The Company est un film sorti en 2003, réalisé par le vétéran d'Hollywood, Robert Altman (MASH, Short Cuts, The Long Goodbye...). Il serait plutôt à considérer comme une oeuvre de commande pour le metteur en scène, et est en réalité un très vieux projet de l'actrice Neve Campbell (Scream, mais pas que, apparemment...).
Le film a pour sujet le monde de la danse, mais, à contrario de la majorité des oeuvres sur le sujet, il prend le contre-pied de ne pas se focaliser sur une histoire qui se déroulerait dans cet univers, mais de tenter d'immerger le spectateur dans celui-ci, et de lui montrer les réalités quotidiennes de cette forme d'art.
Le choix de n'avoir que quelques acteurs professionnels, parmi eux, Neve Campbell, James Franco et Malcolm McDowell, confirme cette perspective, et le montage et la réalisation font passer l'histoire au second plan.
Le spectateur est amené à suivre un schéma qui serait de l'ordre "répétitions – évènements quotidiens – spectacle", le but étant de nous montrer que les danseurs sont complètements dédiés à leur passion, qu'ils ne peuvent y échapper même en dehors du théâtre.
Ainsi, The Company aurait, en un sens, plus à voir avec le documentaire et la performance filmée qu'avec la fiction traditionnelle. Cet aspect est encore plus profond lorsque l'on sait que toutes les anecdotes du film sont tirées d'évènements réels.
La mise en scène de Robert est, comme toujours, brillante, mais il faut souligner l’ingéniosité de celle-ci pour les séquences de spectacle. Bien loin de coller à son personnage principal, comme en a décidé Arronfsky dans Black Swan, Altman choisit bien légitimement de privilégier les plans d'ensemble, avec peu de mouvements de caméra, un montage simple qui rappellerait ce qu'avait fait Jonathan Demme sur Stop Making Sense.
Les danseurs comme les professeurs se sont tous révélés être d'excellents acteurs, mais le questionnement quant à l'interprétation d'une fiction ou la recréation d'évènements déjà vécus surgit, au point que le naturel qui apparait à l'écran échappe peut-être à la notion habituelle qu'on attribue à l'art dramatique.
The Company est un film différent et extrêmement original. L'exercice est une réussite complète pour Altman, qui vient subjuguer le spectateur en le plongeant dans un univers méconnu, et qui, en choisissant de traiter son sujet quasiment comme un documentaire, parvient à donner du poids aux séquences de danse en montrant l'envers du décor, la discipline et les sacrifices de ce milieu.
Trailer.
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lundi 26 décembre 2011
lundi 19 décembre 2011
Mon nom est Personne by Oren
(Article déjà paru il y a des années sur le secteur GTH)
Présentation :
Le nom de ce film plus que connu, réalisé Tonino Valerii, sur un scénario et une production de Sergio Leone, est sorti en 1973 dans les salles. Mon nom est Personne (Il mio nome è Nessuno, à l'origine) est avec Terence Hill et Henry Fonda. Quant à sa musique, c'est évidemment celle d'Ennio Morricone. Le Synopsis est le suivant : la légende de l'ouest, Jack Beauregard (Henry Fonda), un Lucky Luke des temps anciens est lassé du pays, de ces gens que l'on y croise tout le temps et veut aller en Europe. L'un de ses plus grands admirateurs, appelé Personne (Terence Hill), veut quant à lui que Jack reste un modèle en rentrant dans les livres d'histoire, et cela en se mesurant contre la Horde Sauvage : une bande de 150 "fils de pute déchaînés".
Jusque là, tout va bien...
Néanmoins, ce western est particulier : il est parodique. En effet, le sujet (celui du temps qui passe) est abordé avec humour, ne serait-ce que la scène des "baffes", en passant par la scène finale avec le barbier. De plus, sa particularité est amplifiée par le fait que le réalisateur, Sergio Leone, s'auto-parodie avec Mon nom est Personne, en caricaturant ses précédents films : avec à la première scène, les trois tueurs qui s'avancent pour tuer Jack Beauregard, ce sont ceux d'Il était une fois dans l'ouest qui attendent l'Homme à l'Harmonica ; ou bien avec l'expression "Va te faire foutre", murmurée à l'oreille de Jack, présente elle aussi dans Le bon, la brute et le truand où Tuco (Eli Wallach) se prend un café à travers la face par Blondin (Clint Eastwood). Ou encore en reprenant quelques scènes et en utilisant le compositeur des westerns habituels de Sergio Leone : Morricone, avec le thème principal, mais aussi avec "The wild horde", qui nous rappelle la Chevauchée des Walkyries de Wagner, annonçant à chaque fois le rendez-vous de Jack avec son destin.
Un petit résumé de ses "plus" qui ont fait de ce film ce qu'il est :
- tout d'abord la musique, signée par Ennio Morricone : un vrai plaisir de l'écouter,
- les répliques (dont "Quand tu ne seras plus Personne et que tu seras quelqu'un, viens me revoir"),
- mais aussi, tout simplement l'histoire : le fait qu'une personne veuille absolument que son héros réalise son rêve d'enfant, la fin avec la lettre-hommage de Jack Beauregard,
- les thèmes abordés : comme dit plus haut, celui du temps qui passe, le contraste ancien/nouveau temps, la relation idole/admirateur...
Cette fin se veut nostalgique, mais avec des propos pourtant assez justes, et il y a là un certain contraste : tout le long du film, il y a une dimension parodique, mais on finit par des propos nostalgiques des temps anciens, ces propos nous montrent le changement vu par Jack Beauregard entre le XIX ème et le XX ème siècle : les gens changent, la violence est partout, le passage vers une époque plus moderne, plus industrielle se dessine. On voit donc une certaine inquiétude du personnage par rapport au nouveau siècle qui arrive, il se sent dépassé. Elle véhicule aussi une morale, la morale du film et aussi la morale du "nouveau temps". Cette morale pourrait très bien résumer la relation entre Personne et Jack.
Au final, un bon western Spaghetti à découvrir ou à revoir.
Bande-Annonce
Altered States (1980) by Dylan
"I'm a man in search of his true self. How archetypically American can you get? We're all trying to fulfill ourselves, understand ourselves, get in touch with ourselves, face the reality of ourselves, explore ourselves, expand ourselves. Ever since we dispensed with God we've got nothing but ourselves to explain this meaningless horror of life."
