David Fincher, un des réalisateurs le plus rock'n'roll qu'Hollywood compte actuellement, va bientôt nous scotcher à notre siège avec sa version cinématographique du premier tome de Millénium, la trilogie de livres de Stieg Larsson, qui avait déjà bénéficié d'une adaptation sur grand écran réalisée par le danois Niels Arden Oplev en 2009. Depuis que Fincher a cassé la baraque avec The Social Network, le monde l'attend de pied ferme, et encore plus depuis qu'on sait que le prochain film sera sur le premier tome de la série Millénium, où le malsain flirte en permanence avec le sexe, la mort. Sauf exceptions de The Social Network, et de Seven, le film de Fincher qui a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective est un film subversif, à l'ouest des bonnes moeurs, anarchique, culte : Fight Club. De quoi se réjouir de voir Fincher dans un style tellement familier : son prochain film pourrait s'avérer jouissif de par son aspect indécent, furieux, sinistre, explosif (pour ceux qui ne sont pas convaincus, lisez Millénium, et on en reparle).
Et cette sortie (presque) imminente de The Girl With the Dragon Tattoo vaut bien une petite présentation non-exhaustive (ou en tout cas pas toujours en profondeur) de ce que David Fincher nous a présenté depuis ses débuts dans le monde du cinéma, en 1992*, pour nous rappeler que cela fait presque vingt ans que le réalisateur nous gratifie de films excessivement exquis, et toujours imprévisibles d'une certaine façon.
Alien 3 est souvent considéré comme un des moins bons films de la saga (avec le quatrième, qui, même s'il est signé Jean-Pierre Jeunet, n'as pas le panache des autres), et à tort. Au moment de la sortie du film, Fincher a fait savoir que les conditions du tournage n'ont pas été optimales ; le studio, les scénaristes, ont changé de nombreuses fois d'avis sur le script, le scénario, rendant inévitablement la tâche du réalisateur ardue. Bien évidemment, les critiques se sont déchaînés à la sortie du film, parce que le film était moins « travaillé » que les deux autres. Si bien que Fincher a souvent renié Alien 3, ne voulant pas qu'on associe son nom au film. Et pourtant, Alien 3 n'a certes pas le cadre des deux premiers opus (qui n'ont pas connu les mêmes soucis), mais le film est dans l'ensemble très réussi, et joue parfaitement sur cette ambiance si typique des films de la saga Alien : entre claustrophobie, folie et désespoir (tout ceci entrecoupé d'éclats de sang). De plus, le film est d'autant plus intéressant qu'il rompt avec l'image d'Ellen Ripley : le personnage se rase le crâne pour passer « inaperçue » dans la prison où elle a échoué, et se doit d'avoir une attitude asexuée afin de ne pas provoquer les détenus misogynes ex-tueurs de femmes. Ripley devient ainsi indéterminée du point de vue du genre, androgyne, au-delà de tout idéal féminin ou masculin. On pourrait la voir comme un surhomme, une surfemme, un personnage sans identité presque, sans genre, sans attache, libéré du monde et de ses besoins primaires. Elle est une héroïne, comme d'habitude, mais une héroïne sans sexe, universelle, puisqu'elle veut sauver tout le monde avant de se sauver elle.
Alien 3, d'un point de vue symbolique, est le plus riche des films, le plus profond. C'est dans ce film-ci qu'on donne toute son importance à Ripley, toute sa singularité. Fincher, en sublimant Sigourney Weaver, en concrétisant un univers sombre et dangereux, s'est montré à la hauteur de ses prédécesseurs, Ridley Scott et James Cameron, et cela malgré les conditions dramatiques de production, de tournage.
L'expérience horrifique d'Alien 3 aura découragé un moment Fincher, mais, trois ans après Alien, Seven sort sur les écrans, et c'est le succès total. Seven est le premier grand succès de Fincher au box-office, succès qu'il ne dépassera qu'en 2009 avec Benjamin Button. Quand Seven sort, on crie au génie, tout le monde est sous le charme de Brad Pitt qui vient d'atteindre les sommets avec Interview with the Vampire, Morgan Freeman est encore une fois admirable, et on découvre Kevin Spacey (juste avant The Usual Suspects). Après Seven, le monde est rempli de possibilités pour David Fincher ; il vient de faire ses preuves, à lui le monde. On note déjà son style particulier, sa façon de filmer des situations inquiétantes, affreuses, son voyeurisme retenu.
