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dimanche 13 octobre 2013

Castaways on the moon by Albé

Au pays de l’oncle Sam-Sung, le cinéma respire l’originalité, la poésie et la qualité par-dessus tout. Le réalisateur Lee Hey-jun ne déroge pas à la règle. En 2009, il signe son prometteur et premier long métrage intitulé Castaways on the moon (les naufragés sur la lune).

L’excentricité totale des personnages est au rendez-vous. D’un côté, il y a Monsieur Kim, l’homme déchu, incapable de briller en société. Sur le plan affectif, personne n'est là pour l’épauler. Sur le plan professionnel, sa piètre carrière ne lui permet pas de rembourser les intérêts de son emprunt. C’est un homme délaissé et brisé, prêt à en finir avec ce supplice qu’est la vie. De l’autre côté, nous découvrons une mystérieuse jeune femme. Elle n'a pas de nom. Personne ne sait qui elle est ni même si elle existe vraiment. Elle-même ne le sait pas. Et pour cause, elle évite tout contact avec le réel et les autres. Voilà déjà trois longues années que la jeune femme reste cloitrée dans sa chambre à contempler la lune. C’est une Hikikomori.


Dans ce film, les prises de vue sont d'un esthétisme remarquable. Les instants de vie sont capturés comme de véritables tableaux.

L’histoire est celle de deux êtres submergés par le malaise et le mal être social. Dépassés et accablés par la société, ils ne se sentent plus à leur place au sein de la fourmilière humaine. Leur utilité, leur identité sociale est mise en cause. Pire encore, cette identité sociale a disparue peu à peu pour laisser place aux sentiments de solitude et d’exclusion. Nos deux protagonistes sont devenus des étrangers, des extraterrestres.

Quant au scénario, il se révèle tout aussi improbable et énigmatique que les personnages. Du haut d’un pont, Monsieur Kim tente de tuer sa honte en se jetant dans la rivière. Cependant, la rivière ne veut pas de lui et le rejette comme un vulgaire déchet humain sur l'île de Bam, petit territoire inaccessible en plein cœur de Séoul. Par un concours malheureux de circonstances, voilà Monsieur Kim contraint de se la jouer Robinson Crusoé. D’où il se trouve, le naufragé sait pourtant apercevoir les autres mais il est dans l’impossibilité de les contacter, de leur demander de l’aide. Et c’est ici que réside tout le talent et l’ingéniosité du scénariste. Désormais, l’éloignement avec les autres n’est pas seulement mental. Il est aussi physique, ce qui accentue encore d’un cran la distance qui sépare Monsieur Kim du reste du monde. Bingo ! La métaphore est sublime.



Le point de départ est donné pour une série d’aventures tout aussi rocambolesques les unes que les autres. Les dialogues se limitent pratiquement aux voix-off. Les deux acteurs monopolisent l’écran, quitte à se trouver dans l’obligation de surjouer. Le drame s’allège et devient presque drôle. On a même droit à quelques débordements scatophiles. Nul ne sait où cela va-t-il bien pouvoir mener. Le héros n’a finalement plus trop l'air de se déplaire sur cette île, devenue entre-temps sa nouvelle maison.

Cependant, quelque chose de basique manque terriblement à Monsieur Kim. Et l’envie d’y subvenir le torture de manière irrépressible. Là où cette envie pourrait être comblée de façon tout à fait ordinaire dans un monde civilisé, la chose se complique fortement au beau milieu de nulle part. Cela vire à l’obsession et bientôt Monsieur Kim se lance dans un défi aussi irréalisable que celui de "faire revivre les dinosaures à partir de l’ADN extrait chez les moustiques fossilisés". Mais après tout, vouloir l’irréalisable n’est peut-être pas si risible. L’enjeu pourrait être bien plus crucial qu’il n’y parait. Peut-être est-il question de se prouver à soi-même de quoi on est capable au moment même où l'on se sent bon à rien.


Comme dans Seul au monde, Monsieur Kim éprouve la nécessité du partage social. L'objet prend alors vie par substitution.

D'après moi, ce film frôle la perfection. Le scénario est orchestré d'une main de maître. De plus, La profonde fragilité des personnages est extrêmement touchante. Malgré la bizarrerie de la situation et la caricature des personnages, le réalisateur parvient à nous attacher pieds et poings liés à ces deux grands inadaptés de la vie. Comme quoi, la folie n’est rien d’autre qu’un état normal exacerbé. La fissure révèle ce qui sommeille en nous.

Je crois pouvoir affirmer sans trop m'avancer qu'il s'agit de ma plus belle découverte cinématographique 2013 ! Du Grand Art !

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