Altered States est un film Américain de 1980 réalisé par Ken Russel, réalisateur anglais souvent critiqué pour son obsession pour la sexualité et pour l’église. C’est une adaptation d’un roman de Paddy Chayefsky. Le roman est basé sur la vie de John C. Lilly, un chercheur qui étudiait la nature de la conscience en utilisant entre autre les drogues hallucinogènes et les sons des dauphins. L’histoire est celle de Edward Jessup (William Hurt), un professeur d’université qui étudie la schizophrénie. Il développe une théorie qui considère les autres états de conscience comme des états réels. Il fait de nombreuses expériences en se servant notamment d’un water tank, une cuve ou il s’immerge afin d’augmenter les sensations et la clairvoyance. Il fait ensuite un voyage au Mexique, ou il participe à un rituel chamanique dans la montagne.Le rituel est l’élément perturbateur du film, et fait un peu penser au rituel Ayahusca, et aux descriptions de visions et croyances réelles qu’on peut trouver notamment dans des livres comme Voir de Carlos Castaneda. Après le rituel, Edward va changer. Son entourage le remarque, lui aussi, mais il essaye de leur expliquer sa vision des choses. Pour ses confrères, il a vécu une régression génétique et risque un cancer. Mais pour lui, toute son expérience au Mexique va bien au delà de la médecine ou de la science. Pour lui, ça n’a rien à voir avec la génétique ou un éventuel cancer. Ce qu’il a vécu était bien réel. Il va donc continuer ses expériences et ramener la drogue au Etats-Unis pour l’étudier et en reprendre. Pour le reste, je vous laisse découvrir le film, car ça en vaut vraiment la peine. Et il faut écouter les superbes dialogues et explications du film, car le scénario est vraiment un de ses point fort :
"We all live with it. That unbearable terror is what makes us such singular creatures. We hide from it, we succumb to it, mostly we defy it! We build fragile little structures to keep it out. We love, we raise families, we work, we make friends. We write poems..."
A mes yeux, ce film est un petit bijou. Et il faut d’autant plus en profiter qu’il a bien failli ne jamais voir le jour. Le réalisateur d’origine (Arthur Penn) ayant démissionné, ainsi que le responsable des effets spéciaux. La production a également laissé tomber, mais c’est grâce à Warner Bros qu’il a enfin pu atterrir sur les écrans. Ouf. Tout ça pour avoir une nomination aux Oscars pour la musique… comme quoi ! Mais bon, ce n’est pas seulement la musique qui aurait pu être nominée, c’est l’ensemble. Les acteurs, la mise en scène, tout est réuni pour donner au film le souffle puissant dont il a besoin. Malgré quelques effets spéciaux « fonts verts » qui laissent à désirer, l’esthétique générale des hallucinations reste très intéressante. Il y a une très forte symbolique qui elle, n’a pas d’âge, et le film reste un très grand (et bon) délire visuel.
Je me retiendrai aussi de dire que Enter The Void n’a rien inventé. La fin du film nous donne réellement la sensation d’être en pleine hallucination et de complètement sortir de nous même. C’est intense, violent, troublant, scotchant. On se croirait en plein bad trip sous LSD, et encore. J’apprécie vraiment tous les éléments visuels présents dans ce film et ne m’en lasse jamais. Mon rêve serait d’ailleurs de le voir sur un grand écran de cinéma, avec un bon système sonore. Le rêve !!! J’envie les gens qui ont pu aller voir ça en 1980. Mais bon, je fais avec mon ordinateur, et le film reste carrément orgasmique. Altered States mélange ésotérisme et science-fiction, et réussit un coup de maître là ou beaucoup de réalisateurs se plantent. Faire un film intellectuel qui parle de sortie hors du corps, de plans de conscience, tout ça vu et vécu par un scientifique… Il faut dire aussi que l’acteur principal, William Hurt, fait un travail remarquable. D’autant plus que c’était son premier vrai film ! C’est certes maintenant un visage connu, mais il montre ici une facette « nouvelle » que j’apprécie énormément. Et je trouve que commencer par un film pareil, c’est vraiment, vraiment culotté.
L’univers général du film est intriguant et original, et il y a également de très belles images (notamment celles de nudité). La relation entre Edward et sa femme Emily (Blair Brown) est une très belle relation : a la fois intellectuelle et amoureuse. Mais c’est cette compréhension qu’ils ont l’un pour l’autre que je trouve intéressante. Ce n’est pas le couple creux et stéréotypé qu’on a souvent l’habitude de voir. Il y a une humanité profonde dans ce film.
"You saved me. You redeemed me from the pit. I was in it, Emily. I was *in that ultimate moment of terror that is the beginning of life. It is nothing. Simple, hideous nothing. The final truth of all things is that there is no final Truth. Truth is what's transitory. It's human life that is real. I don't want to frighten you, Emily, but what I'm trying to tell you is that moment of terror is a real and living horror, living and growing within me now, and the only thing that keeps it from devouring me is you."*
Altered States touche à un sujet qui m’intéressait et me fascinait bien avant d’avoir vu le film. Mais c’est très rare de voir des scénarios sur le sujet, surtout aussi bien documentés. Les états de conscience, les drogues hallucinogènes, les recherches faites dans les années 70…. Le seul petit défaut du film est la toute fin. Tout est crescendo pour finalement retomber un peu. Mais bon, c’est vraiment si on veut chipoter, et je me doute que ça devait être une idée de la production pour éviter que le spectateur ne soit pas trop traumatisé. Happy Ending, après tout, pourquoi pas ? Dans tous les cas, Altered States est un film que je conseille à tous les amoureux de la science-fiction, de l’ésotérisme, à tous les gens qui aiment les univers décalés, ou ne serais-ce que pour voir les débuts de William Hurt. C’est un film qu’on oublie pas, et dont on ne ressort pas indemne. Conclusion : Putain, ça c’est du cinéma !!!!!
►TRAILER
jeudi 15 décembre 2011
L'épopée humaine du Son au Cinéma by Deckard
Le cinéma, c’est devenu quelque chose de radicalement compliqué. Tandis qu’il y a 60 ans, on trouvait juste une petite bande de potes au générique, désormais c’est une véritable armée qui défile sur fond noir avec de la mauvaise musique (ou pas). Des machinistes, des électriciens, des coiffeurs, des hommes-sandwich, et aussi des mecs qui font du son. On a vraiment besoin d’être 40 pour tenir un micro et appuyer sur des boutons ? Et bien oui, et c’est ce que je vais tenter de vous faire comprendre, sans rentrer dans la technique, qui vous vous en doutez, demande un paquet d’années de formation, de litres de café, de bide qui pousse et de cheveux qui tombent.
Partons d’un exemple concret, avec un personnage fictif, nommé Robert. Robert a 40 piges, il gère à mort l’électronique, l’acoustique, son père est artiste peintre et sa mère vit de sa rente, il a été pistonné mais a aussi beaucoup de talent. Il sera donc notre superviseur technique dans le domaine de la production sonore. Robert vient d’être nommé pour un film de grande envergure, un film avec des robots qui se cognent et des filles avec des jolis culs, « Tranformateur » de Michel Bon, il sera présent partout tout le temps, il ne dormira pas beaucoup, c’est certain.
Robert a donc du pain sur la planche, et doit réunir son armée pour avoir un son qui vrille les tympans et toucher un chèque très convenable, et pourquoi pas avoir une statuette dorée pour le son qui envoie le plus la purée ? Tout doit être parfait, et dans chacune de ces étapes : la pré-production, la production (le tournage quoi), et enfin la post-production.