Fincher enchaîne avec The Game, mais le film passe presque inaperçu, comparé à Seven. Le succès arrive après la sortie de Fight Club, lors de la sortie DVD du film. Encore une fois, Fincher a eu des ennuis avec le studio, qui ne croyait pas du tout à son film, jugé trop subversif. La sortie dans les salles a donc été très peu préparée, et le film s'est cassé la gueule comme le studio le pensait – ou du moins, n'a pas fait assez d'entrées, ce qui, en langage financier, veut dire « s'est cassé la gueule ». Les critiques ont vu un film trop controversé derrière Fight Club, trop inattendu, ce qui n'a pas non plus joué en sa faveur.
Néanmoins, le bouche à oreille a marché, et le film a conquis le monde quand il a été commercialisé ; Fight Club a accédé au club très privé des films « cultes », comme Scarface, qui, aussi, avait été boudé pendant sa sortie en salles (et citons aussi l'excellentissime Donnie Darko qui a connu le même sort) et adulé lors de sa sortie commerciale.
Fight Club était une claque adressée à la société de consommation, aux moeurs et à tout ce qui partait en couille dans le corps social par l'auteur déjanté Chuck Palahniuk. Fincher, en adaptant Fight Club, a transposé ce style, ce rythme, cette ambiance très Palahniukienne. Ce sens du rythme (et de l'esthétique également), Fincher le remontrera dans The Social Network. De Fight Club, on retient principalement Edward Norton en narrateur impossible à cerner, Brad Pitt en punk moderne sans bracelets à piques, et Helena Bonham Carter en nymphomane dépressive. Un trio inoubliable dans une ambiance confuse teintée de rock'n'roll, après tout, Fight Club c'est surtout un trip sous acide, sous crack, une hallucination dangereusement corrosive.
La période des vaches maigres continue pour Fincher, avec Panic Room en 2002, et se termine avec un de ses films les plus aboutis, Zodiac, en 2007.
Zodiac est le film le plus risqué, le plus personnel de Fincher, et celui qui a le moins bien marché au box-office (ce qui prouve encore une fois que le nombre de dollars engrangé par un film ne corrèle pas positivement avec sa qualité). Personnel, parce que Fincher a déménagé en Californie très jeune, et qu'enfant, il a grandi dans le climat de peur lié au tueur du Zodiac. Fincher s'est donné au maximum pour traduire parfaitement l'ambiance (noire) de cette histoire, l'atmosphère des décennies concernées, et le suspens lié à la recherche du célèbre tueur. Le seul problème de ce film très complet, presque documentaire, est sa longueur ; le film comporte une transition un peu trop longue entre la première partie du film très prenante et la seconde partie tout aussi palpitante.
Et comme d'habitude dans un Fincher, les acteurs principaux sont impeccables, dirigés d'une main de maître: Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo et Robert Downey Jr. sont grandioses, chacun à leur manière, dans leur rôle.
Malgré son excellence, Zodiac n'a pas été apprécié à sa juste valeur. Pourtant, le climat obscur, stressant du film avait tout pour séduire, et cette fois-ci, en plus, les critiques avaient acclamé le film, mais cela n'a pas suffit à convaincre le public.
Jusqu'ici, David Fincher avait surtout réalisé des thriller, des films avec une part de suspens, de cynisme, c'est pourquoi The Curious Case of Benjamin Button en a dérouté plus d'un.
