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mercredi 7 décembre 2011
Hedwig And The Angry Inch (2001) by Dylan
"My sex change operation got botched; my guardian angel fell asleep on the watch; now all I got is a Barbie doll crotch; I've got an angry inch!"
Hedwig and the Angry Inch, comédie musicale off-Broadway, a été adapté au grand écran en 2001. C’est James Cameron Mitchell, l’auteur de la pièce, qui s’en est chargé. Et c’est tant mieux, car qui d’autre aurait pu réaliser un film avec un personnage aussi complexe, sinon le créateur même de ce rôle ? Le réalisateur de l'excellent Shortbus montre qu'il sait parler de sexualité comme personne, et sans y aller doucement. Ce coup-ci ,il va encore plus loin, en interprétant lui même le rôle qu’il a créer en 1994. C'est la première fois depuis Shortbus qu'il se remets à jouer la comédie, lui qui était acteur dans les années 90. J’ai voulu vous parler de ce film, car je trouve qu’il fait partit des OVNIS dont personne ne parle, et que c’est bien dommage. S’il fallait le comparer à d’autres, je dirai que c’est un mélange entre Velvet Goldmine et The Rocky Horror Picture Show. Lorsque glamour rencontre le rock and roll. Lorsque les hommes sont des femmes et les femmes sont… tout aussi étranges.
L’histoire est celle d’Hedwig, un transsexuel allemand qui a un groupe de musique controversé, provocateur et visuellement violent. Quelques temps avant le début du film, on comprend qu’Hedwig a vécu une relation musicale et amoureuse avec un jeune homme : Tommy Speck (Michael Pitt), mais que celui-ci s’est ensuite tiré de son côté, lui a volé ses chansons, et est devenu une star du rock. Dégoûtée, trahie, Hedwig suit alors la tournée du jeune homme de ville en ville en jouant dans des restaurants bas de gamme. Hedwig ne manque pas de dire à la presse et à tout le monde qu’on lui a volé ses chansons, mais peu de gens s’intéressent à l’histoire et peu de gens y croient. Alors Hewdig se défoule sur scène et, grâce à son micro, parvient encore à faire passer son message. Du moins c’est ce qu’il pense, car en dehors de son groupe, il est bel et bien seul, incompris, et surtout incomplet.
Hedwig est un des personnages de fiction les plus fascinants qu’il m’a été donné de voir dans un film. Sincèrement. Pas pour son statut de transsexuel, mais pour la façon dont il perçoit la chose. Rien à voir avec les hommes qui se prennent pour des femmes et se dandinent machinalement sans y réfléchir. Ici, nous avons affaire à un personnage philosophe, poétique, mais qui a une vision acharnée et très dure sur ce qu’il est et ce qu’il aurait du être. Car Hedwig a été mutilé par un chirurgien, n’acceptant l’opération que pour faire plaisir à son premier amour, un militaire américain, Luther Robinson, qui l’avait prit pour une femme. Il lui demandera alors de se détacher d’une partie de lui même : de son pénis, pour qu’il puisse l’aimer pleinement et l’épouser. Une demande égoïste, qu’Hedwig, jeune, acceptera sans se poser de questions. Son nom Angry Inch est le nom qu’il se choisit pour parler de ses parties génitales mutilées. Son identité, elle est trouble, double, incomplète. Hedwig recherche son âme sœur, la personne qui sera sa partie manquante, celle qui fera qu’il se sentira à nouveau entier. Avant d’être Hedwig, il s’appellait Hansel et habitait à Berlin Est. Il essaye de faire carrière là bas avant de réaliser qu’il ne correspond pas aux mœurs de son propre pays : "I had tried singing once back in Berlin. They threw tomatoes. After the show, I had a nice salad." C’est donc un personnage fort, qui balance entre ses origines d’un pays séparé en deux, et son rêve de rock et d’Amérique.
"Tout au long du film, Hedwig fait référence au discours d'Aristophane dans Le Banquet de Platon. Ce discours, rappelé dans la chanson Origin of Love, raconte le mythe de l'androgyne ; chaque être humain était à l'origine double, puis fut séparé par Zeus, effrayé par leur pouvoir rivalisant presque avec celui des Dieux." (Wikipedia)
Hedwig devient donc un personnage mythologique, se confiant à nous à travers des chansons, des textes, des questionnements. Le film balance entre poésie, philosophie et musique. Les acteurs sont bluffants, surtout John Cameron Mitchell (Hedwig) et Miriam Shor, qui joue son acolyte : une femme déguisée en homme. Et pour un film dont le thème est la sexualité et le transgenre, il est étonnant d’avoir la sensation que le sexe, qu’il soit masculin, féminin, ou entre les deux, n’a absolument aucune importance lorsqu’on parle d’amour et d’épanouissement. Pour cela, ce film est très fort. Il se dégage des clichés et, même lorsqu’on l’attend au tournant, nous montre qu’il repose sur un scénario intelligent et un personnage très, très complexe. Mais la complexité du personnage d’Hedwig n’est pas un problème : il passe le film à nous transmettre ce qu’il est et ce qu’il ressent, et tout ça, sans artifices, malgré le monde de paillettes et de maquillage. Hedwig and the angry inch est un film de contrastes. Le glamour cache l’horrible vérité, l’amour est toujours décalé, le sexe sous entendu. On remplace un pénis par des ours en gélatine, le sang par les paillettes, la haine par des chansons.
"It is clear that I must find my other half. But is it a he or a she? What does this person look like? Identical to me? Or somehow complementary? Does my other half have what I don't? Did he get the looks? The luck? The love? Were we really separated forceably or did he just run off with the good stuff? Or did I? Will this person embarrass me? What about sex? Is that how we put ourselves back together again? Or can two people actually become one again?"
Croyez-moi, faire une comédie musicale qui n’est pas nunuche et qui transmets autant d’émotions violentes à travers des mots (moins à travers les chansons) , c’est un coup de maître. Une leçon de cinéma. Mais au delà de ça, pour ceux que ça n’intéresse pas plus que ça, c’est également une œuvre à connaître, ne serais-ce que pour les nombreux hommages musicaux existants. Type O Negative, Meat Loaf, Lemon Demon, et même Rufus Wainwright ont tous reprit des chansons tirés de la comédie musicale, ou y ont fait référence. C’est également devenu un film culte, presque au même titre que le Rocky Horror Picture Show, étant donné que certains fans vont jusqu'à rejouer le film lors de séances, en se déguisant etc.
Le film balance de l’humour noir sans mettre de gants, et en fait quelque chose de vraiment violent psychologiquement. Les scènes musicales m’ont un peu moins plus, a part quelques unes. Mais ce film m'a donné envie de m'intéresser au reste de la filmographie du réalisateur, ce qui est assez rare. En dehors des chansons et d'un Michael Pitt un peu agaçant, le reste m’a tellement scotchée que je me suis laissée portée par la voix d’Hedwig, tantôt douce, tantôt vicérale. Malgré mon énervement personnel pour les transsexuels hommes. Un bon moment de rock and roll.
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