Allons-y pour la pré-production, Robert doit nous dégoter :
- Un directeur artistique : c’est lui qui, à l’aide de Robert, et en accord avec Michel bon, va devoir définir l’aspect global du rendu sonore, quel son fera le grand chef des robots quand il pète, quelle musique va-t-on mettre quand Morgane Fauxe lave une voiture avec ses nichons, etc… en gros, il fait pas grand chose, il écrit juste des grandes lignes et boira du whisky avec Michel Bon tous les soirs pour se foutre de la gueule de tel ou tel technicien.
- Un chargé de production : c’est lui qui va analyser chaque scène et définir les besoins humains et matériels pour chacune d’entre elles, en d’autres termes : le découpage technique. Combien de micros à placer quand le robot défonce une benne à ordure, en stéréo ? en surround ? Combien ça va coûter ? Doit-on demander une rallonge de budget, ou prendre des stagiaires ? Combien de personnes pour manipuler tout ça, de combien de pistes a-t-on besoin ? Y-aura-t-il beaucoup de bruit sur le plateau ? Ce décolleté permettra-t-il de dissimuler un micro entre les saintes mamelles ? C’est une étape longue, fastidieuse et très importante, la préparation doit être au poil. Naturellement, l’argent prend ici beaucoup de place dans les débats. Le chargé de prod’ passe 80% de son temps au téléphone, il se fait engueuler sans arrêt par le producteur, et a un talent inné pour gérer 98 trucs en même temps.
Sur le tournage, finie la branlette ça rigole plus, normalement tout est prêt, et ça se bouscule au portillon, Robert a du trouver sur Facebook :
- Un chef opérateur : C’est lui qui va effectuer l’enregistrement des différentes sources, il dispose pour cela d’un enregistreur multi-pistes, d’un écran de contrôle, d’une petite table appelée roulante où il va rassembler tous ses accessoires, parmi lesquels des récepteurs sans fils, des câbles, une petite table de mixage, des instruments de mesure sonore, de Time-Code etc… Généralement le setup complet coûte le prix d’une maison. Bref, sur le plateau son, c’est lui le grand chef, et c’est le seul membre de l’équipe à pouvoir réclamer que l’on refasse une prise à cause du son. Il s’assure d’enregistrer les sons « directs », directement liés à l’action, et également des sons seuls, bien souvent l’ambiance d’une pièce, d’un lieu, le bruitage d’un élément du décor etc… Tout ceci interviendra plus tard au montage. Le chef op’ est souvent assez vieux et très fiable, il fume 3 paquets par jour et a la gueule de bois chaque matin.
fantasme ultime, et oui
- Un perchman : Véritable artiste de l’ombre, le perchman s’assure de placer le micro principal au cœur de l’action, à l’aide d’une longue perche en carbone, au bout de laquelle est fixé un micro (souvent appelé micro-canon, c’est à dire très directif) et son dispositif de protection anti-vent, la cage acoustique. Ce brave homme doit prendre soin de ne pas rentrer dans le cadre, de ne pas faire d’ombre, de ne pas faire de bruit, sous peine d’entendre un « COUPEZ » et d’avoir l’air bien con. Bref, le perchman est une belette, un homme sans ombre, discrétion et coopération avec les gens de l’image sont ses meilleurs alliés. Il est souvent de gauche, s’habille avec des vêtements usés mais confortables, et est contre l’intervention en Lybie.
Non, ce n'est pas un chien mort au bout de la perche
- L’assistant son : souvent un jeune Padawan plein d’ambition et déterminé à grimper les échelons, son rôle n’en est pas moins primordial, car c’est souvent lui qui va le plus collaborer avec les acteurs pour le placement des micros HFs, ces fameuses capsules micro miniatures que l’on va dissimuler sous les vêtements de la manière la plus discrète et la moins gênante possible, afin de ne pas rater le moindre mot. Tout un art ! D’autant qu’il y a un câble qui va se balader dans les vêtements de la victime, pour rejoindre le transmetteur sans fil, que l’on met où il y a de la place… ça finit souvent au niveau du cul. Bref, avec du casting féminin, ce petit gredin a le joli rôle, puisqu’il doit savamment étudier les formes opulentes des sources à enregistrer.
- Un deuxième assistant son : il met du scotch sur les câbles, pose sans arrêt des questions à Michel Bon et à Robert, il fait du café et demande sans arrêt aux autres s’il veulent bien transmettre son CV de merde à quelques clients. Son avenir semble radieux.
Naturellement, le directeur artistique et Robert sont présents, car ils gagnent mieux leur vie que les autres, et qu’il faut bien justifier tout ça.
Pour la post-production, là il y a du monde, et le processus prend souvent plusieurs mois, voire un an. Lorsque le montage-image est terminé (ou pas !), tout se fait dans cet ordre-là…
- Le compositeur : il a commencé à bosser il y a quelques semaines, il reçoit des séquences au fur et à mesure, en accord avec le directeur artistique, quelques partitions, qu’il va pouvoir finaliser une fois le précieux montage-image final reçu. C’est un métier de longue haleine, où il faudra créer une musique qui donnera en quelque sorte le ton du film. Bref, faut du talent, et un paquet d’années de conservatoire. Bien souvent, il s’agit de gens avec des cheveux longs qui sont pétés de thunes. Naturellement, la production de la musique en elle-même fait appel à des dizaines d’autres intervenants du monde du son, mais c’est une autre histoire !
- Le monteur son direct : Souvent appelé aussi monteur dialogue, c’est lui qui va se charger de faire le montage des sources sonores enregistrées au tournage. Le chef opérateur lui a transmis un rapport-son qui décrit chaque piste et son contenu. Le monteur direct choisit ce qui est utile, enlève ce qui ne l’est pas, nettoie les bruits parasites, et dresse déjà un panorama de tout ce qu’il va falloir ajouter, autrement dit, ré-enregistrer par la suite.
ProTools, ton meilleur ami
- Le recordeur : intitulé de poste bizarre, qui au final fait du doublage. Bah oui, sur un plateau, parfois on a 3 grues, 2 machines à fumée, 70 personnes et même parfois un réalisateur qui dirige ses acteurs « en live ». Bref, y a du boucan partout et les prises de son directes ne sont pas exploitables. Il faut donc ramener tous les acteurs en studio pour qu’ils doublent leur propre voix. De plus en plus de films font systématiquement appel à ce procédé, le Seigneur des anneaux par exemple. Cela garantit une prise de son hyper-propre. Mais est-ce mieux que le vrai son réel sincère et instantané ? Dans le métier, on va dire qu’il y a 2 écoles…
- Le bruiteur : véritable OVNI du métier, il vit souvent dans un bordel pas possible, où chaque objet qui traine produit un son bizarre. C’est lui qui va devoir recréer, ou enrichir, les bruitages réels du tournage. Frottements de vêtements, coups de feu, bruits de pas, porte qui claque, pet de foufoune, chaise qui grince etc… Plus qu’un technicien, le bruiteur est souvent un artiste assez bizarre, capable de recréer la collision d’un train sur une montagne à l’aide de quelques chamallows et d’un berger allemand. Il a pleins de micros bizarres, vit chez sa mère et sait faire pleins de trucs bizarres avec sa bouche. En bref, un métier très difficile et exigeant.
