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mercredi 7 décembre 2011

Gangs of New-York de Martin "Taxi Driver" Scorsese by Jim

Mulberry Street... and Worth... Cross and Orange... and Little Water. Each of the Five Points is a finger. When I close my hand it becomes a fist. And, if I wish, I can turn it against you (Bill the Butcher/William Cutting)



Paradise Square, 1846. La neige ne reste immaculée que le temps d'accueillir la bagarre du siècle qui oppose le gang des "Natives Americans" aux "Dead Rabbits". Bill the Butcher, l'américain, le natif, le vrai américain, contre Priest Vallon, l'immigré irlandais, le faux américain. Sous nos yeux, les coups de couteau, les coupures faites à la hache, le sang, la souffrance, la cruauté, la mort. Amsterdam Vallon, jeune enfant, voit de ses yeux son père mordre la poussière, glisser contre le manteau blanc et froid de la mort. Bill the Butcher et les natifs ont gagné, ce sont maintenant eux qui vont régner sur le quartier : les Dead Rabbits n'existent plus, une page se tourne.

Scorsese, en 2002, est heureux de présenter son dernier-né, Gangs of New-York. Il faut dire que le projet est né dans les années septante, suite à la lecture du livre de Herbert Asbury, sur les gangs et la criminalité à New-York au dix-neuvième siècle. Mais des tas de problèmes en plus de contretemps sont survenus et le film n'a pu se tourner qu'en 2000, à Rome, dans des studios où la ville - New-York - , et plus particulièrement le quartier des Five Points, a été reconstruite pour ressembler à ce qu'elle était un peu moins de deux siècles plus tôt. C'est avec une trame centrale très shakespearienne - à savoir la vengeance de l'assassinat du père- et une ambiance parfaitement transcendée, que Scorsese réussit à captiver. Les décors (et figurants) représentent excessivement bien New-York, telle qu'elle était à l'époque où des milliers d'immigrés, affamés et remplis d'espoir, l'arpentaient. En plus de traiter des problèmes d'intégration de ces nouveaux venus et des difficultés engendrées par le recrutement de chair fraîche pour combattre lors de la guerre de Sécession, le film résume les préoccupations de l'époque dans l'expression suivante: "tout le monde voulait sa part du gâteau". Cette part du gâteau, ça n'est peut-être qu'un logement (in)salubre et un morceau de pain, mais ça peut être aussi une citoyenneté, ou même, le sentiment d'appartenir à ce tout promis à tant de bonnes choses. Parce que la plupart des immigrants étaient des irlandais qui avaient connu la famine dans leur pays, et que pour eux, la venue en Amérique représentait la poule aux oeufs d'or.

Dans cette optique, Priest Vallon et ses Dead Rabbits aspiraient à pouvoir se faire une place au soleil - ou plutôt dans la grisaille New-Yorkaise - sous les effluves de crasse des Five Points. Mais c'est ici que Bill the Butcher intervient : en refusant de laisser les migrants affirmer leur identité et avoir eux aussi, une part du "gâteau", le personnage les réduit au silence et les asservit : tout le monde, en 1862, travaille pour lui, même les irlandais qui avaient pris les armes contre lui en 1846 avec Priest Vallon. Douce ironie, en 1862, quand Amsterdam revient dans le quartier des Five Points, c'est pour retrouver ce coin de son enfance transfiguré, aux mains des natifs et, surtout, de Bill.

Well draw it mildly son. Happy Jack don't fill his lungs without I tell him he may do so(Bill The Butcher/ William Cutting)



Comme on peut s'en douter, la bataille finale entre Amsterdam et Bill the Butcher n'intervient qu'à la fin du film, après deux heures d'une exploration historique et sociologique de la grosse pomme, telle qu'elle était jadis. En plus de ce panorama sur la vie de l'époque, l'histoire décrit une relation qui se dessine entre Bill et Amsterdam : le natif prend sous son aile le jeune irlandais, et finalement, une sorte de lien père-fils s'installe entre eux. De quoi rendre encore plus shakespearien le film. Autour de ce lien gravitent des personnages secondaires, qui ont tous leur importance, leur influence sur le duo : Jenny, la pie voleuse, Johnny, le "second" d'Amsterdam presque, Monk McGinn, qu'Amsterdam prenait pour le plus vendu de tous mais qui pourrait être le plus loyal, Boss Tweed, le politicien véreux, les anciens Dead Rabbits, et la nouvelle génération d'irlandais.

De Gangs of New-York, on retiendra Daniel Day-Lewis, dans son interprétation magistrale de Bill the Butcher : l'acteur le plus doué de sa génération, le plus viscéral sûrement, n'avait plus rien fait depuis The Boxer de Jim Sheridan en 1997°. Comme à l'accoutumée, Day-Lewis s'est jeté à corps perdu dans le personnage qu'il devait interpréter : il s'est mis à parler avec un vieil accent - même en dehors du plateau - et a appris comment se servir de ses couteaux (en tant que boucher). L'implication dont l'acteur irlandais a fait preuve se reflète dans son jeu méthodique, froid, souverain ; il crève l'écran, les autres acteurs font pâle figure à côté de lui. C'est bien dommage, car DiCaprio ne tient pas la route face à Day-Lewis, malgré tout, ce n'est pas parce qu'il n'est pas un bon acteur, mais c'est parce que face à un Dieu, un mortel reste inférieur. Gangs of New-York était aussi une occasion pour Cameron Diaz de prouver qu'elle n'était pas juste bonne à se pavaner en balançant son derrière .



Scorsese n'a pas réalisé son meilleur film avec Gangs of New-York, mais il a encore une fois prouvé qu'il pouvait faire une histoire intrigante, bien ficelée et prenante du début à la fin. L’exploit, c’est bien sûr le personnage de Bill the Butcher, monstre de cruauté, pervers raciste qui se délecte presque de la souffrance d’autrui. Un personnage haut en couleurs pour une ville en pleine élaboration. Drame shakespearien qui a pour décor la violence et l’injustice, Gangs of New-York est une œuvre qui doit sa grandeur à Daniel Day-Lewis, un vrai monstre en Bill the Butcher, mais surtout, un monstre sacré du cinéma.

* Jim Sheridan est d'ailleurs le réalisateur avec lequel Daniel Day-Lewis a le plus travaillé : ils ont tourné ensemble My Left Foot, In the Name of the Father, et The Boxer. Cela dit il semblerait que Day-Lewis soit sur le point de tourner encore avec Scorsese, ce qui mettrait les deux réalisateurs à égalité. Day-Lewis a joué dans deux films de Scorsese : The Age of Innocence, et Gangs of New-York.


trailer
la version délire RPR des guignols

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