For the first time in my life I can't see my future. Everyday goes by in a haze, but today I have decided will be different
A Single Man s’ouvre avec un générique sombre qui met en scène
le corps d’un homme nu, en train de se noyer, au plus profond des
abysses. La fin de ce générique est entrecoupée par des plans fixes
d’une voiture – victime d’un accident, dans une étendue quasiment
infinie de neige. Ensuite, changement définitif de plan maintenant
centré sur l’homme du générique, habillé, se dirigeant vers le corps
sans vie de l’homme victime de l’accident de la route, ensanglanté,
étendu dans la neige avec son chien. Le sang de l’homme accidenté
souille la neige immaculée, et dans une vision entre l’onirisme et le
fétichisme – par le biais de gros plans, l’homme du générique embrasse
le mort. George s’éveille de son rêve, ému, choqué, déboussolé.
Just get through the goddamn day
A Single Man est un film sur le deuil, comment
celui-ci affecte la vie, et surtout, comment nous décidons de nous en
acquitter et de recommencer à vivre: George, professeur d’université
d’une cinquantaine d’années, ne peut plus vivre depuis le décès
accidentel de son compagnon, Jim, il y a un an, début des années
soixante. Fatigué de vivre, emprisonné dans la répétition journalière
d’actes devenant absurdes et insupportables, George décide un beau jour
de se redonner une chance, un futur. L’action du film se déroule dès
lors sur une journée, cette journée de changement dans la vie de George,
tout en étant entrecoupée de flashbacks relatifs à la vie commune avec
Jim et à l’annonce de son décès accidentel.
(Jim (Matthew Goode) et George (Colin Firth)
Outre son message universel sur le deuil, A Single Man délivre un message sur les valeurs intrinsèques de l’existence
: l’amitié, l’amour, les êtres, la beauté. La plupart du temps, et
particulièrement lorsqu’il est dans sa maison hantée par le souvenir
lointain de Jim, George voit la vie de façon très sombre : tout a perdu
son importance, plus rien n’a d’éclat, d’intérêt, tout n’est qu’une
manifestation floue et absurde. Or, Tom Ford, le
réalisateur du film, fait des choix très intéressants de mise en scène
qui permettent à George de revoir de l’intérêt dans sa vie, par des jeux
de saturation de couleurs : en effet, la plupart du temps, les couleurs
sont désaturées, mais lorsque quelque chose d’inhabituel sort George de
son gouffre – parfois une simple manifestation de beauté comme des
belles personnes – survient, les couleurs se saturent, la lumière
revient, le monde se fait alors éclatant, beau, solaire, chaleureux. Un
monde dans lequel nous pouvons vivre, respirer, effleurer le bonheur.
Mais ces passages de clarté et d’éclat sont minimes face à la morosité
et à la tristesse. Comment retrouver le goût de vivre ? Comment
redonner une chance à la vie ?
Malgré ce sujet très noir, jamais nous ne tombons dans le pathos pur,
dans la surdramatisation. Tom Ford crée des séquences certes remplies
d’émotions, mais toujours avec une grande élégance et
un certain flegme britannique – George est anglais. Là où certains
rajouteraient une couche, Tom Ford embellit, fabrique une narration
poétique, et évite les effusions. L’émotion pure est retrouvée, au lieu
d’une émotion façonnée par des mécanismes cinématographiques trop
apparents. Même la musique composée par Abel Korzeniowski et Shigeru Umebayashi
ne pousse jamais dans les retranchements affectifs : l’utilisation du
violon représente la solitude, la perte de l’élan vital, mais en même
temps, ce même violon symbolise la détermination, la volonté, l’instant
présent si dur à vivre pour George qui ne conçoit qu’au passé le monde.
Même une scène qui aurait pu être vecteur de larmes faciles se passe
avec une délicatesse des plus flagrantes : ayant appris le décès de Jim
par téléphone, George se précipite chez son amie Charley, en quête de
réconfort. Il arrive chez elle, son visage noyé sous les larmes, et dans
des mouvements de désespoir, il finit par étreindre Charley. Toute
cette scène est muette en termes de dialogues : pas un son n’émane de la
bouche hurlante de George, les voix sont occultées, le seul son audible
est celui de la pluie, exaltée, assourdissante pour l’occasion : il pleure dans son cœur comme il pleut sur la ville.