Des pas sur le gravier? Une biscotte et le tour est joué
- Le monteur son ambiance : véritable chasseur de sons, c’est lui qui va, à partir des sons seuls enregistrés au tournage et de sa propre banque qu’il enrichit dès qu’il part en vacances en Alaska, enrichir le montage image en crédibilisant chaque scène. Vent qui souffle, corbeaux lointains, parois d’une caverne ruisselante, rumeur souterraine… Il s’agit d’une partie très créative, où bien souvent les images prennent une autre dimension grâce à l’apport de sons crédibles. Un métier passionnant, qui se fait avec une étroite collaboration du réalisateur et du directeur artistique, tout ceci peut prendre beaucoup de temps, et peut vite grimper jusqu’à une cinquantaine de pistes.
Un setup classique de montage son
- Le Sound Designer : intitulé assez occulte, dans la mesure où il s’agit souvent d’un monteur son très expérimenté. Egalement présent sur d’autres marchés comme le jeu vidéo, le designer sonore s’occupe généralement de la partir FX sonore, les effets spéciaux quoi… Dans le cas de « Transformateur », il va créer le son des robots, des explosions, des vaisseaux, des cafetières… mais aussi accompagner certains mouvements de caméra par des SWIIIIiiiiiish ou des Woooosuushshhsshhhh. Bref, le sound designer, c’est un peu l’homme à tout faire, il recale des machins, crée des trucs, transforme les musiques… Artistique avant tout, mais techniquement très exigeant aussi.
- Le chef-monteur : il peut très bien être le monteur direct ou le sound designer (ou même tout faire à la fois), c’est lui qui va récupérer les sessions des autres pour tout compiler (en d’autres termes, la fameuse conformation) et en faire la session maître qui partira au mixage. Il finalise les choses, il fait du tri, il corrige ce qui est jugé foireux, il ajoute ce qui manque, mais également il met tout aux normes : Dolby, 5.1 etc… En bref, il peut engueuler les gens, et faire tout ce qui est techniquement possible pour que le mixage soit le plus confortable possible.
- Le mixeur : Grand manitou de la post-prod, son travail est capital, dans la mesure où c’est le dernier du processus de production. Généralement, dans son auditorium, tout le monde se pose peinard, boit du café et se repose après tout le bordel des derniers mois. Le monteur son, le réalisateur et le dirlo artistique sont présents, et surveillent de près ce qui doit être fort, moins fort… Mais le mixeur a du pain sur la planche : correction fréquentielle, gestion dynamique, respect des mesures audio, restauration sonore des sources abîmées, bref, il doit beaucoup créer, sans pour autant avoir le dernier mot, qui sera toujours celui du réalisateur. Du mixage dépend l’ambiance sonore entière du film, c’est un métier merveilleux, mais également long et exigeant.
Après tout ça, le film sort en salle, Michel Bon se fait conspuer par la critique et Robert retrouve son doux foyer, bien que sa femme soit partie entre-temps, car elle en a marre qu’il ne soit jamais là et blablabla. Mais ce n’est pas terminé !!!! Il reste le mixage DVD, le mixage Blu-ray, le doublage pour les autres pays, le mixage en vue d’une diffusion TV… Mais ce n’est pas forcément Robert qui va s’y coller, il a fait son taf, il a réuni sa grande armée, et qui sait… aura-t-il sa statuette dorée.
The End.
Partons d’un exemple concret, avec un personnage fictif, nommé Robert. Robert a 40 piges, il gère à mort l’électronique, l’acoustique, son père est artiste peintre et sa mère vit de sa rente, il a été pistonné mais a aussi beaucoup de talent. Il sera donc notre superviseur technique dans le domaine de la production sonore. Robert vient d’être nommé pour un film de grande envergure, un film avec des robots qui se cognent et des filles avec des jolis culs, « Tranformateur » de Michel Bon, il sera présent partout tout le temps, il ne dormira pas beaucoup, c’est certain.
Robert a donc du pain sur la planche, et doit réunir son armée pour avoir un son qui vrille les tympans et toucher un chèque très convenable, et pourquoi pas avoir une statuette dorée pour le son qui envoie le plus la purée ? Tout doit être parfait, et dans chacune de ces étapes : la pré-production, la production (le tournage quoi), et enfin la post-production.
Allons-y pour la pré-production, Robert doit nous dégoter :
- Un directeur artistique : c’est lui qui, à l’aide de Robert, et en accord avec Michel bon, va devoir définir l’aspect global du rendu sonore, quel son fera le grand chef des robots quand il pète, quelle musique va-t-on mettre quand Morgane Fauxe lave une voiture avec ses nichons, etc… en gros, il fait pas grand chose, il écrit juste des grandes lignes et boira du whisky avec Michel Bon tous les soirs pour se foutre de la gueule de tel ou tel technicien.
- Un chargé de production : c’est lui qui va analyser chaque scène et définir les besoins humains et matériels pour chacune d’entre elles, en d’autres termes : le découpage technique. Combien de micros à placer quand le robot défonce une benne à ordure, en stéréo ? en surround ? Combien ça va coûter ? Doit-on demander une rallonge de budget, ou prendre des stagiaires ? Combien de personnes pour manipuler tout ça, de combien de pistes a-t-on besoin ? Y-aura-t-il beaucoup de bruit sur le plateau ? Ce décolleté permettra-t-il de dissimuler un micro entre les saintes mamelles ? C’est une étape longue, fastidieuse et très importante, la préparation doit être au poil. Naturellement, l’argent prend ici beaucoup de place dans les débats. Le chargé de prod’ passe 80% de son temps au téléphone, il se fait engueuler sans arrêt par le producteur, et a un talent inné pour gérer 98 trucs en même temps.
Sur le tournage, finie la branlette ça rigole plus, normalement tout est prêt, et ça se bouscule au portillon, Robert a du trouver sur Facebook :
- Un chef opérateur : C’est lui qui va effectuer l’enregistrement des différentes sources, il dispose pour cela d’un enregistreur multi-pistes, d’un écran de contrôle, d’une petite table appelée roulante où il va rassembler tous ses accessoires, parmi lesquels des récepteurs sans fils, des câbles, une petite table de mixage, des instruments de mesure sonore, de Time-Code etc… Généralement le setup complet coûte le prix d’une maison. Bref, sur le plateau son, c’est lui le grand chef, et c’est le seul membre de l’équipe à pouvoir réclamer que l’on refasse une prise à cause du son. Il s’assure d’enregistrer les sons « directs », directement liés à l’action, et également des sons seuls, bien souvent l’ambiance d’une pièce, d’un lieu, le bruitage d’un élément du décor etc… Tout ceci interviendra plus tard au montage. Le chef op’ est souvent assez vieux et très fiable, il fume 3 paquets par jour et a la gueule de bois chaque matin.
fantasme ultime, et oui
- Un perchman : Véritable artiste de l’ombre, le perchman s’assure de placer le micro principal au cœur de l’action, à l’aide d’une longue perche en carbone, au bout de laquelle est fixé un micro (souvent appelé micro-canon, c’est à dire très directif) et son dispositif de protection anti-vent, la cage acoustique. Ce brave homme doit prendre soin de ne pas rentrer dans le cadre, de ne pas faire d’ombre, de ne pas faire de bruit, sous peine d’entendre un « COUPEZ » et d’avoir l’air bien con. Bref, le perchman est une belette, un homme sans ombre, discrétion et coopération avec les gens de l’image sont ses meilleurs alliés. Il est souvent de gauche, s’habille avec des vêtements usés mais confortables, et est contre l’intervention en Lybie.