A l'époque de sa sortie, en 2008 aux States, et en 2009 dans le reste du monde, tout le monde ne parle que du film pour sa photographie tellement parfaite qu'elle semble irréelle, et ses effets spéciaux qui font vieillir et rajeunir Brad Pitt en deux heures trente de film. La vraie surprise du film est en réalité dans son histoire même, signée F. Scott Fitzgerald : un homme naît vieux, et tout au long de sa vie, ne cesse de rajeunir. Nous suivons la vie de Benjamin Button du berceau au tombeau : si les uns déplorent (encore une fois) la longueur du film – qui d'après eux est trop long pour faire long, à l'ancienne sauce hollywoodienne presque- , les autres l'ovationnent: cette longueur ne cesse d'approfondir les situations, les rencontres, et rappelle que la vie est faite de patience, de relations qu'on crée au fur et à mesure, en prenant son temps. Le monde actuel dénigre la temporalité : il faut tout, tout de suite, sans attendre, que ce soit pour tout et n'importe quoi. Le film ne moralise pas cette attitude contemporaine, mais souligne à quel point le temps est une abstraction, certes, mais un concept qui nous guide, nous berce ; nous ne pouvons nous détacher du temps. Nous dépendons de lui, mais lui est tout à fait autonome. L'histoire de Benjamin Button, profondément triste et mélancolique, est unique, et même romantique : au-delà de l'impossibilité de Benjamin de faire partie du monde puisqu'il vit à l'envers, il y a une histoire d'amour entre lui et Daisy, une danseuse, qui, elle, ne peut se "jouer" du temps, et bien sûr, leur histoire prend son temps, passe par des drames, des évènements. David Fincher se distingue de ses autres films en prouvant qu'il peut filmer comme personne les êtres en train de se fâner, mais aussi, une histoire d'amour naissante, et le temps physique qui imprègne de sa musique mélancolique le monde, les rencontres. Avec Benjamin Button, Fincher renoue avec le succès, et se voit même obtenir une nomination aux Oscars, dans la catégorie du meilleur réalisateur.
C'est en 2010 que les choses sérieuses se précisent, avec The animSocial Network, qui est l'apothéose de la carrière de Fincher ; succès commercial (moins grand que celui de Seven et Benjamin Button, mais quand même, il n'avait plus cartonné comme ça depuis longtemps), et reconnaissance par les pairs, par le monde entier. Dans The Social Network, le réalisateur a condensé ses atouts pour nous foutre cette claque qu'on attendait depuis un moment ; esthétique léchée, musique jouissive (merci Trent Reznor et Atticus Ross), direction d'acteurs presque divine (Jesse Einsenberg, Andrew Garfield), rythme incroyable, plans savoureux. On ne peut sortir de sa tête les scènes du film où la musique et la réalisation sont dans une telle symbiose que le tournis est inévitable : entre la séquence d'ouverture, le passage avec le piratage, la scène d'aviron, le corps frémit, cela devient viscéral. Fincher a habitué son public à ressentir des émotions proches de la peur, de l'angoisse, de l'incompréhension, et, avec The Social Network, il nous confronte à de l'extraordinaire, du délirant, nous force à être bouche bée, charmés par un tel sens de la réalisation.
Le film de 2010, était bien sûr The Social Network.
La dernière question qui subsiste à la suite de cette piqûre de rappel de la carrière de David Fincher est la suivante : est-ce que The Girl with the Dragon Tattoo sera le film de 2011 sachant que la bande-annonce nous promet encore une claque ?
the girl with the dragon tattoo
* Attention, David Fincher réalise des longs-métrages depuis 1992 mais sa carrière de réalisateur est bien plus ancienne : depuis la moitié des eighties, il réalise des vidéo-clips.
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lundi 24 octobre 2011
mardi 18 octobre 2011
My Winnipeg (2007) by Dylan
My Winnipeg, comme le titre l’indique, est un film sur la ville de Winnipeg, au Canada. C’est un film que l’on peut qualifier d’expérimental. Le montage n’a rien de continu, les images s’enchaînent les unes après les autres et n’ont pas vraiment de rapport. Il y a pourtant une narration, assez poétique, recherchée, qui est le centre de l’histoire et qui décide, dans un sens, des images à venir. Le narrateur nous raconte sa vie à travers ses souvenirs : les odeurs, les personnes, les sensations. Et tout cela est reproduit à travers le montage, ainsi qu’avec des photos. Le tout entrecoupé de panneaux avec des mots ou des bouts de phrases. Comme « White. Block. House. Sleep » etc. Des mots dans tous les sens, des plans dans tous les sens, tout cela pour construire un univers décalé et déconstruit : l’univers d’un habitant de Winnipeg. Dans le film, on y apprend qu’à Winnipeg, il y a beaucoup plus de « sleepwalkers » ( somnanbules) qu’ailleurs. Ils ne dorment jamais vraiment, vivent la nuit, rêvent de là où ils veulent aller et y vont en dormant. Atmosphère étrange …
Pour ma part, j’ai regardé ce film parce que j’avais entendu John Waters en parler dans une interview, en disant que c’était une œuvre qu’il avait énormément appréciée. Je peux tout à fait comprendre, car elle est réellement originale. Du jamais vu. Cela se laisse regarder, et la narration et son contenu sont intéressants. Mais je trouve que le trop d’images va pendant un certain temps, tout cela continue un peu trop longtemps, même si cela sert son histoire.
Le narrateur, toujours fatigué, toujours endormi, n’arrive pas à quitter la ville. Il cherche une solution à son malheur, et décide de revenir en arrière en écrivant et en « filmant ». Comme il le dit : « What if I film my way out of here ? ». Et c’est ce qu’il fait, il embauche des acteurs pour jouer sa famille et les mets en scène afin de comprendre toutes les étapes qui font qu’il en est arrivé là, et qu’il est devenu qui il est. On ne voit jamais le narrateur, on ne voit pas de caméra, aucun matériel, aucune équipe. On ne voit que les images (en théorie filmées), avec toujours cette narration omniprésente qui ne s’arrête jamais, ou presque. Le film n’est rythmé que par les mots, et s’enchaîne donc très rapidement. Les petites histoires du film sont bien trouvées, on sent le vécu, ou il est très bien imité. Je trouve que le fait de filmer des acteurs sans les faire parler et en ne laissant qu’une narration est une idée originale, qui vaut le coup d’être vue. Les jeux de couleur également : le film passe du noir et blanc (quasiment tout le temps) à quelques passages de couleurs vives, rouge, qui correspond à l’horreur, à la guerre, ou a la violence. Il y a aussi des passages en animation, etc. Ce film est un mélange de toutes les sortes d’images que l’on pourrait s’imaginer. Les plans en soit ne sont pas pris au hasard. Il y a un véritable travail derrière chaque image, les détails, les sourires, tout est fait pour que l’on devienne le narrateur et que l’on comprenne sa façon d’être, tout ça en nous montrant sa façon de voir les autres.
Réalisé par Guy Maddin, c'est un bon "Art film" mélangé avec un documentaire. Vraiment expérimental, il explore les relations humaines liées à une ville (Winnipeg). On comprend l'amour (et la haine) d'une ville, et comment là où on grandit définit malgré nous notre identité. La neige, la nuit.... C'est un film intéressant, sans aucun doute. Je ne regrette pas de l'avoir découvert, mais je pense qu'il faut vraiment être cinéphile pour l'apprécier. Parce que c'est beaucoup moins accessible, et qu'il faut vraiment creuser pour voir au delà des images qui s'enchaînent beaucoup trop vite. Mais je vous en parle tout de même, pour ceux que ça peut intéresser. Ce film a connu un succès monstrueux et n'a eu presque que des bonnes critiques, partout. Alors, écoutons un peu John Waters, intéressons nous aux films un peu différents !
lundi 10 octobre 2011
Robocop – Paul Verhoeven by Wayne
Jusqu'en 1987, Verhoeven réalise des films dans son pays natal, à savoir les Pays Bas. Des films à la réputation sulfureuse, puisque le réalisateur aime à provoquer et par ses idées, et par ses thèmes chers : la violence et le sexe - obsessions parfaitement transposées à l'écran par son film « Flesh+Blood » sorti en 1985, un titre évocateur ! Pour la petite histoire, certains critiques le surnommaient « le Hollandais violent » ; violent mais pas dénué de talent, loin de là comme peut le prouver l'exceptionnel « Le Quatrième Homme » (critique disponible dans les archives et alpha cin) qui sera la base d'un de ses films les plus connus plusieurs années après : « Basic Instinct ».
C'est donc en 1987 que Verhoeven vient taquiner l'oncle Sam, avec son tout premier film sur le territoire américain : « RoboCop ». Ce film n'est pas seulement le début de sa carrière américaine, mais aussi le début d'une sorte de trilogie axée sur la science-fiction complétée par « Starship Troopers » et « Total Recall », chose complètement nouvelle pour lui. Je n'inclus pas « Hollow Man » pour une simple raison : c'est le seul film fantastique/SF de Verhoeven qui ne va pas donner des grands coups de pied au cul à la société américaine. Cette société, il la déteste, c'est une vraie haine cynique qui l'anime, et lui, pour son premier film sur le sol américain, il en remet une couche ! Un sacré pied de nez : « je viens chez vous pour que mon film soit vu par tout le monde, et je vous en mets plein la gueule grâce à vous »...
Dans le futur décrit par RoboCop, les politiciens sont véreux, associés aux trafiquants de drogue. Le gouvernement est fasciste, et la propagande omniprésente. La critique est solide, crue, acide et acerbe. Tout le génie de Verhoeven dans ce film est de nous l'imposer sous une violence frontale et bestiale. Beaucoup de personnes ont regardé RoboCop comme un défouloir, et pourtant tout l’intérêt de ce film se situe derrière : le film est violent, très (regardez le director's cut), mais rien n'est gratuit.
Le film s'en prend aux médias, une critique très visible cette fois ci : entre les sitcoms complètement débiles qui passent à la télé, et les journaux télévisés avides de sensations ainsi que de publicités inutiles. Toujours avec le sourire ! Et pendant ce temps là se pose la question des travailleurs, de plus en plus remplacés par des machines bien plus économiques ; grandeur et décadence, voici qui pourrait résumer le monde dans lequel se déroule l'action. Des édifices représentant la richesse et la puissance longeant les quartiers pauvres, et pourtant, aucune interaction entre eux... Les riches n'ont que faire de cette population, ou plutôt de ce frein.
C'est dans ce futur pessimiste que le projet RoboCop voit le jour. Devant la montée en puissance du crime dans la ville, la multinationale OCP – Omni Consumer Product – qui contrôle la police de Detroit, mais qui a aussi la main mise sur le marché robotique, les prothèses et les armements, décide de tester une nouvelle forme de police. Une police qui pourrait être active 24h/24, dotée d'une puissance de feu inégalable, des réflexes supérieurs à ceux des flics actuels, qui ne mange pas, ne boit pas... enfin qui fait son taff et qui coûte pas cher en somme.
Ils construisent donc un robot-flic : l'ED 209, mais pendant une présentation du produit, tout dérape et l'ED 209, manquant de discernement humain, est complètement abandonné.
Un cadre propose alors son projet RoboCop : il prévoit de pouvoir fusionner un robot avec un flic. Une solution qui permettrait de palier aux défauts de l'ED 209, en gardant ses avantages techniques. Le projet est accepté... Il n'y a plus qu'à attendre qu'un flic se fasse tuer pour avoir le cobaye.
C'est là qu'intervient le héros du film : Alex Murphy incarné par Peter Weller. Brave flic muté à Detroit, celui-ci tombe dans une embuscade lors d'une mission dans les quartiers mal-famés, et se retrouve laissé pour mort, grièvement blessé. L'OCP a enfin son cobaye : ils purgent la mémoire de Murphy et la transfèrent dans un corps cybernétique ayant l'apparence d'un exosquelette.
Si RoboCop donne ses fruits très rapidement et nettoie la racaille comme il faut, au bout de quelques temps, son côté humain refait surface sous forme de cauchemars et de doutes, se rappelant même à un moment de son assassinat... RoboCop, contre toute attente, se lance à la poursuite de ses assassins, assoiffé de vengeance.
Le film est sans temps morts, grâce à une réalisation complètement maîtrisée par Verhoeven qui a cette capacité à nous interpeller avec ses images, nous plongeant au cœur même de sa violence. Les effets spéciaux ont certes un peu vieilli, mais sont pour moi toujours aussi efficaces et bien plus beaux que des CGI mal utilisés (quasi tout le temps en ce moment donc). Le passage de la « transformation » de Murphy fait toujours son petit effet, et Verhoeven rivalise d'inventivité pour rendre ses plans les plus intéressants possible. Même les stop-motion sont à mon avis une super idée, renforçant un peu plus encore cet aspect mécanique et froid que veut nous faire passer le film.
Ce film, je l'ai vu petit en VHS, et je peux vous dire que dans ma tête de gosse, ça a fait un gros « splash », à l'instar de la scène de l'acide qui m'avait choqué à l'époque et dont je me souviens encore ! Avec l'âge que j'avais, difficile de saisir toute la substance de ce film, mais ce qui en apparence est un film de série B violent et sanglant offre une lecture parallèle plus qu’intéressante et subtile, qu'on ne voit que trop rarement dans un film tel que celui ci.
RoboCop est donc un film que je recommande à tous. Je vous recommande de le voir, ou de le revoir en faisant attention à toute cette critique qui ne fait qu’accroître notre compréhension d'un chef d’œuvre des années 80, et le sublime.
C'est donc en 1987 que Verhoeven vient taquiner l'oncle Sam, avec son tout premier film sur le territoire américain : « RoboCop ». Ce film n'est pas seulement le début de sa carrière américaine, mais aussi le début d'une sorte de trilogie axée sur la science-fiction complétée par « Starship Troopers » et « Total Recall », chose complètement nouvelle pour lui. Je n'inclus pas « Hollow Man » pour une simple raison : c'est le seul film fantastique/SF de Verhoeven qui ne va pas donner des grands coups de pied au cul à la société américaine. Cette société, il la déteste, c'est une vraie haine cynique qui l'anime, et lui, pour son premier film sur le sol américain, il en remet une couche ! Un sacré pied de nez : « je viens chez vous pour que mon film soit vu par tout le monde, et je vous en mets plein la gueule grâce à vous »...
Dans le futur décrit par RoboCop, les politiciens sont véreux, associés aux trafiquants de drogue. Le gouvernement est fasciste, et la propagande omniprésente. La critique est solide, crue, acide et acerbe. Tout le génie de Verhoeven dans ce film est de nous l'imposer sous une violence frontale et bestiale. Beaucoup de personnes ont regardé RoboCop comme un défouloir, et pourtant tout l’intérêt de ce film se situe derrière : le film est violent, très (regardez le director's cut), mais rien n'est gratuit.
Le film s'en prend aux médias, une critique très visible cette fois ci : entre les sitcoms complètement débiles qui passent à la télé, et les journaux télévisés avides de sensations ainsi que de publicités inutiles. Toujours avec le sourire ! Et pendant ce temps là se pose la question des travailleurs, de plus en plus remplacés par des machines bien plus économiques ; grandeur et décadence, voici qui pourrait résumer le monde dans lequel se déroule l'action. Des édifices représentant la richesse et la puissance longeant les quartiers pauvres, et pourtant, aucune interaction entre eux... Les riches n'ont que faire de cette population, ou plutôt de ce frein.
C'est dans ce futur pessimiste que le projet RoboCop voit le jour. Devant la montée en puissance du crime dans la ville, la multinationale OCP – Omni Consumer Product – qui contrôle la police de Detroit, mais qui a aussi la main mise sur le marché robotique, les prothèses et les armements, décide de tester une nouvelle forme de police. Une police qui pourrait être active 24h/24, dotée d'une puissance de feu inégalable, des réflexes supérieurs à ceux des flics actuels, qui ne mange pas, ne boit pas... enfin qui fait son taff et qui coûte pas cher en somme.
Ils construisent donc un robot-flic : l'ED 209, mais pendant une présentation du produit, tout dérape et l'ED 209, manquant de discernement humain, est complètement abandonné.
Un cadre propose alors son projet RoboCop : il prévoit de pouvoir fusionner un robot avec un flic. Une solution qui permettrait de palier aux défauts de l'ED 209, en gardant ses avantages techniques. Le projet est accepté... Il n'y a plus qu'à attendre qu'un flic se fasse tuer pour avoir le cobaye.
C'est là qu'intervient le héros du film : Alex Murphy incarné par Peter Weller. Brave flic muté à Detroit, celui-ci tombe dans une embuscade lors d'une mission dans les quartiers mal-famés, et se retrouve laissé pour mort, grièvement blessé. L'OCP a enfin son cobaye : ils purgent la mémoire de Murphy et la transfèrent dans un corps cybernétique ayant l'apparence d'un exosquelette.
Si RoboCop donne ses fruits très rapidement et nettoie la racaille comme il faut, au bout de quelques temps, son côté humain refait surface sous forme de cauchemars et de doutes, se rappelant même à un moment de son assassinat... RoboCop, contre toute attente, se lance à la poursuite de ses assassins, assoiffé de vengeance.
Le film est sans temps morts, grâce à une réalisation complètement maîtrisée par Verhoeven qui a cette capacité à nous interpeller avec ses images, nous plongeant au cœur même de sa violence. Les effets spéciaux ont certes un peu vieilli, mais sont pour moi toujours aussi efficaces et bien plus beaux que des CGI mal utilisés (quasi tout le temps en ce moment donc). Le passage de la « transformation » de Murphy fait toujours son petit effet, et Verhoeven rivalise d'inventivité pour rendre ses plans les plus intéressants possible. Même les stop-motion sont à mon avis une super idée, renforçant un peu plus encore cet aspect mécanique et froid que veut nous faire passer le film.
Ce film, je l'ai vu petit en VHS, et je peux vous dire que dans ma tête de gosse, ça a fait un gros « splash », à l'instar de la scène de l'acide qui m'avait choqué à l'époque et dont je me souviens encore ! Avec l'âge que j'avais, difficile de saisir toute la substance de ce film, mais ce qui en apparence est un film de série B violent et sanglant offre une lecture parallèle plus qu’intéressante et subtile, qu'on ne voit que trop rarement dans un film tel que celui ci.
RoboCop est donc un film que je recommande à tous. Je vous recommande de le voir, ou de le revoir en faisant attention à toute cette critique qui ne fait qu’accroître notre compréhension d'un chef d’œuvre des années 80, et le sublime.
lundi 3 octobre 2011
Garden State by Oscar
(2004, réalisé par Zach Braff.)
Garden State. « L’état-jardin », surnom équivoque attribué au New Jersey, endroit clef du film à la pléthore de symboliques aux yeux d’Andrew (Zach Braff), personnage principal. Nous allons assister à son voyage initiatique moral entre chagrin et émerveillement, tout en pudeur.
Une chambre d’une blancheur maladive, et Andrew plus léthargique qu’endormi. Une voix déchirée dans sa boîte vocale lui demande de le rappeler, de communiquer avec lui, mais notre jeune homme ne répond pas.
Nous comprendrons que l’appel reçu est émis par le père d’Andrew (Ian Holm), qui lui annonce alors de but en blanc la mort de sa mère, noyée dans sa baignoire.
Andrew ferme les yeux. Les premières notes de Don’t Panic de Coldplay montent crescendo. Tout commence.
Dépressif gavé de médicaments, Andrew se laisse complètement submerger par une vie qui ne lui ressemble pas : graine d’acteur en attente d’auditions, il travaille en à-côté dans des jobs minables.
Lorsqu’il apprend la mort de sa mère, il est obligé de revenir dans le New Jersey de son enfance se confronter à son psychiatre de père qu’il tente de fuir, à ses amis de lycée vivant eux aussi dans la déception, et à assister à l’enterrement de sa mère.
Nous faisons face, en même temps que lui, à la découverte de ses angoisses, à ses tendances à ne jamais décider de rien, à fuir les conflits. Comme lui, nous serons ulcérés de répondre à des questions indélicates, et nous le verrons se confondre dans le décor sans jamais rechigner.
Puis Andrew rencontre Sam (Natalie Portman).
Évidemment, dit comme ça, ça semble un peu facile. Et c’est là que la magie de Garden State opère. Il brode une mosaïque d’images à l’eau forte avec une justesse digne et belle, sans jamais verser dans un extrême ou un autre. Le deuil, la maladie - rien ne se transforme en image d’Épinal insensée, et même l’amour, tellement difficile à dépeindre sans tomber dans quelque poncif, a été illustré avec grâce. Les personnages s’étudient avant de s’aimer et leur affection mutuelle est méritoire, ainsi, ni baisers langoureux ni scènes de sexe passionnées entre Sam et Andrew ne viendront entacher le film, mais un partage de valeurs immensément important pour les deux personnages unira le couple, entre quelques étreintes et une poignée de baisers sur le front.
