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lundi 1 août 2011

L'Arche Russe, Alexandre Sokourov (2002) by Cowboy

L'Arche Russe est, comme son nom l'indique, un film de félon communiste. Dans la plus pure tradition de ces buveurs de vodka, c'est long, c'est chiant, et il ne se passe rien.



Bon, maintenant que les casses-couilles sont partis, on va pouvoir causer entre adultes de la magnificence de ce film.

L'Arche Russe, réalisé par Alexandre Sokourov en 2002, est connu chez les cinéphiles pour une chose : d'une durée de 96 minutes, il a pour particularité de n'avoir été tourné qu'en un seul plan. Oui, vous avez bien lu, un plan d'une heure et demie. Et je vous prie de croire qu'il ne s'agit pas d'un plan fixe. Une steadicam, maniée par Tilman Büttner, également directeur de la photo (et connu pour avoir travaillé sur Cours, Lola cours) , va se balader à travers le musée de l'Ermitage à Saint-Petersburg. Sauf que la balade n'est pas seulement géographique, elle est aussi temporelle.

Un projet colossal, qui, pour un tournage d'une journée -et, quelle journée -, a nécessité quatre ans de préparation, plus de 850 acteurs et milles figurants, un travail impeccable dans des conditions difficiles pour l'équipe technique, et surtout, un plan parfait. Il a fallu trois essais, et d'ailleurs, la dernière prise était la dernière tentative possible, pour des raisons techniques. L'opérateur caméra raconte, dans l'incroyable documentaire adjoint au film, comment, à vingt minutes de la fin du film, il était au bord de l'épuisement, et ne doit le salut de l'oeuvre qu'à une poussé d'adrénaline qu'il ne saurait dissocier de l'émerveillement provoqué par le grand final du film.



Pourquoi un tel parti-pris de réalisation ? Deux explications s'imposent. Tout d'abord, un musée aussi prestigieux ne pouvait rester fermé plus longtemps. Ensuite, pour rendre cette vision de la Russie "en un souffle", et corroborer la thèse émise dans le film que "la Russie est un théâtre". Et force de constater que ce procédé fonctionne. Nous sommes happés dans ce voyage spatio-temporel. Le cinéphile va attendre la coupe, au début, comme dans n'importe quel plan séquence, et puis, au bout d'un certain temps, complètement oblitérer les procédés cinématographiques les plus rudimentaires. Oh, bien sûr, il y a quelques pauses dans le film, mais ces petits moments d'errance sont des respirations nécessaires entre les passages plus épiques et permettent de digérer tranquillement les informations. Il y a même un intermède franchement comique et inespéré au beau milieu du film. Sokourov parvient avec brio à créer des transitions entre ses scènes, et ce sans l'aide des procédés classiques de montage. Nous serions même plus proche du théâtre, et, s'il existe énormément de liens entre l'Arche Russe et le monde de la dramaturgie, c'est pourtant bien à un film que nous assistons, pas à la captation d'une représentation.



Mais au delà de cette singularité, le film est également doté d'une substance qu'il ne faudrait pas écarter pour des raisons purement formelles. L'Arche Russe est une expérience, mais il reste toujours un film, avec un scénario, une thématique, et une ambition. C'est un regard sur une nation, ou plutôt, la confrontation de deux opinions, celle du narrateur, et celle de l'étranger, personnage hybride à la fois historique (l'écrivain Alstophe de Custine) et, ici, à l'instar du narrateur, spectateur fantômatique de cette recréation fictive de la Russie. Et quelque part, il s'agit là du deuxième grand atout du film. Nous ne sommes pas ici dans une glorification béate de la nation, mais dans l'expression de deux points de vues assez rationnels. Le film devrait ravir les passionnés d'Histoire, mais aussi d'Art, puisque nous nous arrêtons sur des évènements historiques mais aussi sur quelques oeuvres présentes dans le palais.La recréation des décors, lorsqu'elle est nécessaire, est grandiose, les costumes sont superbes, la musique, interprétée en direct, bien entendu, clôt le film avec une scène de bal absolument époustouflante. Et je ne fais qu’effleurer la richesse de ce chef d'oeuvre avec des mots.

Plastiquement, techniquement, scénaristiquement, ce film est parfait de bout en bout, en plus d'être osé, original, fantastiquement anachronique et pourtant d'une fidélité rarement atteinte dans un film historique. Bon, évidemment, ce n'est pas pour les fainéants et les blasés, il faut un minimum d'attention et d'implication pour se laisser porter par le film. Mais sinon, ce voyage parmi trois cents ans d'histoire au beau milieu d'un des plus beau décors au monde est une pure merveille.

La grande question serait de savoir à quoi le film aurait ressemblé s'il avait été filmé de manière plus classique.

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