Non, ce n'est pas un chien mort au bout de la perche
- L’assistant son : souvent un jeune Padawan plein d’ambition et déterminé à grimper les échelons, son rôle n’en est pas moins primordial, car c’est souvent lui qui va le plus collaborer avec les acteurs pour le placement des micros HFs, ces fameuses capsules micro miniatures que l’on va dissimuler sous les vêtements de la manière la plus discrète et la moins gênante possible, afin de ne pas rater le moindre mot. Tout un art ! D’autant qu’il y a un câble qui va se balader dans les vêtements de la victime, pour rejoindre le transmetteur sans fil, que l’on met où il y a de la place… ça finit souvent au niveau du cul. Bref, avec du casting féminin, ce petit gredin a le joli rôle, puisqu’il doit savamment étudier les formes opulentes des sources à enregistrer.
- Un deuxième assistant son : il met du scotch sur les câbles, pose sans arrêt des questions à Michel Bon et à Robert, il fait du café et demande sans arrêt aux autres s’il veulent bien transmettre son CV de merde à quelques clients. Son avenir semble radieux.
Naturellement, le directeur artistique et Robert sont présents, car ils gagnent mieux leur vie que les autres, et qu’il faut bien justifier tout ça.
Pour la post-production, là il y a du monde, et le processus prend souvent plusieurs mois, voire un an. Lorsque le montage-image est terminé (ou pas !), tout se fait dans cet ordre-là…
- Le compositeur : il a commencé à bosser il y a quelques semaines, il reçoit des séquences au fur et à mesure, en accord avec le directeur artistique, quelques partitions, qu’il va pouvoir finaliser une fois le précieux montage-image final reçu. C’est un métier de longue haleine, où il faudra créer une musique qui donnera en quelque sorte le ton du film. Bref, faut du talent, et un paquet d’années de conservatoire. Bien souvent, il s’agit de gens avec des cheveux longs qui sont pétés de thunes. Naturellement, la production de la musique en elle-même fait appel à des dizaines d’autres intervenants du monde du son, mais c’est une autre histoire !
- Le monteur son direct : Souvent appelé aussi monteur dialogue, c’est lui qui va se charger de faire le montage des sources sonores enregistrées au tournage. Le chef opérateur lui a transmis un rapport-son qui décrit chaque piste et son contenu. Le monteur direct choisit ce qui est utile, enlève ce qui ne l’est pas, nettoie les bruits parasites, et dresse déjà un panorama de tout ce qu’il va falloir ajouter, autrement dit, ré-enregistrer par la suite.
ProTools, ton meilleur ami
- Le recordeur : intitulé de poste bizarre, qui au final fait du doublage. Bah oui, sur un plateau, parfois on a 3 grues, 2 machines à fumée, 70 personnes et même parfois un réalisateur qui dirige ses acteurs « en live ». Bref, y a du boucan partout et les prises de son directes ne sont pas exploitables. Il faut donc ramener tous les acteurs en studio pour qu’ils doublent leur propre voix. De plus en plus de films font systématiquement appel à ce procédé, le Seigneur des anneaux par exemple. Cela garantit une prise de son hyper-propre. Mais est-ce mieux que le vrai son réel sincère et instantané ? Dans le métier, on va dire qu’il y a 2 écoles…
- Le bruiteur : véritable OVNI du métier, il vit souvent dans un bordel pas possible, où chaque objet qui traine produit un son bizarre. C’est lui qui va devoir recréer, ou enrichir, les bruitages réels du tournage. Frottements de vêtements, coups de feu, bruits de pas, porte qui claque, pet de foufoune, chaise qui grince etc… Plus qu’un technicien, le bruiteur est souvent un artiste assez bizarre, capable de recréer la collision d’un train sur une montagne à l’aide de quelques chamallows et d’un berger allemand. Il a pleins de micros bizarres, vit chez sa mère et sait faire pleins de trucs bizarres avec sa bouche. En bref, un métier très difficile et exigeant.
Des pas sur le gravier? Une biscotte et le tour est joué
- Le monteur son ambiance : véritable chasseur de sons, c’est lui qui va, à partir des sons seuls enregistrés au tournage et de sa propre banque qu’il enrichit dès qu’il part en vacances en Alaska, enrichir le montage image en crédibilisant chaque scène. Vent qui souffle, corbeaux lointains, parois d’une caverne ruisselante, rumeur souterraine… Il s’agit d’une partie très créative, où bien souvent les images prennent une autre dimension grâce à l’apport de sons crédibles. Un métier passionnant, qui se fait avec une étroite collaboration du réalisateur et du directeur artistique, tout ceci peut prendre beaucoup de temps, et peut vite grimper jusqu’à une cinquantaine de pistes.
Un setup classique de montage son
- Le Sound Designer : intitulé assez occulte, dans la mesure où il s’agit souvent d’un monteur son très expérimenté. Egalement présent sur d’autres marchés comme le jeu vidéo, le designer sonore s’occupe généralement de la partir FX sonore, les effets spéciaux quoi… Dans le cas de « Transformateur », il va créer le son des robots, des explosions, des vaisseaux, des cafetières… mais aussi accompagner certains mouvements de caméra par des SWIIIIiiiiiish ou des Woooosuushshhsshhhh. Bref, le sound designer, c’est un peu l’homme à tout faire, il recale des machins, crée des trucs, transforme les musiques… Artistique avant tout, mais techniquement très exigeant aussi.
- Le chef-monteur : il peut très bien être le monteur direct ou le sound designer (ou même tout faire à la fois), c’est lui qui va récupérer les sessions des autres pour tout compiler (en d’autres termes, la fameuse conformation) et en faire la session maître qui partira au mixage. Il finalise les choses, il fait du tri, il corrige ce qui est jugé foireux, il ajoute ce qui manque, mais également il met tout aux normes : Dolby, 5.1 etc… En bref, il peut engueuler les gens, et faire tout ce qui est techniquement possible pour que le mixage soit le plus confortable possible.
