur est une énigme vivante naviguant entre un jeu très minimaliste et souvent caricaturé et une volonté réelle et bientôt concrète de prendre le contrôle de tous ses films. Il aurait fait parti de la précieuse A-list des acteurs les plus demandés et le mieux payés si cette liste avait existé.
Les producteurs et les distributeurs se méfient autant de lui qu’ils l’admirent, et dans un système dont la tendance à presser le concept jusqu’à la dernière goutte, Eastwood est très voir trop marqué western. Personne ne le voit autrement qu’avec un chapeau et des bottes, le monde moderne n’est pas pour l’acteur, les spectateurs ne le suivent pas.



Deux essais ont pourtant été tentés pour casser son image :
- les Proies réalisé par son ami Don Siegel dont l’action se passe certes pendant la guerre civile, mais dont l’histoire est centrée sur une histoire d’amour entre une jeune fille et un vétéran. Le public réservera un accueil très timide à ce film le considérant trop à l’eau de rose pour l’acteur.
- un frisson dans la nuit qui marque les débuts derrière la caméra d’Eastwood. C’est la première fois dans sa filmographie où il joue autre chose qu’un cow-boy pur et dur. Même dans sa première collaboration avec Don Siegel dans un shérif à New-York, l’acteur ne joue pas autre chose qu’un ersatz des personnages de Sergio Leone. Si la critique suit Clint Eastwood sur un frisson dans la nuit, le public est encore fébrile et ne réserve pas le même succès à ce film qu’au cow-boy acteur !

C’est dans ce contexte qu’arrive le script de Dirty Harry, un véritable tournant.



Écrit au départ par Harry et Rita Fink, le scénario s’inspirait en grande partie du serial killer le zodiac dont David Fincher réalisera le film éponyme quelques années plus tard. L’action se passe cependant à New-York pour éviter toute ressemblance avec les événements s’étant réellement passés. Le script est passé entre plusieurs mains pour une amélioration sensible de l’histoire de départ. Tout d’abord le très controversé John Milius qui changera largement le personnage principal en s’inspirant d’un ami policier « qui ramenait rarement les gens qu’il venait chercher », on lui doit également le très célèbre do I feel lucky, well do you punk ? et Terrence Malick qui voulut faire de scorpio, le serial killer du film, un ancien flic qui tuait des criminels en liberté. Son idée sera repris pour la suite de Dirty Harry : Magnum Force. Malgré leur contribution, leurs noms ne seront pas crédités au générique.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les producteurs n’ont pas pensé à Clint Eastwood pour le rôle d’Harry Callahan. Il n’était même pas envisagé. Il faut dire que le script décrivait le policier comme un homme dans la cinquantaine. Robert Mitchum, John Wayne, Burt Lancaster refusèrent le rôle. Franck Sinatra fut un temps considéré avec à la réalisation Irvin Kershner mais l’acteur s’étant cassé le poignet durant son précédent tournage, il trouvait le revolver trop lourd. De plus, venant de perdre récemment son père, il voulait se tourner vers un registre beaucoup plus léger. Les producteurs se tournèrent alors vers des personnes plus jeunes dont Marlon Brando (bien qu’officiellement jamais approché) mais surtout Steve McQueen et Paul Newman. Ce dernier trouvant le rôle beaucoup trop à droite pour lui suggéra le nom de Clint Eastwood pensant que cela lui conviendrait mieux. Sept acteurs parmi les plus grandes stars d’Hollywood ont donc refusé le rôle !. Eastwood demande en échange de sa participation la relocalisation du film en Californie à San-Francisco, lieu de chasse du zodiac et une des villes les plus libérales des USA, afin de mettre en exergue les valeurs de justice véhiculées par Harry Callahan, notamment en ce qui concerne les droits des victimes.

A l’instar de Bullit, Dirty Harry se veut clairement ancré dans une réalité à l’encontre du flower-power de l’époque avec son personnage de flic droit, incorruptible et prêt à tout pour garantir à bien sa mission quitte à dézinguer quelques traines savates au passage.
Mais contrairement à Bullit, Dirty Harry va beaucoup plus loin. Callahan n’est pas un simple policier, l’homme ne vit que pour et par son boulot, et il ne s’arrêtera jamais. Il ne se fixe aucune limite et joue avec l’humour pour arrêter ou tuer les criminels. En fait, son attitude est en accord avec une grande partie de la population fatiguée des politiciens qui n’arrivent pas à endiguer la vague de crime perçu comme une conséquence de la perte des valeurs de la génération des baby-boomers. Une raison qui poussera Don Siegel à engager le très jeune Andrew Robinson pour incarner le tueur car il avait « une tête d’enfant de chœur ». Ce dernier hésita avant de s’engager car il était très mal à l’aise à l’idée de tourner des scènes où il devait torturer des enfants.



Considéré comme un classique du genre, de nombreuses fois copiés sans pour autant être égalé, Dirty Harry fut un immense succès aux USA et dans le monde. Non seulement il répondait aux attentes du public en créant un véritable phénomène surprise, mais il répondait aussi à une actualité brûlante à un moment où les plaintes contre des policiers outrepassant leur rôles à la manière de Harry Callahan commençaient à émerger dans la presse.
Les mimiques d’Eastwood, son ton, sa cool-attitude et ses répliques faciles à retenir deviendront sa marque de fabrique. Les spectateurs du monde entier reviendront encore et encore le voir lui permettant ainsi de devenir une icône culturelle mondiale.
Un film de cette importance n’existe pas sans son lot de critiques acerbes (justifiées ou non). On a taxé Dirty Harry de véhiculer des idées fascistes et anti-démocratiques. Peut-être est-ce dû à l’influence de John Milius dans l’histoire, ce dernier passera d’ailleurs sa vie à essuyer ce type d’attaques non sans volontairement les alimenter en se créant un personnage de scénariste-réalisateur génial mais à l’extrême droite. Sans être trop éloigné de la réalité, à force d’en user il finira petit à petit par se fermer les portes d’Hollywood.
Dirty Harry demeure sa plus belle création méconnue magnifiée par un Clint Eastwood engagé et simple de naturel et un réalisateur au top de sa forme. Un film incroyablement bien fait et efficace, dont on parle encore comme un modèle de spectacle qui diffuse des idées limites mais tellement jouissives à regarder sur grand écran !

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