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jeudi 14 mars 2013

The NeverEnding Story by Albé

"Imageries de rêves d’enfants à la Spielberg, super technologie d’effets spéciaux à la Lucas, fantasmagorie philosophique à l’allemande." (Gilles Colpart)


Injections de colorants dans l'eau pour le ciel et les nuages.

L’Histoire sans fin est un roman de l’auteur allemand Michael Ende (1979). Plusieurs déclinaisons ont fait suite à l’œuvre originale : trois films par trois réalisateurs différents et une série animée plutôt sympa de 26 épisodes correspondants aux 26 chapitres du livre. Parmi les films, deux sont des navets. Seul le premier est digne d'intérêt. Sorti en 1984 et réalisé par Wolfgang Petersen, cette adaptation cinématographique ne reprend que la première moitié du livre.

Pour l’époque, ce film est une méga production : 27 millions de dollars. A sa sortie, il s’agit tout simplement du film le plus cher jamais réalisé en Allemagne. A titre de comparaison, les budgets réunis de E.T l’extraterrestre (1981) et Gremlins I (1984) n'ont pas dépassé les 21,5 millions de dollars. Concernant les effets spéciaux, c’est le britannique Brian Johnson qui s’y colle. Et ce n’est pas n’importe qui puisqu’il a déjà contribué dans une certaine mesure à 2001 : l’Odyssée de l’espace ou encore Alien, le huitième passager.

Et pour ce film, l'équipe technique a eu fort à faire tant au niveau des décors que des personnages. Un exemple parmi d'autres: pour créer le personnage de Falkor, il a fallu inventer une créature motorisée de 13 mètres de long avec une tête de plus d'un mètre et recouvrir ensuite l'ensemble de fourrures et d'écailles. Certes, le résultat est loin d'être le plus réussi et ne colle même pas au livre (Falkor n'a jamais eu de tête de chien). Mais c'est aussi le charme du vintage. Rappelons qu'en 1984, on ne dispose pas de moyens technologiques ultra pointus. L'animation n'est pas vraiment là pour prendre le relai quand la mise en scène se complique. Voilà donc un travail assez remarquable.

Les personnages

Venons-y justement aux personnages, un des gros points forts du film. Les personnages sont tous originaux, hauts en couleur et avec des caractères biens singuliers. Petit aperçu de quelques-uns d'entre eux :


Falkor, le dragon porte-bonheur & Atreyu le chasseur de bisons pourpres (sans la peau verte d'origine parce que les maquilleurs étaient vraiment trop nuls)
La chauve-souris géante narcoleptique et l’Elfe des nuits


L'escargot géant de course et son maître Uckûck (incarné par Deep Roy, l'Oompa-Loompa dans Charlie et la Chocolaterie)
Le golem mangeur de pierre (plat préféré: l'escalope de quartz)

Pour laisser la surprise intacte, j’oublie volontairement de vous parler d'Engywook, Urgl, Moorlah, Gmork,... Voilà donc un univers fantasy extrêmement bien développé. Et là où l'histoire marque encore des points, c'est qu'il ne s'agit pas d'un pur divertissement comme dans la saga Harry Potter, bien trop lisse à mon goût. Non, ici, il y a toute une force symbolique sous-jacente.

Pour expliquer cette force, encore faut-il parler de l’histoire : Bastien Balthazar Bux (BBB) est un jeune garçon endeuillé par la perte de sa mère. C’est un enfant solitaire (par choix contraint) qui aime se réfugier dans les livres. Un jour, par le plus grand des hasards, il tombe sur un livre intitulé L’histoire sans fin. Ce livre l’interpelle énormément. En effet, il s’identifie au héros du livre : Atreyu, un petit garçon comme lui, dont le but est de sauver le monde de Fantasia et ses habitants. Et la menace pèse lourd sur Fantasia. Le Néant est en train d'engloutir tout sur son passage.