- Le mixeur : Grand manitou de la post-prod, son travail est capital, dans la mesure où c’est le dernier du processus de production. Généralement, dans son auditorium, tout le monde se pose peinard, boit du café et se repose après tout le bordel des derniers mois. Le monteur son, le réalisateur et le dirlo artistique sont présents, et surveillent de près ce qui doit être fort, moins fort… Mais le mixeur a du pain sur la planche : correction fréquentielle, gestion dynamique, respect des mesures audio, restauration sonore des sources abîmées, bref, il doit beaucoup créer, sans pour autant avoir le dernier mot, qui sera toujours celui du réalisateur. Du mixage dépend l’ambiance sonore entière du film, c’est un métier merveilleux, mais également long et exigeant.
Après tout ça, le film sort en salle, Michel Bon se fait conspuer par la critique et Robert retrouve son doux foyer, bien que sa femme soit partie entre-temps, car elle en a marre qu’il ne soit jamais là et blablabla. Mais ce n’est pas terminé !!!! Il reste le mixage DVD, le mixage Blu-ray, le doublage pour les autres pays, le mixage en vue d’une diffusion TV… Mais ce n’est pas forcément Robert qui va s’y coller, il a fait son taf, il a réuni sa grande armée, et qui sait… aura-t-il sa statuette dorée.
The End.
mercredi 7 décembre 2011
Gangs of New-York de Martin "Taxi Driver" Scorsese by Jim
Mulberry Street... and Worth... Cross and Orange... and Little Water. Each of the Five Points is a finger. When I close my hand it becomes a fist. And, if I wish, I can turn it against you (Bill the Butcher/William Cutting)
Paradise Square, 1846. La neige ne reste immaculée que le temps d'accueillir la bagarre du siècle qui oppose le gang des "Natives Americans" aux "Dead Rabbits". Bill the Butcher, l'américain, le natif, le vrai américain, contre Priest Vallon, l'immigré irlandais, le faux américain. Sous nos yeux, les coups de couteau, les coupures faites à la hache, le sang, la souffrance, la cruauté, la mort. Amsterdam Vallon, jeune enfant, voit de ses yeux son père mordre la poussière, glisser contre le manteau blanc et froid de la mort. Bill the Butcher et les natifs ont gagné, ce sont maintenant eux qui vont régner sur le quartier : les Dead Rabbits n'existent plus, une page se tourne.
Scorsese, en 2002, est heureux de présenter son dernier-né, Gangs of New-York. Il faut dire que le projet est né dans les années septante, suite à la lecture du livre de Herbert Asbury, sur les gangs et la criminalité à New-York au dix-neuvième siècle. Mais des tas de problèmes en plus de contretemps sont survenus et le film n'a pu se tourner qu'en 2000, à Rome, dans des studios où la ville - New-York - , et plus particulièrement le quartier des Five Points, a été reconstruite pour ressembler à ce qu'elle était un peu moins de deux siècles plus tôt. C'est avec une trame centrale très shakespearienne - à savoir la vengeance de l'assassinat du père- et une ambiance parfaitement transcendée, que Scorsese réussit à captiver. Les décors (et figurants) représentent excessivement bien New-York, telle qu'elle était à l'époque où des milliers d'immigrés, affamés et remplis d'espoir, l'arpentaient. En plus de traiter des problèmes d'intégration de ces nouveaux venus et des difficultés engendrées par le recrutement de chair fraîche pour combattre lors de la guerre de Sécession, le film résume les préoccupations de l'époque dans l'expression suivante: "tout le monde voulait sa part du gâteau". Cette part du gâteau, ça n'est peut-être qu'un logement (in)salubre et un morceau de pain, mais ça peut être aussi une citoyenneté, ou même, le sentiment d'appartenir à ce tout promis à tant de bonnes choses. Parce que la plupart des immigrants étaient des irlandais qui avaient connu la famine dans leur pays, et que pour eux, la venue en Amérique représentait la poule aux oeufs d'or.
Dans cette optique, Priest Vallon et ses Dead Rabbits aspiraient à pouvoir se faire une place au soleil - ou plutôt dans la grisaille New-Yorkaise - sous les effluves de crasse des Five Points. Mais c'est ici que Bill the Butcher intervient : en refusant de laisser les migrants affirmer leur identité et avoir eux aussi, une part du "gâteau", le personnage les réduit au silence et les asservit : tout le monde, en 1862, travaille pour lui, même les irlandais qui avaient pris les armes contre lui en 1846 avec Priest Vallon. Douce ironie, en 1862, quand Amsterdam revient dans le quartier des Five Points, c'est pour retrouver ce coin de son enfance transfiguré, aux mains des natifs et, surtout, de Bill.
Well draw it mildly son. Happy Jack don't fill his lungs without I tell him he may do so(Bill The Butcher/ William Cutting)
Comme on peut s'en douter, la bataille finale entre Amsterdam et Bill the Butcher n'intervient qu'à la fin du film, après deux heures d'une exploration historique et sociologique de la grosse pomme, telle qu'elle était jadis. En plus de ce panorama sur la vie de l'époque, l'histoire décrit une relation qui se dessine entre Bill et Amsterdam : le natif prend sous son aile le jeune irlandais, et finalement, une sorte de lien père-fils s'installe entre eux. De quoi rendre encore plus shakespearien le film. Autour de ce lien gravitent des personnages secondaires, qui ont tous leur importance, leur influence sur le duo : Jenny, la pie voleuse, Johnny, le "second" d'Amsterdam presque, Monk McGinn, qu'Amsterdam prenait pour le plus vendu de tous mais qui pourrait être le plus loyal, Boss Tweed, le politicien véreux, les anciens Dead Rabbits, et la nouvelle génération d'irlandais.
De Gangs of New-York, on retiendra Daniel Day-Lewis, dans son interprétation magistrale de Bill the Butcher : l'acteur le plus doué de sa génération, le plus viscéral sûrement, n'avait plus rien fait depuis The Boxer de Jim Sheridan en 1997°. Comme à l'accoutumée, Day-Lewis s'est jeté à corps perdu dans le personnage qu'il devait interpréter : il s'est mis à parler avec un vieil accent - même en dehors du plateau - et a appris comment se servir de ses couteaux (en tant que boucher). L'implication dont l'acteur irlandais a fait preuve se reflète dans son jeu méthodique, froid, souverain ; il crève l'écran, les autres acteurs font pâle figure à côté de lui. C'est bien dommage, car DiCaprio ne tient pas la route face à Day-Lewis, malgré tout, ce n'est pas parce qu'il n'est pas un bon acteur, mais c'est parce que face à un Dieu, un mortel reste inférieur. Gangs of New-York était aussi une occasion pour Cameron Diaz de prouver qu'elle n'était pas juste bonne à se pavaner en balançant son derrière .
Scorsese n'a pas réalisé son meilleur film avec Gangs of New-York, mais il a encore une fois prouvé qu'il pouvait faire une histoire intrigante, bien ficelée et prenante du début à la fin. L’exploit, c’est bien sûr le personnage de Bill the Butcher, monstre de cruauté, pervers raciste qui se délecte presque de la souffrance d’autrui. Un personnage haut en couleurs pour une ville en pleine élaboration. Drame shakespearien qui a pour décor la violence et l’injustice, Gangs of New-York est une œuvre qui doit sa grandeur à Daniel Day-Lewis, un vrai monstre en Bill the Butcher, mais surtout, un monstre sacré du cinéma.
