J'en avais déjà parlé il y a quelques mois sur un autre secteur mais je
crois qu'il serait bon de vous en reparler plus longuement ici, histoire
que vous ne passiez pas à côté d'une telle merveille.
Hasta la vista est sans aucun doute ma plus belle découverte cinématographique de 2012.
Et je ne suis pas le seul à en dire que du bien. Primé par de nombreux
festivals et extrêmement bien accueilli par la presse et par le public,
le film est distribué par un Claude Lelouch bluffé :
En attendant de faire une master class, je rentre dans une salle de
cinéma au hasard. Une projection débute, je ne sais absolument pas ce
que je vais voir. Jusque là, rien d'extraordinaire. Car quand je prends
place dans mon fauteuil, je suis très loin d'imaginer qu'il va se mettre
à rouler et que je vais être projeté dans le monde de ceux que je
regarde rarement au fond des yeux. Et c'est le contraire qui se produit,
c'est un homme aveugle que je vois me fixer à travers l'écran de mes
préjugés. Prendre un tel pied en découvrant un film auquel je ne
m'attendais pas, mais alors pas du tout, m'était rarement arrivé.
Ce film flamand à petit budget souffre de la comparaison faite avec Intouchables,
sorti pratiquement en même temps. Pour ma part, je vous dirai d'oublier
tous vos a priori. Ce n'est absolument pas comparable. Intouchables
ne fait pas le poids face à ce chef-d’œuvre, et je pèse mes mots. Cette
fois-ci, pas question de plaire au tout public. Le seul objectif de ce
film est d'être vrai et sans superflu, quitte à être cru.
Notez que les flamands ne tolèrent aucune traduction, aussi bien dans un
sens que dans l'autre. Ce sont des partisans absolus de la version
originale sous-titrée. Mais le film n'est pas entièrement en flamand car
il y a une francophone dans l'histoire. Cela sera d'ailleurs sujet à
des plaisanteries sur l'éternel conflit entre wallons et flamands. Mais
inutile d'être belge pour comprendre que même des minorités comme les
handicapés peuvent être xénophobes.
Le sujet abordé est lourd et peut de prime abord rebuter par son côté tabou : le handicap et la frustration sexuelle générée par le handicap.
À l'heure où l'on songe seulement à parler d'une telle problématique /
pendant qu'au Pays-Bas par exemple, on subventionne déjà des programmes
d'assistance sexuelle pour les personnes handicapées / ce film a de quoi
être choquant. Mais ne vous y trompez pas, le sujet est traité avec une
simplicité remarquable. Aucun hermétisme, aucun voyeurisme, les
sentiments éprouvés par les personnages sont tout de suite accessibles.
De plus, l'histoire a beau être dramatique, elle est allégée par un
humour décapant, contrairement à Philadelphia où là on
s’apitoie sur le sort d'un sidéen du début à la fin. Ici, c'est avant
tout une comédie absolument déjantée présentée sous la forme d'un roadtrip avec la profondeur en bonus. Il y a en donc pour tous les goûts. Ainsi, comme le souligne très justement le réalisateur Geoffrey Enthoven, il s'agit d'un roller coaster d'émotion,
d'une véritable montagne russe où l'on passe des rires aux pleurs.
Impossible d'en sortir indemne. Les acteurs n'en sortent pas indemnes
non plus. La difficulté à se déplacer sur une chaise roulante,
l'incompréhension et le regard de pitié des autres sont des réalités
quotidiennes du handicap qu'ils ont pu ressentir durant le tournage
(voir interview sur youtube).
Comme sous-entendu ci-dessus, les acteurs ne sont pas réellement
handicapés, ce qui ne se devine absolument durant le visionnage du film
et démontre par la même occasion leur talent.
L'histoire est celle de trois jeunes garçons puceaux âgés d'une
vingtaine d'années, tous les trois handicapés moteurs : un malvoyant, un
paraplégique et un cancéreux avec une mobilité réduite. Rien ne le
distingue des autres hormis leur handicap. Ce sont des gens normaux avec
des besoins normaux coincés dans un corps qui leur fait défaut. Mais
personne de leur entourage n'est prêt à l'admettre. À l'insu de leurs
parents, les trois jeunes hommes vont donc entreprendre une virée à
destination de l'Espagne et d'El Cielo, un bordel spécialisé. "Je veux du sexe. Je veux baiser"
apparait alors comme le slogan de notre trio de choc. Bien entendu,
tout ne va pas se passer comme prévu. Dès l'élaboration du plan, les
problèmes de taille s'accumulent et cela génère des situations parfois
drôles et parfois bouleversantes. Mais peu importe les problèmes,
l'obstination d'en finir avec la virginité est plus forte que tout. A
l'évidence, il est question ici de bien plus qu'une simple partie de
jambes en l'air. Il s'agit avant tout de se sentir reconnu en tant
qu'être humain avec des besoins charnels de tendresse et de bestialité
ou plus généralement, des besoins d'Amour.
Quant à la bande sonore, elle est irréprochable et prenante, à l'image
de tout le film en définitive. Difficile de vous trouver les morceaux
qui la compose mais il n'y a que du bon. En guise d'introduction, nous
avons droit à un fabuleux son pop rock sur fond de roploplos qui
rebondissent. Ensuite, le ringard Joe Dassin est remis au goût du jour et puis il y a aussi ce morceau de Papermouth qui pourrait faire vaguement penser à quelques chansons soft de Marilyn Manson.
Ne passez pas à côté d'une telle réalisation et de ce véritable
concentré de richesse humaine ! Vous ne le regretterez pas, je m'y
engage !
Enfin et quitte à m'éloigner légèrement du sujet principal, j'aimerai
également vous faire part de ce sketch sur les handicapés de Jérémy Ferrari et Guillaume Bats. C'est un humour noir et corrosif, à l'image du film. Ça ne peut qu'avoir sa place ici.
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