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lundi 30 janvier 2012
The Girl With the Dragon Tattoo - David Fincher by Jim
Le ton avait été donné avec la sortie de la première bande-annonce – fuitée sur le net avant l’heure-, carrément sublimée par la reprise d’Immigrant Song de Led Zeppelin par une Karen O au sommet de sa voix dangereuse : The Girl With The Dragon Tattoo serait le « Feel Bad Movie of Christmas », selon les propres mots de David Fincher. Aux commandes de cette nouvelle adaptation du premier tome de la trilogie de romans de Stieg Larsson, un génie, David Fincher. Avant même la sortie du film, les langues se sont déliées, de façon idiote, comme il était prévisible : les « internautes-cinéphiles » jugeaient que cette nouvelle version de Millenium n’avait aucun sens, que les suédois avaient déjà bouclé leur trilogie, qu’il n’y avait plus rien à dire. A tous ces gens, nous disons un grand et fort non. The Girl With the Dragon Tattoo n’est pas un remake au sens propre du terme, c’est une adaptation du roman, la base du travail de Fincher et son équipe est le premier roman de Larsson, pas le film suédois. Non, ce n’est pas que pour le public américain, si souvent fermé sur lui-même qu’il refuse de voir des films étrangers aux consonances (culturelles) exotiques et préfère les retourner à la sauce hollywoodienne. Oui, The Girl With the Dragon Tattoo, c’est un hommage à un livre sacrément bien foutu, c’est un caprice visuel et esthétique qui se dérobe à la version suédoise, qui, soyons honnête, s’apparente plus - du point de vue de la réalisation – à un téléfilm policier allemand retransmis un jeudi après-midi sur France 2.
David Fincher a toujours un sens du style. Avec un CV impressionnant en matière de clips vidéos dans les eighties, Fincher s’est fait un nom, et pas pour rien. De sa carrière jusqu’ici, on peut retenir qu’il est capable du meilleur, car, ce type a un sens de la mise en scène, un sixième sens, un sens de l’esthétique pure. Il sait également diriger des acteurs, obtenir d’eux le meilleur et les envoyer dans un autre univers, les emmener aux confins de leurs capacités.
David Fincher était donc le réalisateur idéal pour Millenium : comment un autre aurait-il pu transcender aussi parfaitement cette histoire sordide, ce polar à l’ambiance qui n’est pas sans rappeler celle de Seven ?
Derrière sa façade de polar « habituel », The Girl With the Dragon Tattoo ne cache pas moins une intrigue sournoise et abjecte : les apparences renferment des secrets malsains qui doivent rester cachés. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Suède, et c’est à Mikael Blomkvist de le prouver, que ce soit contre un escroc présumé, ou, dans une histoire de disparition vieille de quarante ans qui prend racine dans une famille aisée d’industriels presque tous nazis. En parallèle, Lisbeth Salander, le personnage le plus dément de l’histoire de la littérature, se présente à nous, pour mieux nous séduire, et pour aider Blomkvist à trouver le fin mot à l’énigme de la disparition d’Harriet Vanger.
Sitôt que le film livre ses prémisses, l’impression d’étouffer s’immisce : on entre en territoire malsain. Il ne faut même pas de scènes impressionnantes pour que le malaise prenne aux tripes : sous les dehors enneigés presque immaculés, se cache un mal. Un grand mal qu’on tait, qu’on garde pour soi, un mal - qui prend diverses formes - qui ronge les individus, leur enlève leur humanité. Le territoire du pathos et de la violence s’offre à la vue du spectateur. Et les apparences sont trompeuses, les « délinquants » sont en réalité bons, et les protecteurs se font violeurs. Pour citer à nouveau Shakespeare, un serpent sous un visage de fleurs.
David Fincher étale tout son talent sous les yeux en créant cette ambiance acide, en faisant de chaque minute une minute d’incommodité. La Suède, si bienveillante sous sa neige élégante, devient un atelier de boucher où on découpe vivants les êtres. Lisbeth Salander, l’inadaptée, la malade mentale selon la société, s’avère d’une intelligence redoutable et d’une volonté de fer.
Il règne une ambiance oppressante, signe évident que le film s’inscrit dans une logique de « thriller angoissant » où nous dérivons jusqu’à la conclusion fatale, souvent affolante. The Girl With the Dragon Tattoo, c’est une aventure en milieu hostile, où rien n’est sûr, et où tous les secrets sont enterrés, le plus profondément possible.
La grande révélation du film est évidemment Rooney Mara. Impossible de ne pas se dire qu’elle a évolué depuis le pathétique remake du film A Nightmare on Elm Street, et que ce rôle de Lisbeth Salander lui colle vraiment à la peau. La vision de la femme défendue par Stieg Larsson est retrouvée ici : l’héroïne est une femme de tête, femme au mental solide qui peut s’occuper d’elle-même parfaitement, sans les autres. Si déjà la version du roman avait séduit le public, ici, on retrouve cette idée d’indépendance et de force, transcendée par Rooney Mara, véritable goth-punk-geek-surdouée. Lisbeth Salander est un personnage comme on n’en écrit pas deux fois dans sa vie.
Mais comment parler du film sans évoquer une seule fois Trent Reznor et Atticus Ross ? Si la référence à Reznor est plus que drôle au début du film – Lisbeth va chez son ami geek qui porte un t-shirt NIN- elle rappelle aussi que la musique du film a été composée par deux génies. Trent Reznor a déjà collaboré à des bandes originales, l’exemple le plus probant est d’ailleurs celui de Lost Highway (de David Lynch), mais il n’avait jamais composé entièrement la musique d’un film. En 2011, lui et Atticus Ross reçoivent un Oscar pour leur boulot sur la musique de The Social Network (de l’ami Fincher). Leur collaboration sur ce dernier film a été plus que fructueuse, il suffit d’écouter leur remix de In the Hall of the Mountain King pour s’apercevoir de leur grandeur.
Bref, ici, avec The Girl With the Dragon Tattoo, le duo signe une musique d’ambiance – quelle surprise ? – qui sert parfaitement l’intrigue puisqu’elle indispose parfaitement et colle aux images avec une adéquation totale. Il ne serait pas étonnant qu’ils gagnent encore un oscar pour la musique de ce nouveau film, d’ailleurs (edit : hé bien non, finalement, ils ne sont même pas nominés).
On s’y attendait, d’une certaine façon : Fincher allait livrer sur un plateau glacé une intrigue effrayante, épater quiconque avec des plans magiques parfaitement synchronisés et une maîtrise magistrale du rythme. Fincher rime avec thriller, et on imagine difficilement comment quelqu’un d’autre aurait pu réaliser le film. Après tout, The Girl With the Dragon Tattoo, c’est un peu un mélange – stylistiquement parlant – entre Seven et Zodiac. De quoi ravir les admirateurs du bonhomme, les mécontents de la version suédoise de Millenium, et toute personne qui souhaiterait se prendre deux heures de claques dans la gueule.
trailer
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