* Jim Sheridan est d'ailleurs le réalisateur avec lequel Daniel Day-Lewis a le plus travaillé : ils ont tourné ensemble My Left Foot, In the Name of the Father, et The Boxer. Cela dit il semblerait que Day-Lewis soit sur le point de tourner encore avec Scorsese, ce qui mettrait les deux réalisateurs à égalité. Day-Lewis a joué dans deux films de Scorsese : The Age of Innocence, et Gangs of New-York.
trailer
la version délire RPR des guignols
Paradise Square, 1846. La neige ne reste immaculée que le temps d'accueillir la bagarre du siècle qui oppose le gang des "Natives Americans" aux "Dead Rabbits". Bill the Butcher, l'américain, le natif, le vrai américain, contre Priest Vallon, l'immigré irlandais, le faux américain. Sous nos yeux, les coups de couteau, les coupures faites à la hache, le sang, la souffrance, la cruauté, la mort. Amsterdam Vallon, jeune enfant, voit de ses yeux son père mordre la poussière, glisser contre le manteau blanc et froid de la mort. Bill the Butcher et les natifs ont gagné, ce sont maintenant eux qui vont régner sur le quartier : les Dead Rabbits n'existent plus, une page se tourne.
Scorsese, en 2002, est heureux de présenter son dernier-né, Gangs of New-York. Il faut dire que le projet est né dans les années septante, suite à la lecture du livre de Herbert Asbury, sur les gangs et la criminalité à New-York au dix-neuvième siècle. Mais des tas de problèmes en plus de contretemps sont survenus et le film n'a pu se tourner qu'en 2000, à Rome, dans des studios où la ville - New-York - , et plus particulièrement le quartier des Five Points, a été reconstruite pour ressembler à ce qu'elle était un peu moins de deux siècles plus tôt. C'est avec une trame centrale très shakespearienne - à savoir la vengeance de l'assassinat du père- et une ambiance parfaitement transcendée, que Scorsese réussit à captiver. Les décors (et figurants) représentent excessivement bien New-York, telle qu'elle était à l'époque où des milliers d'immigrés, affamés et remplis d'espoir, l'arpentaient. En plus de traiter des problèmes d'intégration de ces nouveaux venus et des difficultés engendrées par le recrutement de chair fraîche pour combattre lors de la guerre de Sécession, le film résume les préoccupations de l'époque dans l'expression suivante: "tout le monde voulait sa part du gâteau". Cette part du gâteau, ça n'est peut-être qu'un logement (in)salubre et un morceau de pain, mais ça peut être aussi une citoyenneté, ou même, le sentiment d'appartenir à ce tout promis à tant de bonnes choses. Parce que la plupart des immigrants étaient des irlandais qui avaient connu la famine dans leur pays, et que pour eux, la venue en Amérique représentait la poule aux oeufs d'or.
Dans cette optique, Priest Vallon et ses Dead Rabbits aspiraient à pouvoir se faire une place au soleil - ou plutôt dans la grisaille New-Yorkaise - sous les effluves de crasse des Five Points. Mais c'est ici que Bill the Butcher intervient : en refusant de laisser les migrants affirmer leur identité et avoir eux aussi, une part du "gâteau", le personnage les réduit au silence et les asservit : tout le monde, en 1862, travaille pour lui, même les irlandais qui avaient pris les armes contre lui en 1846 avec Priest Vallon. Douce ironie, en 1862, quand Amsterdam revient dans le quartier des Five Points, c'est pour retrouver ce coin de son enfance transfiguré, aux mains des natifs et, surtout, de Bill.
Well draw it mildly son. Happy Jack don't fill his lungs without I tell him he may do so(Bill The Butcher/ William Cutting)
Comme on peut s'en douter, la bataille finale entre Amsterdam et Bill the Butcher n'intervient qu'à la fin du film, après deux heures d'une exploration historique et sociologique de la grosse pomme, telle qu'elle était jadis. En plus de ce panorama sur la vie de l'époque, l'histoire décrit une relation qui se dessine entre Bill et Amsterdam : le natif prend sous son aile le jeune irlandais, et finalement, une sorte de lien père-fils s'installe entre eux. De quoi rendre encore plus shakespearien le film. Autour de ce lien gravitent des personnages secondaires, qui ont tous leur importance, leur influence sur le duo : Jenny, la pie voleuse, Johnny, le "second" d'Amsterdam presque, Monk McGinn, qu'Amsterdam prenait pour le plus vendu de tous mais qui pourrait être le plus loyal, Boss Tweed, le politicien véreux, les anciens Dead Rabbits, et la nouvelle génération d'irlandais.
De Gangs of New-York, on retiendra Daniel Day-Lewis, dans son interprétation magistrale de Bill the Butcher : l'acteur le plus doué de sa génération, le plus viscéral sûrement, n'avait plus rien fait depuis The Boxer de Jim Sheridan en 1997°. Comme à l'accoutumée, Day-Lewis s'est jeté à corps perdu dans le personnage qu'il devait interpréter : il s'est mis à parler avec un vieil accent - même en dehors du plateau - et a appris comment se servir de ses couteaux (en tant que boucher). L'implication dont l'acteur irlandais a fait preuve se reflète dans son jeu méthodique, froid, souverain ; il crève l'écran, les autres acteurs font pâle figure à côté de lui. C'est bien dommage, car DiCaprio ne tient pas la route face à Day-Lewis, malgré tout, ce n'est pas parce qu'il n'est pas un bon acteur, mais c'est parce que face à un Dieu, un mortel reste inférieur. Gangs of New-York était aussi une occasion pour Cameron Diaz de prouver qu'elle n'était pas juste bonne à se pavaner en balançant son derrière .
Scorsese n'a pas réalisé son meilleur film avec Gangs of New-York, mais il a encore une fois prouvé qu'il pouvait faire une histoire intrigante, bien ficelée et prenante du début à la fin. L’exploit, c’est bien sûr le personnage de Bill the Butcher, monstre de cruauté, pervers raciste qui se délecte presque de la souffrance d’autrui. Un personnage haut en couleurs pour une ville en pleine élaboration. Drame shakespearien qui a pour décor la violence et l’injustice, Gangs of New-York est une œuvre qui doit sa grandeur à Daniel Day-Lewis, un vrai monstre en Bill the Butcher, mais surtout, un monstre sacré du cinéma.
* Jim Sheridan est d'ailleurs le réalisateur avec lequel Daniel Day-Lewis a le plus travaillé : ils ont tourné ensemble My Left Foot, In the Name of the Father, et The Boxer. Cela dit il semblerait que Day-Lewis soit sur le point de tourner encore avec Scorsese, ce qui mettrait les deux réalisateurs à égalité. Day-Lewis a joué dans deux films de Scorsese : The Age of Innocence, et Gangs of New-York.
