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vendredi 7 septembre 2012

The Graduate (le lauréat) by Jim

Mrs. Robinson, if you don’t mind my saying so, this conversation is getting a little strange



En apnée, perdu, troublé. Ainsi, Benjamin Braddock apparaît à l’écran. Fraîchement diplômé, il revient au domicile familial, en Californie, et ne sait que faire de son avenir. Alors que les amis de ses parents le félicitent tous et insistent pour savoir ce qu’il va maintenant faire, Benjamin ne peut répondre, il ne sait pas lui-même que dire, mais surtout que faire ; « et après ? » semble être le refrain qu’il entame perpétuellement. Néanmoins, ce malaise disparaît quelque peu à  l’occasion d’une fête organisée par ses parents durant laquelle il revoit Mrs Robinson, la femme de l’associé de son père, une femme désirable et légèrement manipulatrice, avec qui il entame une liaison. Jusqu’au point culminant de l’embarrassant : Benjamin est chargé par ses parents et, aussi par Mr Robinson, de sortir avec Elaine Robinson, une jeune femme charmante et innocente, complètement ignorante de ce qui se passe entre sa mère et Benjamin.

Sorti en 1967 aux Etats-Unis, The Graduate n’a cessé de magnétiser moult générations par ses implications : Benjamin Braddock est le représentant de cette génération lassée de celle de ses parents, qui veut en finir avec toutes ces questions matérialistes et basées sur le ressentiment. La relation – de façon générale – entre le jeune homme et Mrs Robinson est d’ailleurs très représentative de cette idée de rancoeur, de ce que les anciens n’ont pas eu, que les plus jeunes peuvent avoir, mais que les anciens ne veulent pas qu’ils aient. A la fin des années soixante, la société traditionnelle a été bousculée, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe occidentale : un nouveau souffle voulait vaincre l’impérialisme, les règles absurdes et bourgeoises mises en place par les anciens. C’est dans cette veine qu’on retrouve The Graduate : entre révolte contre l’ancienne génération, et doute par rapport à l’avenir de la nouvelle : la seule certitude, c’est le changement. Mais comment opérer ce changement ?



Au-delà de ce contraste intergénérationnel, notons le vertige ressenti face aux possibilités infinies de Benjamin : il a son avenir devant lui, il est au commencement de sa vie, sa vie sans les études, les diplômes et tout ce qu’il a dû faire jusqu’ici. Il s’agit juste de choisir, de faire le bon choix, de se lancer, d’oser prendre une direction. Mais cela est évidemment facile en théorie, et compliqué en pratique : il faut prendre une décision future sur base d’un soi présent. Qui serais-je demain ? Et avant tout, qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? C’est pour cette raison que Benjamin répond vaguement aux questions qu’on lui pose sur son avenir,  se terre dans le court terme. Même la scène finale du film – que beaucoup ont interprété de façon positive alors qu’elle n’est ni heureuse ou foncièrement malheureuse – est en fait parfaitement inscrite dans ce vertige, cette sensation de perte de repères : The Graduate se termine sur la question que le film posait 1H40 auparavant: « et maintenant, qu’est-ce que je fais ? ».

Si The Graduate est âgé d’une quarantaine d’années, il n’a rien perdu de son message contestataire et définitivement universel : c’est un film sur le passage à l’âge « adulte », sur le fait de se trouver et d’opérer des choix d’avenir.  Sur la transition entre la période des études où tout est programmé et le moment où il faut trouver un boulot. Ce moment délicat où on erre sans repères. Et Benjamin Braddock n’est pas une exception : nombreux sont les jeunes en déroute totale dès l’obtention d’un diplôme.

Dustin Hoffman avait un peu moins de trente ans pendant le tournage du film, et c’était son premier rôle principal dans un long-métrage ; et pourtant, on ne lui donne pas tant en le voyant évoluer sous nos yeux rieurs, émus. Une des plus belles performances de sa carrière, d’une sensibilité et d’une auto-dérision inoubliables. Face à Anne Bancroft –pourtant à peine plus âgée que lui – , il est d’une maladresse attendrissante tandis qu’elle, est d’une cruauté à peine retenue. Et que dire de Katharine Ross, une perle dans le brouillard, une idée de la perfection ? Mais l’artisan du film, c’est avant tout, Mike Nichols, révélé un an plus tôt avec Who’s Afraid of Virginia Woolf. La réalisation poétique, mais avant tout créative et stylée de The Graduate lui vaudra beaucoup de compliments, et encore aujourd’hui, le film est considéré comme un bel exercice de style ; des plans astucieux, introspectifs, et drôles – comme l’affiche du film, où on distingue la cuisse d’Anne Bancroft en premier plan, et en second plan, Dustin Hoffman – se succèdent, pour ne laisser au final qu’une seule impression : celle d’être dans la peau de Benjamin Braddock.  Le point de vue de Benjamin, en apnée, avec le soleil qui gifle son visage, devant les jambes écartées de Mrs Robinson.



Dans les incontournables, il y a The Graduate. Si le film a pu prendre quelques timides rides, il n’en est pas moins intemporel par son message et sa réalisation, délurée, à fleur de peau. Un beau moment de cinéma, dont on ne se lasse pas, même après de très nombreux visionnages.


Une scène du film :

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