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mardi 28 février 2012

100 minutes d'éjaculation faciale by Blondin

Mise en bouche

Les critiques se sont emparées de Shame pour le porter en haut de l’affiche. Cependant, sous le feu des projecteurs on peut briller comme brûler. Tout l’encadrement du 7e art est unanime : le film s’annonce dérangeant, stimulant, hors des sentiers battus, riche de sens, complexe, construit, philosophique et raffiné. Un ovni au sujet duquel on s’exprime par le biais de superlatifs eux-mêmes soutenus par des adjectifs qui font référence à la Qualité.

Il faut admettre qu’il est ardu, dans un tel contexte, d’aborder ce travail cinématographique avec une neutralité absolue. Les médias jouent leur rôle quittent à brimer l’effet de surprise mais suscitent néanmoins la curiosité du spectateur. Loin d’un buzz certes mais pas à l’abri d’un marketing bouche-à-oreille relativement efficace.

Un générique sobre. Steve McQueen s’affiche à l’écran. Le réalisateur, pas l’acteur. Paix au premier tandis que le second est en instance de jugement.







Introduction visuelle et autres dérivés

Shame débute par une présentation sans paroles de Brandon (Michael Fassbender). On prend connaissance d’un homme baignant dans une atmosphère sexuelle. Tout est ordonné dans la vie de Brandon, tout est minuté. Chaque chose à sa place. Des prostituées de luxe triées sur le volet, du sexe dépourvu du moindre sentiment ? Rien ne semble échapper à son contrôle si ce n’est sont besoin constant d’assouvissement sexuel. Voici le thème central du film qui est présenté d’une manière peu subtile via, notamment, des messages vocaux sur son répondeur : « j’ai un cancer … le pire des cancers … le cancer du clito … appelle-moi Braaandon ». A cet instant, le spectateur devrait s’inquiéter pour la suite.

Brandon semble faire partie du « Top Management » de la société qui l’emploie. Son statut social transpire jusqu’aux extrémités de ses chemises haute couture. Son appartement new-yorkais de Golden Boy dénué de meubles et d’histoire mais cinglant de propreté et de modernité.

Hélas, Sissy (Carey Mulligan) la sœur de Brandon va débarquer. Elle est jeune, frivole et va perturber très sérieusement l’organisation quotidienne de son frère. Comment va-t-il pouvoir cacher sa vie sexuée ?

Contradictions ou comment essayer de prendre le spectateur par derrière

Tout d’abord, il ne faut pas prendre le spectateur pour un idiot. Brandon exerce une fonction qui lui permet de partir quand il le souhaite. Par exemple, il quitte son poste le matin et ne revient que le lendemain matin. A contrario, s’il arrive en retard le matin il est convié dans le bureau de son manager. Etrange me direz-vous ? Disons contradictoire et tout le film est parsemé d’incohérences scénaristiques. N’épiloguons pas davantage sur cet aspect car nous y passerions la nuit.

Le sexe, cette maladie qu’il faut soigner

Brandon est accro au sexe. Il visionne des films pornographiques à longueur de journée, fait l’amour à des call-girls de luxe, poursuit une fille dans le métro car son addiction peut prendre le dessus à chaque instant. Rien de neuf sous le soleil. La perversité de Brandon démontrée au travers de ses entretiens en live-cam avec une femme siliconée, on n’y croit guère.

Ainsi le film avancé comme une œuvre qui doit analyser le monde sexué et son marché s’éteint. C’est ridicule tellement les interactions entre les acteurs sont vulgarisées. Impossible de donner de la crédibilité au travail de McQueen tant il ne le mérite pas. Il nous propose une vision édulcorée du mal-être de Brandon car il était possible d’exploiter ce personnage bien au-delà de ce qui est proposé dans ce film. Fassbender est torturé mais sans jamais entrer dans l’analyse de sa souffrance parce qu’il souffre c’est un fait. In fine, ce travail traite du mal-être sociétal, du matérialisme et de la superficialité des relations humaines. Dans ce domaine, on a vu des travaux scéniques nettement plus probants.

A croire qu’on ne traite pas la superficialité relationnelle par la superficialité scénaristique. Durant une centaine de minutes, on comprend qu’il y a un malaise considérable entre sa sœur et lui. Tellement flagrant qu’un enfant de huit ans pourrait le déceler. A nouveau un manque cruel de finesse. Hélas les chapitres se succèdent dans un chaos sans intérêt. Creux, vide et sans volonté réelle d’approcher la complexité des sentiments humains. Une discussion intéressante dans un restaurant. Cinq minutes c’est insuffisant.

Le suçon religieux

Shame témoigne de l’omniprésence de la dimension judéo-chrétienne dans notre société. Cette empreinte moralisatrice qui rend le film dérangeant. (Sur ce point la critique avait raison). Une vision partiale de l’attirance physique et du désir corporel. On condamne le libertin errant mais on excuse voire on plaint l’homme marié qui trompe sa femme sans relâche. Sous prétexte qu’il se trouve sous la coupe du mariage, il est à excuser.

[SPOILER] Lorsque Brandon entre dans une discothèque gay. L’univers devient soudainement glauque. On quitte les lits duveteux, remplis de plumes où s’entrelacent des prostituées de luxe, belles, sensuelles et soignées jusqu’au bout des ongles pour une atmosphère pesante où les homosexuels sont présentés comme des citoyens basiques qui siphonnent des bières, portent des casquettes de camionneurs et se sodomisent partout dans le bar. La douceur et la beauté leur sont interdites ? On est en droit de se poser la question ? [FIN DU SPOILER]

Fassbender aurait pu permettre au film de s’en sortir mais même lui ne semble pas y croire. Loin du charisme d’un Christian Bale dans American Psycho. Erreur de casting ? Certainement pas. Fassbender ne manque pas de qualité. Ceci dit, il semble abandonné à son rôle et avoir manqué d’encadrement à l’instar du film. Carey Mulligan tire son épingle du jeu, elle possède décidemment un potentiel énorme qu’on avait pu apercevoir dans Drive. Touchante et sensuelle elle suscite à la fois tendresse et incompréhension. On a envie de la serrer dans ses bras, on a envie de comprendre sa relation avec son frère aussi mais McQueen ne nous offre pas cette opportunité.

Esthétiquement c’est une réussite. Par contre la bande originale est barbante et ne colle pas aux scènes.

Il ne faut pas tout intellectualiser certes mais il ne faudrait pas présenter l’être humain uniquement sous un aspect purement primitif. Un travail inachevé, une orientation républicaine.

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