Étonnant voire même étrange, le film de [Richard
Schenkman](http://en.wikipedia.org/wiki/Richard_Schenkman) regorge
d’idées et nous interroge sur des notions aussi vieilles que le monde.
Bon, jusqu’ici rien de surprenant me direz-vous ? C’est vrai, à en voir
le synopsis, The man from
earth ne fait pas
rêver, mais détrompez-vous. Dès les premières minutes de ce long
métrage, vous serez captés par le dialogue improbable entre un groupe
d’universitaire et « l’homme des cavernes ».
Bande annonce VO : https://www.youtube.com/watch?v=lVMhEAI3pvg
C’est l’histoire d’un mec…
L’histoire, voilà le sujet principal de ce film. L’histoire d’un homme
vieux comme le monde, l’histoire d’un homme qui a parcouru les époques
et les tumultes de l’histoire de l’humanité. Face à des universitaires
adeptes des sciences et de la rationalité, le vieux sage à l’apparence
d’un individu d’une quarantaine d’années tente de prouver qu’il est né
il y a plusieurs milliers d’années. Comment faire parler son expérience
du monde quand celle-ci est l’Histoire des hommes ?
Rationalité, qui me parle de rationalité ?
Le concept
d’Hegel
se voit mis à mal dans ce récit surprenant de l’homme de la terre.
Peut-on parler de rationalité dans l’histoire d’un homme ? Quand
l’humanité se déploie dans le temps, John Oldman fait son petit bout
de chemin, il rencontre les hommes, la faim, le froid, la souffrance et
l’absurdité. Son récit est un témoignage. Il a toujours été là, il a vu
l’Histoire, il l’a vécu. Oui, mais peut il apporter sa version des faits
? Son point de vue peut il rivaliser avec la science humaine qui a
rationalisé les faits de notre Histoire, qui a transformé le passé en un
livre tout aussi mystique que scientifique ? Il nous montre que la
science parle pour nous, la science déshumanise pour mieux comprendre,
la science conceptualise pour interpréter l’ininterprétable, le temps.
Ah ! L’épreuve du temps…
Qui n’a pas rêvé d’avoir du temps ? John Oldman lui en a eu plus que
nous, simple mortels. Une vie de plusieurs millénaires, de quoi
parcourir le monde et de quoi se cultiver, n’est-ce pas ? Un homme qui a
vécu tout ce temps se doit d’être exceptionnel, il se doit de nous
surprendre et de nous apprendre, il doit savoir. Comme si vivre nous
donnait des réponses, comme si les années écoulées nous apprenaient les
mystères de la vie. Malgré sa longue existence, John Oldman sait une
chose mon cher Socrate, la même chose que vous, il ne sait rien. Il n’a
pas plus de réponses et pas plus de questions que nous autres mortelles.
De quoi ravir les penseurs, M. Oldman s’étonne, comme nous autres, de
la grandeur d’un ciel étoilé, il s’interroge sur les mystères de la
vie.
Qui est le plus borné, le scientifique ou le croyant ?
Ah, il faut avouer que ce n’est pas simple à avaler, il faut reconnaitre
qu’il n’est pas chose aisé d’admettre qu’un homme défie à lui seul, un
grand nombre de lois scientifiques. De plus, ce charmant individu, n’est
autre qu’un être parmi les êtres. Mais est-il si difficile d’y croire ?
Est-il si improbable de donner du crédit à ce qui sort du cadre des
sciences ? Bornés scientifiques qui vivent dans la crainte d’être
perverti par l’extraordinaire ! Ne faut-il pas parfois se résoudre et
admettre son incapacité à comprendre ? Ne faut-il pas croire sans
toujours essayer d’expliquer les raisons de sa croyance ? L’égo de
l’homme raisonné le rend parfois tout aussi aveugle que la naïveté du
chétif croyant.
Soumission librement consentie
Quand le scientifique pose ses armes, le manipulateur parle. Arme de
destruction massive, le jeu du syllogisme et du je réfute
mais j’approuve fait ses preuves face à l’assemblée d’universitaires qui
se sont laissés abusés. John Oldman apparaît comme un bonimenteur qui
donne à boire à ses disciples qui s’agenouillent devant ses propos qui
semblent aussi absurdes que crédibles. On s’aperçoit très vite que ces
grands esprits ont, comme chacun, besoin de croire à l’incroyable et ils
s’engouffrent volontairement dans la magie de l’histoire qui leur est
racontée. Il s’agit d’un jeu, le jeu du mensonge et de la manipulation,
en tout cas en apparence.
Qui a raison et qui a tort ?
L’important n’est pas la vérité, l’important n’est pas la raison et la
preuve. Si John apparait comme un manipulateur, c’est qu’il est
difficile d’accepter ce qui nous dépasse. Il faut se soumettre au
mystique et à la croyance, se courber devant l’étrangeté de certaines
vérités. M. Oldman pratique la rhétorique,
il met à l’honneur le sophisme
et le relativisme. Pourtant, quelque chose pousse nos universitaires à
croire à ses propos, un sentiment plus fort qu’un raisonnement
rationnel.
A votre tour…
A votre tour de vous prendre au jeu, à votre tour de réfléchir, de vous
faire une opinion sur ce dialogue aussi riche que surprenant. Comme une
pause spirituelle dans un monde qui ne cesse de vanter les mérites du
soi disant progrès, de la science et de la technique, ce film nous
impose un instant de spiritualité. Oh oh ! Non rien de psychédélique ou
d’étrange, rien qu’une petite réflexion sur les concepts simples et à la
fois si complexe. Philosophie et religion, foi et rationalité bref un
mélange qui prend bien avec des ingrédients parfaitement dosés. Je n’en
dirais pas plus à votre tour d’être spectateur de la force de persuasion
de notre puissant ancêtre à tous.
Et vous, allez-vous croire à sa sincérité ? La question n’est pas, la question n’est pas là…
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