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dimanche 6 février 2011

Félicitations, c’est un beau bébé de 68min ! by zuff

J'ai écrit cet article il y a un peu plus de deux ans. À l'époque, je finissais le montage du premier long sur lequel il m'a été donné de travailler.
Aujourd'hui, avec un peu plus de recul et d'expérience, je pourrais être tentée de retravailler certains passages ou de plus développer certaines idées mais dans l'ensemble, me trouvant en ce moment même dans une situation assez similaire (j'attaque demain l'avant-dernière séance de montage d'un long-métrage, en docu cette fois, sur lequel je bosse depuis début novembre), je trouve toujours une certaine pertinence dans cette métaphore de la sage-femme pour parler du métier de monteur.
Et cette pointe de mélancolie à la fin d'un projet, bien souvent proportionnelle au temps et à l'investissement qu'on y a mis (et au plaisir qu'on y a pris aussi) revient à chaque fois également.

Bien sûr, il existe certains à-côtés et de mauvaises expériences, mais relire ce texte ce soir m'a rappelé l'une des raisons pour lesquelles j'aime ce métier.
Participer à la création d'un film me procure un plaisir non comparable au simple fait de le regarder en tant que spectatrice.
J'aime la création, j'aime la réflexion, j'aime le montage, j'aime les films... Tout simplement, j'aime le cinéma.

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Le montage est une étape particulière dans le processus de création d’un film.
Il faut imaginer les réalisateurs comme de futurs parents ; le film, c’est leur petit bébé !

L’écriture du scénario correspond au moment de la conception du futur enfant (sauf qu’aux dernières nouvelles, aucun scénariste n’a jamais eu d’orgasme en écrivant, enfin pour ce que j’en sais…). Ensuite il y a tout le tournage, c’est la grossesse. Petit à petit, les différents organes et membres du bébé que sont les scènes d’un film apparaissent et grandissent. Mais sur l’écran de monitoring (c’est quand même pas anodin si ce terme s’utilise aussi bien pour parler d’une échographie que des moniteurs de retour image en tournage), on ne fait que deviner le bébé, il ne ressemble par encore à ce qu’il sera réellement.

Et enfin arrive l’heure de l’accouchement, autrement dit du montage.
Le film est là, il est prêt à sortir. Le réal le porte en lui depuis un petit bout de temps maintenant et le monteur, à l’image d’une sage-femme, va l’aider pour la naissance.
C’est à ce moment du processus que le film prend enfin sa vraie forme de film.

Dimanche 07 Septembre : première séance de montage.
Dimanche 30 Novembre : dernière séance de montage.
Le dernier accouchement en date auquel j’ai pris part a duré près de 3 mois.

Entre ces deux dates, 12 semaines de travail.
Près de 600 heures nécessaires à l’accouchement (heureusement pour les mères du monde entier que les durées ne sont pas les mêmes pour nous autres humains…).

Des heures durant lesquelles j’ai parfois haïs les comédiens quand ils ne me donnaient pas ce qu’il me fallait. Ces mêmes comédiens que j’ai aussi souvent aimés quand leurs répliques sonnaient justes et que la scène que je montais prenait tout son sens et sa force, juste sous mes yeux.
Des heures durant lesquelles j’ai parfois pesté contre le cadreur, le perchiste, la scripte ou tout autre membre de l’équipe parce que là vraiment on a un putain de faux raccord et comment je rattrape ça moi ?! Et non, vraiment cette prise de son c’est n’importe quoi (il va s’amuser le mixeur !!). Ces mêmes techniciens que je voulais aussi souvent embrasser parce que là vraiment la lumière, elle est magnifique et ce mouvement de caméra, bon sang, il me donne des frissons !

Une fois passées toutes ces émotions contradictoires (et quelques crampes au poignet) :
Ça y est, le film est né !

J’écris cette propa pendant que les exports sont en train de se faire. Demain j’irais les livrer au mixeur, puis à l’étalonneur et le film va partir en post-production son et image.

Ce qui va arriver par la suite ne dépend plus vraiment de moi.

Et même si on est content quand c’est fini, je dois avouer que je ressens un certain vide en moi. Ça me fait ça à chaque fois…
J’ai passé tellement de temps avec ces rushes (on appelle « rushes » les vidéos du tournage) que je les connais par cœur. Je pourrais vous réciter le scénario dans l’ordre avec toutes les répliques de tous les personnages. Je pourrais même vous dire de tête combien de prises ont été nécessaires pour chaque scène. Et les musiques du film résonnent encore dans ma tête.

Mais le bébé est né, le réal a accouché de son enfant. Et après ?

Après, le film va vivre sa propre vie, de visionnages en projections. Tout au long de sa petite vie de film, il va rencontrer plein de spectateurs (en tout cas je l’espère pour lui), certains vont l’apprécier (ça aussi je l’espère bien !), d’autres non (ça par contre je l’espère pas !!).

Mais comme je l’ai dit plus haut, ce qui va arriver par la suite ne dépend plus vraiment de moi. Après tout, je ne suis que la sage-femme !

Le vide va rester quelque temps et puis un jour, un coup de fil !
Un(e) autre réalisateur(trice) est enceint(e) et comme son dernier accouchement s’est bien déroulé, on me propose de prendre en charge le suivant.

Et ce sera reparti pour un tour…

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