La mise en scène de Tom Ford est très bien pensée :
George est souvent seul dans des plans désaturés qui témoignent
parfaitement de sa lassitude et de son incapacité à revoir la vie avec
ses bons côtés ; lorsqu’il partage un plan avec un autre personnage,
c’est souvent lorsque les couleurs sont saturées, lorsqu’il reprend goût
à la vie, que les choses ne sont plus moroses - à l’exception d’un plan
dans la salle des coffres de la banque où l’employée ferme la porte –
avec des barreaux, sur George. Plan qui symbolise parfaitement
l’enfermement psychique de George dans sa solitude et dans des souvenirs
qui n’appartiennent plus qu’au passé. Pour les plans solitaires, le
meilleur exemple est celui de George face à son auditoire lors de son
cours : seul un plan général le présente avec les étudiants, ce même
plan étant symbolique : George est dans le fond de l’image, loin, et
seul, en bas des marches. Seul dans son malheur, au plus profond de la
douleur. Le reste des plans de cette scène le présente seul, à son
bureau, écoutant à peine les remarques de ses étudiants, prisonnier de
sa lassitude. Et puis, lorsqu’il parle, il reste seul dans le cadre, en
gros plan ou en plan rapproché taille, toujours isolé par rapport au
groupe. Cette scène va dans le sens du titre du film : a single man, un
homme célibataire, un homme seul. Définitivement seul malgré tout ce qui
l’entoure.
Cette mise en scène oscille donc entre la solitude –grisâtre, morose, et
le partage avec autrui dans un monde chaleureux. La seule chose qui
peut encore sauver George, c’est justement ses liens avec les autres, le
fait d’aller de l’avant, dans le partage. Ce monde chaleureux est
souvent représenté aussi par des gros plans –
fétichistes : la fumée qu’exhale la bouche d’un beau garçon après la
première bouffée d’une cigarette, les yeux verts, des corps musclés en
sueur d’étudiants jouant au tennis, la bouche sensuelle d’une étudiante,
les yeux vifs d’un autre étudiant. Le caractère fixe de certains plans
d’objets ou d’espaces participe aussi à la création du monde résolument
solitaire : le plan sur le bureau parfaitement rangé, organisé, le plan
sur le tiroir de l’armoire avec les chemises parfaitement pliées, George
toujours habillé dans le raffinement le plus complet et avec un sens du
détail certain, ces éléments sont tous les apparences d’une vie à la
dérive ; dans l’ordre physique le plus complet règne le plus grand chaos
psychique.
(Charley (Julianne Moore) et George)
A Single Man est porté par l’interprétation époustouflante de Colin Firth
dans le rôle principal : avec simplicité, élégance, le britannique fait
passer énormément d’émotions, et il est impossible de ne pas ressentir
une once de sympathie pour ce personnage esseulé, privé de son grand
amour. Julianne Moore est Charley, l’amie de longue
date de George, une femme en proie à ses névroses qui vit dans des
chimères passées. Dans le rôle du grand absent éternellement dans les
pensées, Matthew Goode excelle : rieur, charmeur, au
sourire dévastateur. Une bouffée d’air frais dans les souvenirs de
George. Enfin, dans un rôle important, Nicholas Hoult, en toute sensibilité, en sauveur d’âmes.
Un des meilleurs films de 2009, au casting impeccablement emmené par Colin Firth au sommet de la transcendance, A Single Man
est entré dans le cercle très fermé des films indispensables. Avec
distinction, les émotions et humeurs de George se confondent, formant
une ode poétique à la vie, à l’important, cet ensemble de petites choses
qui redonnent du goût au morose, qui nous font avancer, jour après
jour, dans la beauté du monde, cette beauté si difficile à capter pour
ceux qui se noient dans leur mélancolie.
I'm just trying to get over an old love I guess
Trailer
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