Bruges, des tueurs professionnels, un nain, un skinhead, une jeune première qui vend de la dope, voilà les ingrédients du premier long-métrage de l'Irlandais Martin McDonagh. Le monsieur est plutôt connu pour ses pièces de théâtre, mais le succès d'un court-métrage, Six Shooter,(couronné d'un Oscar, tout de même...) lui a ouvert les portes du cinéma. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le parcours et les origines atypiques du monsieur vont, sans surprise, aboutir à un film assez hors-normes.
In Bruges, c'est l'histoire de Ray, un tueur à gage Irlandais étrangement dépressif, et de son collègue Ken, qui sont envoyés en Belgique par leur patron Harry pour se mettre au vert après une mission qui a mal tourné, et a abouti au décès accidentel d'un enfant, victime d'une balle perdue de Ray. Là-bas, ils attendent le coup de téléphone de leur boss qui les délivrera de Bruges, que Ray ne supporte pas. La rencontre avec une jeune femme sur un plateau de tournage, Chloë va pas mal chambouler Ray, tandis que Ken reçoit finalement le fameux coup de fil de son supérieur...
Avec In Bruges, on pouvait s'attendre à une comédie noire un peu pataude (cf l'immonde tagline : La belgique, ses moules, ses frites, et ses tueurs à gages), or, au final, on ne peut pas dire que j'ai vraiment ri plus que ça. Quelques scènes sont assez cocasses, dans un style franchement noir, mais non, In Bruges, qu'on nous vend comme un film à vocation comique est, à mon sens, un superbe drame psychologique. Parce que les personnages sont vraiment doués d'une grande épaisseur, que ce soit Ray, son apparent infantilisme qui cache son mal-être, Ken et sa bonhommie qui ne fait qu'illusion quant à ses questionnements sur son mode de vie, Harry et son code de l'honneur qui rappelle les détectives privés des films noirs, mais aussi toute la galerie de personnages secondaires, à commencer par Marie, gérante de l'hôtel, qui offre une sorte de contrepoids fabuleux à Harry, alors qu'elle n'a que quelques minutes à l'écran, Jimmy, l'acteur nain dont la présence personnifie le mal-être de Ray (qui n'a de cesse de lui répéter que de nombreux nains de la profession se sont suicidés, comme celui de Bandits, bandits...), et enfin Chloë, bien sûr, qui incarne l'espoir alors qu'au fond, c'est loin d'être une sainte, puisqu'elle vend de la drogue et arnaque les touristes...
Le défaut du film, je crois, c'est le début. Si le réalisateur a voulu faire ressentir au spectateur l'ennui que Ray éprouve dans la perspective de découvrir Bruges, c'est un peu trop réussi. Mais le film va crescendo, et nous livre quelques scènes assez fabuleuses, comme celle du dîner entre Colin Farrell et Clémence Poésy, ou encore le destin de Brendan Gleeson qui, à titre personnel, m'a beaucoup ému. La fin reste ouverte, la seule chose que l'on sait, et, quelque part, la seule chose qui compte, c'est que Ray a retrouvé l'envie de vivre, et qu'il a enfin connu la rédemption.
Formellement, le film s'avère correct. La photographie bleue-grise rappelle définitivement la Belgique, c'est sûr...mais les scènes de nuit font assez bon effet. Les plans sont honnêtes, tout a été tourné sur place sauf la scène du beffroi qui a été recrée en studio. Globalement, le film se laisse voir.
Au niveau de la performance, par contre, il y a du niveau, et c'est très plaisant de voir Colin Farrell parodier son propre accent Irlandais et en faire des caisses. Les personnages sont forts, justes lorsque les circonstances l'exigent, et drôle, de temps en temps.
La musique, signée Carter Burwell, renforce la mélancolie du lieu et du film, et reste plutôt discrète, ce qui n'est pas plus mal.
En bref, In Bruges est un film atypique, mais c'est une très bonne surprise, dont j'ai vraiment apprécié la profondeur qui garde pourtant cette distance et cet humour noir en arrière-fond. Je vous recommande vivement de regarder les scènes coupées qui, à mon sens, avaient toute leur place dans le film, et constituent un bon approfondissement des relations entre les personnages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire