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lundi 3 octobre 2011

Garden State by Oscar




(2004, réalisé par Zach Braff.)


Garden State. « L’état-jardin », surnom équivoque attribué au New Jersey, endroit clef du film à la pléthore de symboliques aux yeux d’Andrew (Zach Braff), personnage principal. Nous allons assister à son voyage initiatique moral entre chagrin et émerveillement, tout en pudeur.

Une chambre d’une blancheur maladive, et Andrew plus léthargique qu’endormi. Une voix déchirée dans sa boîte vocale lui demande de le rappeler, de communiquer avec lui, mais notre jeune homme ne répond pas.
Nous comprendrons que l’appel reçu est émis par le père d’Andrew (Ian Holm), qui lui annonce alors de but en blanc la mort de sa mère, noyée dans sa baignoire.
Andrew ferme les yeux. Les premières notes de Don’t Panic de Coldplay montent crescendo. Tout commence.





Dépressif gavé de médicaments, Andrew se laisse complètement submerger par une vie qui ne lui ressemble pas : graine d’acteur en attente d’auditions, il travaille en à-côté dans des jobs minables.
Lorsqu’il apprend la mort de sa mère, il est obligé de revenir dans le New Jersey de son enfance se confronter à son psychiatre de père qu’il tente de fuir, à ses amis de lycée vivant eux aussi dans la déception, et à assister à l’enterrement de sa mère.
Nous faisons face, en même temps que lui, à la découverte de ses angoisses, à ses tendances à ne jamais décider de rien, à fuir les conflits. Comme lui, nous serons ulcérés de répondre à des questions indélicates, et nous le verrons se confondre dans le décor sans jamais rechigner.

Puis Andrew rencontre Sam (Natalie Portman).
Évidemment, dit comme ça, ça semble un peu facile. Et c’est là que la magie de Garden State opère. Il brode une mosaïque d’images à l’eau forte avec une justesse digne et belle, sans jamais verser dans un extrême ou un autre. Le deuil, la maladie - rien ne se transforme en image d’Épinal insensée, et même l’amour, tellement difficile à dépeindre sans tomber dans quelque poncif, a été illustré avec grâce. Les personnages s’étudient avant de s’aimer et leur affection mutuelle est méritoire, ainsi, ni baisers langoureux ni scènes de sexe passionnées entre Sam et Andrew ne viendront entacher le film, mais un partage de valeurs immensément important pour les deux personnages unira le couple, entre quelques étreintes et une poignée de baisers sur le front.
Sam apportera à Andrew la considération et l’acceptation de la faiblesse et du ridicule. Elle lui tirera la tête hors de l’eau d’une façon fondamentalement humaine, sans s’adonner à des envolées héroïques factices. Elle fait seulement ce qui est dans la mesure de son personnage, et c’est tout-à-fait suffisant.
Nous assistons donc à une belle leçon d’amour entre les deux protagonistes qui se sont trouvés et qui s’explorent dans leurs failles et leurs échecs avec beaucoup de respect.





Ce film a été à mes yeux, d’une beauté déconcertante.
Il arrive et sans une once de prétention à capturer des instants cruciaux, à nous amener à nous débattre dans le mal-être profond et jamais caricatural d’une douleur indicible, toujours ravalée.
La dépression n’est plus un concept ici, elle est réelle. Elle n’arbore pas de couleurs tristement froides, ne s’étale pas en clichés qu’il aurait été facile de maquiller sous le prétexte vulgaire d’un film pour « vingtenaires en crise ». Jamais Garden State n’empruntera un ton docte, moralisateur ou pseudo-philosophique.

Mes premières craintes se sont vite éclipsées : j’avais peur de voir 1h40 d’agonie morale où un pauvre homme se lamente sur sa vie, ses mauvais choix et ses relations complexes afin de transformer les spectateurs en psychiatres/confidents par défaut. Une nouvelle fois tout en nuance, il est question ici d’un malaise récurrent, quasi-vertigineux, mais non intrusif. Andrew est lézardé de toute part de culpabilité, groggy par les médicaments, détruit par la mort de sa mère, mais jamais il ne nous prendra à témoin ni n’implorera l’aide de quiconque. Après tout, il intériorise et garde le masque devant ses proches – les spectateurs ne font pas exception, et ne seront donc pas nourris des indécisions (pourtant bien présentes) du personnage.





Garden State, c’est la reprise de la respiration après la crise d’angoisse. C’est un soulagement encore abasourdi, encore un peu sonné, de la vie qui se contraste de nouveau après la léthargie cotonneuse.
Le film est certes maladroit par moments (on peut remarquer une emphase un peu trop appuyée lors d'instants clefs, le discours de Sam sur le fait d’être unique aurait pu être tronqué et un brin plus subtil), des erreurs de débutant tellement minimes que l’on ne peut que les pardonner.
J’avais peur que la présence de Natalie Portman me fasse moins aimer le film, mais malgré la rancœur que je porte à l’actrice, elle incarne très finement le personnage de Sam, rendu magnifique - ceci dit, c'est pour moi plus grâce aux compétences scénaristiques de Zach Braff (réalisateur, scénariste, acteur principal) qu'aux "compétences" d'actrice de Natalie Portman.

Je me dois de faire un bref aparté sur la BO du film, superbement bien incorporée aux séquences, incroyablement forte et émouvante grâce à Iron&Wine, Simon&Garfunkel, Imogen Heap, The Shins et Coldplay, entre autre. Le genre de CD à écouter, en fin d’après-midi d’automne, un thé entre les mains.

Pour finir, Zach Braff, pivot du film, a finalement accompli un de ses rêves en réalisant et en jouant dans Garden State. Ce qui est épatant avec cet acteur, c’est sa façon de jouer avec une justesse énervante mais efficace, des personnages insupportables. Des personnages « à défauts », égoïstes, menteurs, veules, parfois dépressifs, mais qu’il incarne toujours en évitant la parodie et en frappant en plein cœur d'une humanité inexplicable.
Projet très personnel (le scénario est parfois référentiel à des anecdotes de sa vie, la musique a été entièrement déterminée par lui […]), il a su faire de son premier film une réussite totale et ce à tous les plans : généreux, tout en suggestion et en mouvement, simple sans être facile, poétique sans être l’exemple typique du film pour l’onanisme de l’esprit, doux mais certainement pas niais, triste mais jamais mélodramatique, Garden State est une harmonie parfaite de murmures à demi-mots et de cris du cœur : le genre de film qui tient chaud à l’âme, au final.


Trailer
The Shins - Caring is Creepy

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