Du Néant, il en est également question pour Bastien depuis la mort de sa mère, son objet d'amour le plus cher. Bastien n'arrive pas à s'en remettre. Cette perte subite et tragique le dévore de l'intérieur. Il est sur le point d’être anéanti. Sa vie psychique est profondément menacée, bouleversée. Voilà bien là un parallélisme évident entre Bastien et Atreyu. Pour être encore plus précis, Bastien et Atreyu ne font qu'un. En lisant l'histoire d'Atreyu, Bastien est en train de se regarder dans le miroir. Autrement dit, la quête d'Atreyu est celle de Bastien. Ce qui se déroule à Fantasia est la transposition de ce qui se passe dans la tête de Bastien. Et c'est bien là toute la richesse et la complexité de l’œuvre.

Seulement voilà, l’œuvre d'origine est d'une telle envergure que Petersen ne s'est pas fait que des amis en y touchant. Et c'est peu dire. Furieux, le papa de l’œuvre originale n'a même pas voulu que son nom figure au générique de fin. On l'aperçoit néanmoins en lettres minuscules.

La faiblesse du scénario est le principal reproche émis à l’égard du film. Et c’est plutôt vrai. Petersen passe d’une scène à l’autre avec une vitesse affolante. Pas le temps de s'imprégner de l'ambiance, tout va en accéléré. Le résultat donne des situations plutôt cocasses. La scène du marécage en est l'exemple typique. Voilà une scène qui a traumatisé une génération entière de gosses. Personnellement, ce rythme effréné ne me dérange pas. On n'a pas le temps de s'ennuyer, rien n'est tiré en longueur. Mais tout de même, la vitesse à laquelle se déroule l'histoire est un peu trop exagérée. Pourquoi faire un film de seulement 95 minutes quand il y a autant de matière à travailler ? L'absence de fidélité est un autre reproche adressé au réalisateur. Les lecteurs le confirment. Des passages entiers du livre sont sautés sans oublier que la deuxième partie du livre n’est même pas prise en compte. Pourquoi dans ce cas ne pas avoir fait de suite ? Dommage comme le précise Michel Chion (charmant comme nom) : "L’histoire sans fin est… tout juste l’album-souvenir photographique du vrai film féérique qu’il aurait pu être."

Au final, la critique est facile. Le potentiel de l'histoire est peut-être mal exploité, certes. Mais peu importe la forme, le film a le mérite d’exister et de présenter un réel contenu, ce qui est rare. Qu’un réalisateur actuel tente seulement de faire mieux ! Je demande à voir ! En attendant, pour les mécontents, le film est toujours une excellente porte d’entrée vers le livre.


Le précieux médaillon d'Auryn en forme de double Ouroboros, symbole d'éternel recommencement

Une question reste en suspens : Pourquoi l'Histoire sans fin n'a-t-elle pas de fin ?

Selon moi, il s’agit à nouveau du décès de la mère de Bastien et du désastre que cela entraine chez cet enfant. Depuis cet événement, Bastien vit dans un monde en ruines. Plus aucune prise, plus rien pour s’accrocher. Le vide laissé par la mort l'attire irrésistiblement (Thanatos et la pulsion de mort). Mais au bout du compte, Bastien parvient à s’arracher de là, à dire au revoir à l’être qu’il a tant aimé. Il est enfin prêt à aimer quelqu’un d’autre. Il se l'est imaginé. Après le silence funeste, place au bruit de la vie (Eros et la pulsion de vie). Le processus du deuil est bouclé. La vie reprend son cours. Mais au-delà de tout ça, l'infini fait référence directe à l'Imaginaire qui n'a de limite que celle qu'on veut bien lui accorder. L'imaginaire, c'est cette force créatrice qui a été nécessaire à Bastien pour se réinventer.


Voilà donc une Histoire sans fin n'ayant pas fin et se dégustant avec faim.

FIN


"Tout ce qui est imaginaire est vrai." (Eugène Ionesco)


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Source 1 : Résumé et Analyse psychanalytique du film

Source 2 : Fiche technique du film: synopsis et critiques

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