Sam apportera à Andrew la considération et l’acceptation de la faiblesse et du ridicule. Elle lui tirera la tête hors de l’eau d’une façon fondamentalement humaine, sans s’adonner à des envolées héroïques factices. Elle fait seulement ce qui est dans la mesure de son personnage, et c’est tout-à-fait suffisant.
Nous assistons donc à une belle leçon d’amour entre les deux protagonistes qui se sont trouvés et qui s’explorent dans leurs failles et leurs échecs avec beaucoup de respect.
Ce film a été à mes yeux, d’une beauté déconcertante.
Il arrive et sans une once de prétention à capturer des instants cruciaux, à nous amener à nous débattre dans le mal-être profond et jamais caricatural d’une douleur indicible, toujours ravalée.
La dépression n’est plus un concept ici, elle est réelle. Elle n’arbore pas de couleurs tristement froides, ne s’étale pas en clichés qu’il aurait été facile de maquiller sous le prétexte vulgaire d’un film pour « vingtenaires en crise ». Jamais Garden State n’empruntera un ton docte, moralisateur ou pseudo-philosophique.
Mes premières craintes se sont vite éclipsées : j’avais peur de voir 1h40 d’agonie morale où un pauvre homme se lamente sur sa vie, ses mauvais choix et ses relations complexes afin de transformer les spectateurs en psychiatres/confidents par défaut. Une nouvelle fois tout en nuance, il est question ici d’un malaise récurrent, quasi-vertigineux, mais non intrusif. Andrew est lézardé de toute part de culpabilité, groggy par les médicaments, détruit par la mort de sa mère, mais jamais il ne nous prendra à témoin ni n’implorera l’aide de quiconque. Après tout, il intériorise et garde le masque devant ses proches – les spectateurs ne font pas exception, et ne seront donc pas nourris des indécisions (pourtant bien présentes) du personnage.
Garden State, c’est la reprise de la respiration après la crise d’angoisse. C’est un soulagement encore abasourdi, encore un peu sonné, de la vie qui se contraste de nouveau après la léthargie cotonneuse.
Le film est certes maladroit par moments (on peut remarquer une emphase un peu trop appuyée lors d'instants clefs, le discours de Sam sur le fait d’être unique aurait pu être tronqué et un brin plus subtil), des erreurs de débutant tellement minimes que l’on ne peut que les pardonner.
J’avais peur que la présence de Natalie Portman me fasse moins aimer le film, mais malgré la rancœur que je porte à l’actrice, elle incarne très finement le personnage de Sam, rendu magnifique - ceci dit, c'est pour moi plus grâce aux compétences scénaristiques de Zach Braff (réalisateur, scénariste, acteur principal) qu'aux "compétences" d'actrice de Natalie Portman.
Je me dois de faire un bref aparté sur la BO du film, superbement bien incorporée aux séquences, incroyablement forte et émouvante grâce à Iron&Wine, Simon&Garfunkel, Imogen Heap, The Shins et Coldplay, entre autre. Le genre de CD à écouter, en fin d’après-midi d’automne, un thé entre les mains.
Pour finir, Zach Braff, pivot du film, a finalement accompli un de ses rêves en réalisant et en jouant dans Garden State. Ce qui est épatant avec cet acteur, c’est sa façon de jouer avec une justesse énervante mais efficace, des personnages insupportables. Des personnages « à défauts », égoïstes, menteurs, veules, parfois dépressifs, mais qu’il incarne toujours en évitant la parodie et en frappant en plein cœur d'une humanité inexplicable.
Projet très personnel (le scénario est parfois référentiel à des anecdotes de sa vie, la musique a été entièrement déterminée par lui […]), il a su faire de son premier film une réussite totale et ce à tous les plans : généreux, tout en suggestion et en mouvement, simple sans être facile, poétique sans être l’exemple typique du film pour l’onanisme de l’esprit, doux mais certainement pas niais, triste mais jamais mélodramatique, Garden State est une harmonie parfaite de murmures à demi-mots et de cris du cœur : le genre de film qui tient chaud à l’âme, au final.
Trailer
The Shins - Caring is Creepy
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