Notes de haut de page : Pas lu le livre. Contient des spoilers.
"Qu'est-ce que tu dirais si je me rasais la moustache ?" demande Marc à Agnès. "Je ne sais pas. Je t'aime avec mais je t'ai jamais connu sans." C’est sur cette question tout à fait anodine entre un couple que démarre ce film.
Car de l’anodin, c’est d’abord ce qu’on nous présente : entre le titre
quelconque du film et le début d’histoire d’un couple de bobos parisiens
qui vit dans un grand appartement, une invitation à un dîner chez des
amis, une vie professionnelle réussie… Une vie normale en bref.
Au début, Marc se cache, Agnès va-t-elle remarquer la
surprise qui lui a faite ? Il est amusé, mais déchante un peu quand elle
ne voit pas. Ses amis ne remarquent rien non plus. Ses collègues encore
moins. Il s’énerve, s’engueule avec Agnès.
"Tu n’as jamais eu de moustache". Tout bascule.
L’enfer c’est les autres
La Moustache nous montre avant tout l’importance de
vivre à travers les autres. Quand ceux-ci ne nous remarquent pas, on est
plus rien, on ne vit plus. Quand Marc n’est pas remarqué
auprès de sa femme, son couple et sa vie ne sont plus. Pourquoi ne
remarque-t-elle pas ? Lui joue-t-elle un tour ? Ou est-ce que c’est lui
qui devient malade ? Bref, le problème de l’indifférence se pose. Le
simple détail futile de se raser la moustache est indifférent à tout son
entourage.
Là, une certaine ressemblance avec un film de David Lynch
apparaît : folie, schizophrénie, descente aux enfers, trou
spatio-temporel, paranoïa… ? Toutes les questions sont permises. Mais
c’est bien à de la paranoïa à laquelle on est confrontés (selon mon
interprétation). On est brouillés entre rêve et réalité. Qui dit vrai ?
Quelle est la vérité ? Il y en a-t-il au moins une ? On s’inquiète. On
est frustrés.
Le cauchemar et l’angoisse se confrontent violemment à la tranquillité d’un couple. C’en est dérangeant et troublant.
Une interprétation parfaite
Vincent Lindon est Marc. Il joue au début, s’amuse avec sa femme, puis vient la déception, son regard de chien battu arrive. Puis il est perdu.
Emmanuelle Devos est exquise. Je n’avais jamais vu de
film avec cette personne, et à vrai dire, elle me rebutait un peu, mais
son rôle, tantôt de femme ne remarquant pas son mari, tantôt de
(presque) manipulatrice si je puis dire, est complexe et incroyable.
Elle se révèle être d’une importance capitale, puisque c’est elle qui
dit ou non si Marc a tort ou raison. Et ici, il a plutôt tort…
Leurs dialogues, souvent ponctués par des silences et de la musique
classique nous mènent vers l’incompréhension. Ils essayent de se
réparer, de panser leurs blessures, mais tout dégringole après un autre
événement ravageur dans la vie de Marc et de sa fameuse moustache.
Un film en demi-teinte
Malheureusement, la dernière partie, là où Marc s’enfuit à Hong-Kong tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et conclut mal cette histoire. On aurait pu continuer cette dernière à Paris, je trouve vraiment inutile d’avoir mené cette fin de film à l’autre bout du monde.
Vous l’aurez compris, on s’ennuie un peu durant cette partie à Hong-Kong.
Incompréhensible pour beaucoup et sans réelle clé pour se faire (sauf l’imagination et des hypothèses), La Moustache est pour certains un film d’intellectuels, laissant pour compte les autres, les ignorants. Le réalisateur et auteur du livre, Emmanuel Carrère ne sait même pas où va son film, où cette folie s’arrête. Troublant.
La fin n’en est donc pas une, pas d’explication, pas de remède sorti de
nulle part pour nous dire où se trouve la vérité. C’est peut-être mieux
comme cela, même si frustrant de prime abord, une vraie fin nous aurait
peut-être déçus. Bref, on est à nouveau dans cette spirale infernale.
Que Marc accepte finalement, et sans savoir où ça va le mener…
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