Vous le savez, la vie d'un film commence bien avant que la caméra ne se mette à tourner, et s'achève (d'ailleurs, s'achève-t-elle vraiment ? ) bien après que le metteur en scène ne crie "Coupez ! ". D'une idée qui germe dans la tête de quelqu'un jusqu'à la projection face à un public, la construction d'un film passe par de multiples étapes qui vont vous être présentées ici même.
I. Pré-production
II. Tournage
III. Post-production
IV. Distribution
I. La première démarche pour l'élaboration d'un film concerne le scénariste. En effet, après avoir imaginé une histoire trépidante et sué sang et eau pour retranscrire ses idées sur sa machine à écrire (et ce n'est clairement pas donné à tout le monde), le pauvre bougre va devoir présenter un synopsis accompagné de notes d'intentions aux producteurs. Selon que le pouce du type qui a l'argent se dirige vers le haut ou le bas, le scénariste va alors devoir écrire, réécrire, remanier son script jusqu'à approbation définitive ; ou alors tenter sa chance ailleurs. L'élaboration d'un scénario complet et viable prend plusieurs mois, et peut parfois rencontrer moult difficultés avant d'arriver à terme (Blade Runner, par exemple). Si tout va bien, on va choisir un distributeur selon le public visé, le genre, et toutes les spécificités du film, et la préproduction va pouvoir commencer.
Le travail préalable à la préproduction, c'est le producteur qui s'en charge. Il trouve le réalisateur, le directeur de la photographie, les acteurs, tous les professionnels qui vont travailler sur le film, évalue le financement, loue des locaux et des studios. Pendant ce temps, on se charge du découpage technique du scénario : on le divise en scène, on estime la durée du film (ce qui influe sur les ressources de la production), on paramètre déjà les plans. Le but est d'assigner de façon claire chaque élément du scénario au corps de métiers qui lui convient, afin de limiter les imprévus.
Ensuite, le repérage fait intervenir le chef décorateur, et, souvent, le réalisateur lui-même. Et selon les endroits qui vont être choisis, on peut être amenés à modifier un scénario. Comme disait Bertrand Blier, de mémoire, il suffit que l'escalier soit à gauche dans la maison, au lieu d'être au centre, et ça change tout.
Ensuite vient la création du story-board, qui consiste à dessiner de manière plus ou moins sommaire les plans envisagés par le réalisateur. Certains demandent un story-board intégral du film, d'autres ne veulent que les plans les plus élaborés, et enfin, certains s'en passent complètement. Un bon story-board permet d'avoir une idée très précise du visuel du film, et impose un cadre et une certaine discipline au réalisateur. Mais il faut parfois s'en départir et profiter des évènements inattendus qui se produisent lors d'un tournage. Et là, le réalisateur est face à ses choix.
La synthèse de tout ce travail de préproduction aboutit à un plan de travail, souvent réalisé par le premier assistant-réalisateur. Il regroupe toutes les informations et indications recueillies pour chaque corps de métier ayant déjà officié ou qui va devoir travailler lors du tournage. Là encore, il s'agit d'éviter les problèmes de communication et les aléas du tournage qui pourraient plomber le film (petite pensée pour Terry Gilliam...). C'est aussi à ce moment que l'on décide dans quel ordre le film va être tourné.
II. On en arrive au tournage proprement dit, probablement la partie la plus connue. On va sur le lieu de tournage, en studio ou en décors naturels, on prépare les plans, les décors, l'acteur arrive, fait sa starlette, on utilise le clap (cf la superbe propa de Zuff sur le sujet), on crie action, on filme, on re-filme, jusqu'à ce que ce soit parfait, et paf. C'est dans la boite, "coupez". Ça peut se compliquer, si les acteurs font leurs fines bouches, s'ils meurent pendant le tournage, si le réalisateur menace les acteurs de castration, ou toute autre chose qui se retrouveront des années plus tard dans les biographies des étoiles d'Hollywood.
III. On en arrive au travail de post-production, vital s'il en est puisqu'il va aboutir à l'élaboration du master du film, duquel seront tirés les copies qui arriveront dans votre cinéma. Et pour cela, le monteur doit intervenir, et sélectionner, parmi les rushes accumulés pendant la production, ceux qui vont devenir le film. Occasionnellement, on peut faire des retakes, c'est-à-dire retourner filmer des scènes qui ne fonctionnent pas (ça se voit généralement dans la coiffure des acteurs). À ce stade-là, tout peut encore arriver, on peut complètement bouleverser le sens d'un film en ajoutant, supprimant, déplaçant et modifiant des scènes. C'est aussi là que le réalisateur peut se rendre compte qu'il a vendu son âme à une infâme société de production qui veut le montage final, et décider de ne pas signer son film (qui sera alors remplacé par Alan Smithee. En tout cas, c'était la tradition, avant...).
Mais de toute façon, le boulot n'est pas encore fini, car si l'on a l'image, il faut aussi le son. Et là, ce sont les bruiteurs, les compositeurs, le mixeur, et, dans certains cas, les acteurs qui reviennent faire de la post-synchronisation si les prises n'étaient pas audibles, qui vont se partager le travail.
Et puis il y a toute la partie consacrée aux effets spéciaux, afin de remplacer les toiles vertes par des paysages numériques, et essayer de donner un sens à une bande d'acteurs qui agitent leurs épées en plastique dans le vide.
Mixage final, mastering, et paf, on a notre bobine, prête à éprouver la rudesse d'une kinoton, à subir les affres du temps, à se consumer face à un public ébahi par la poésie indicible d'un message touchant passé à travers le prisme de ce média fantastique qu'est le cinéma. Sauf que ce n'est pas tout à fait fini. Il reste une étape.
IV. Oui, car c'est bien beau d'avoir fait un film, mais avant de rentrer chez soi pour attendre de savoir si on a rentabilisé notre film et si on va avoir un césar, et bien il faut le faire connaître, son bébé. Et donc, il faut le promotionner. Promouvoir. Et ce n'est pas une mince affaire. Outre les interviews à Télérama, il faut aussi aller dans les salons pour essayer d'exporter le film. Et parfois ça marche, comme Caro et Jeunet qui ont cartonné sans trop qu'on sache pourquoi aux States.
La distribution implique aussi une part de programmation : dégoter des réseaux pour distribuer le film. Parce que sinon, le film ne sortira pas dans un nombre suffisant de salles et ne rentrera pas dans ses frais, comme Scott Pilgrim. Mais heureusement, plus tard, il y aura la version DVD. Et si j'avais retenu mon cours d'économie des médias, je pourrais vous dire avec précision la part que la vente de tickets représente dans les recettes d'un film, mais non, alors je me contenterais de dire que de nos jours, cette fraction, sans être négligeable, ne constitue plus la façon principale de rembourser ceux qui ont financé le film.
Voilà, notre beau bébé est né, après moult péripéties, depuis son incubation dans les neurones du scénariste jusqu'aux négociations pour qu'il soit diffusé le plus largement possible. Après, savoir s'il va marcher ou pas, c'est une autre histoire.
PS : milles excuses, j'ai un peu mélangé le système Hollywoodien et le système à l'européenne. Il y a des différences. Tant pis.
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