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la version délire RPR des guignols
Hedwig And The Angry Inch (2001) by Dylan
"My sex change operation got botched; my guardian angel fell asleep on the watch; now all I got is a Barbie doll crotch; I've got an angry inch!"
Hedwig and the Angry Inch, comédie musicale off-Broadway, a été adapté au grand écran en 2001. C’est James Cameron Mitchell, l’auteur de la pièce, qui s’en est chargé. Et c’est tant mieux, car qui d’autre aurait pu réaliser un film avec un personnage aussi complexe, sinon le créateur même de ce rôle ? Le réalisateur de l'excellent Shortbus montre qu'il sait parler de sexualité comme personne, et sans y aller doucement. Ce coup-ci ,il va encore plus loin, en interprétant lui même le rôle qu’il a créer en 1994. C'est la première fois depuis Shortbus qu'il se remets à jouer la comédie, lui qui était acteur dans les années 90. J’ai voulu vous parler de ce film, car je trouve qu’il fait partit des OVNIS dont personne ne parle, et que c’est bien dommage. S’il fallait le comparer à d’autres, je dirai que c’est un mélange entre Velvet Goldmine et The Rocky Horror Picture Show. Lorsque glamour rencontre le rock and roll. Lorsque les hommes sont des femmes et les femmes sont… tout aussi étranges.
L’histoire est celle d’Hedwig, un transsexuel allemand qui a un groupe de musique controversé, provocateur et visuellement violent. Quelques temps avant le début du film, on comprend qu’Hedwig a vécu une relation musicale et amoureuse avec un jeune homme : Tommy Speck (Michael Pitt), mais que celui-ci s’est ensuite tiré de son côté, lui a volé ses chansons, et est devenu une star du rock. Dégoûtée, trahie, Hedwig suit alors la tournée du jeune homme de ville en ville en jouant dans des restaurants bas de gamme. Hedwig ne manque pas de dire à la presse et à tout le monde qu’on lui a volé ses chansons, mais peu de gens s’intéressent à l’histoire et peu de gens y croient. Alors Hewdig se défoule sur scène et, grâce à son micro, parvient encore à faire passer son message. Du moins c’est ce qu’il pense, car en dehors de son groupe, il est bel et bien seul, incompris, et surtout incomplet.
Hedwig est un des personnages de fiction les plus fascinants qu’il m’a été donné de voir dans un film. Sincèrement. Pas pour son statut de transsexuel, mais pour la façon dont il perçoit la chose. Rien à voir avec les hommes qui se prennent pour des femmes et se dandinent machinalement sans y réfléchir. Ici, nous avons affaire à un personnage philosophe, poétique, mais qui a une vision acharnée et très dure sur ce qu’il est et ce qu’il aurait du être. Car Hedwig a été mutilé par un chirurgien, n’acceptant l’opération que pour faire plaisir à son premier amour, un militaire américain, Luther Robinson, qui l’avait prit pour une femme. Il lui demandera alors de se détacher d’une partie de lui même : de son pénis, pour qu’il puisse l’aimer pleinement et l’épouser. Une demande égoïste, qu’Hedwig, jeune, acceptera sans se poser de questions. Son nom Angry Inch est le nom qu’il se choisit pour parler de ses parties génitales mutilées. Son identité, elle est trouble, double, incomplète. Hedwig recherche son âme sœur, la personne qui sera sa partie manquante, celle qui fera qu’il se sentira à nouveau entier. Avant d’être Hedwig, il s’appellait Hansel et habitait à Berlin Est. Il essaye de faire carrière là bas avant de réaliser qu’il ne correspond pas aux mœurs de son propre pays : "I had tried singing once back in Berlin. They threw tomatoes. After the show, I had a nice salad." C’est donc un personnage fort, qui balance entre ses origines d’un pays séparé en deux, et son rêve de rock et d’Amérique.
"Tout au long du film, Hedwig fait référence au discours d'Aristophane dans Le Banquet de Platon. Ce discours, rappelé dans la chanson Origin of Love, raconte le mythe de l'androgyne ; chaque être humain était à l'origine double, puis fut séparé par Zeus, effrayé par leur pouvoir rivalisant presque avec celui des Dieux." (Wikipedia)
Hedwig devient donc un personnage mythologique, se confiant à nous à travers des chansons, des textes, des questionnements. Le film balance entre poésie, philosophie et musique. Les acteurs sont bluffants, surtout John Cameron Mitchell (Hedwig) et Miriam Shor, qui joue son acolyte : une femme déguisée en homme. Et pour un film dont le thème est la sexualité et le transgenre, il est étonnant d’avoir la sensation que le sexe, qu’il soit masculin, féminin, ou entre les deux, n’a absolument aucune importance lorsqu’on parle d’amour et d’épanouissement. Pour cela, ce film est très fort. Il se dégage des clichés et, même lorsqu’on l’attend au tournant, nous montre qu’il repose sur un scénario intelligent et un personnage très, très complexe. Mais la complexité du personnage d’Hedwig n’est pas un problème : il passe le film à nous transmettre ce qu’il est et ce qu’il ressent, et tout ça, sans artifices, malgré le monde de paillettes et de maquillage. Hedwig and the angry inch est un film de contrastes. Le glamour cache l’horrible vérité, l’amour est toujours décalé, le sexe sous entendu. On remplace un pénis par des ours en gélatine, le sang par les paillettes, la haine par des chansons.
"It is clear that I must find my other half. But is it a he or a she? What does this person look like? Identical to me? Or somehow complementary? Does my other half have what I don't? Did he get the looks? The luck? The love? Were we really separated forceably or did he just run off with the good stuff? Or did I? Will this person embarrass me? What about sex? Is that how we put ourselves back together again? Or can two people actually become one again?"
Croyez-moi, faire une comédie musicale qui n’est pas nunuche et qui transmets autant d’émotions violentes à travers des mots (moins à travers les chansons) , c’est un coup de maître. Une leçon de cinéma. Mais au delà de ça, pour ceux que ça n’intéresse pas plus que ça, c’est également une œuvre à connaître, ne serais-ce que pour les nombreux hommages musicaux existants. Type O Negative, Meat Loaf, Lemon Demon, et même Rufus Wainwright ont tous reprit des chansons tirés de la comédie musicale, ou y ont fait référence. C’est également devenu un film culte, presque au même titre que le Rocky Horror Picture Show, étant donné que certains fans vont jusqu'à rejouer le film lors de séances, en se déguisant etc.
Le film balance de l’humour noir sans mettre de gants, et en fait quelque chose de vraiment violent psychologiquement. Les scènes musicales m’ont un peu moins plus, a part quelques unes. Mais ce film m'a donné envie de m'intéresser au reste de la filmographie du réalisateur, ce qui est assez rare. En dehors des chansons et d'un Michael Pitt un peu agaçant, le reste m’a tellement scotchée que je me suis laissée portée par la voix d’Hedwig, tantôt douce, tantôt vicérale. Malgré mon énervement personnel pour les transsexuels hommes. Un bon moment de rock and roll.
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