Je prends aujourd'hui la plume (le clavier serait sans doute plus
correct, mais admettons) pour vous parler d'un petit film indépendant
sorti en 2009.
Prenant pour toile de fond l'éternelle opposition entre rêves et cauchemars, le réalisateur/scénariste/compositeur/producteur Jamin Winans, nous livre avec Ink
un conte moderne intelligemment mis en scène. Son long-métrage qui se
contente d'un petit budget de 250 mille dollars parvient à atteindre son
objectif, puisque malgré une sortie en salle inexistante, il
bénéficiera assez rapidement d'un succès important sur la toile,
notamment via le téléchargement illégal. Selon le réalisateur, cette
exposition inattendue fera quadrupler les ventes et les donations sur le
site web du film. Devenu un véritable phénomène internet Ink parvient à faire le buzz et à s'imposer finalement à l’insu de son plein gré.
Nous pouvons saluer l'excellente qualité visuelle du film en matière
d'effet spéciaux et de photographie, et ce malgré un faible budget pour
un métrage de ce genre. Car Ink lorgne clairement du
côté du cinéma fantastique, entrainant avec lui le spectateur dans une
bataille silencieuses qui oppose chaque nuit les Conteurs et les Incubes.
Si les premiers tentent d'apaiser le sommeil de chacun et de leur
rendre ce moment le plus agréable possible, les seconds eux, exploitent
nos peurs les plus enfouies afin de les faire ressurgir dans nos
cauchemars.
Mais tout ceci est sans compter l'apparition de Ink, une créature
hideuse qui poursuit un desseins tout autre et qui va se retrouver
déchirer entre les uns et les autres.
Afin de donner un peu de matière à son film et de personnaliser tout
ceci, le cinéaste prend le parti d'apporter quelques scènes d'actions
efficaces opposants les deux factions. Loin des fusillades d'Hollywood
(je rappelle que nous sommes dans un conte, tout de même), nous avons le
droit à quelques scènes de combats lorgnant du côté du film d'art
martiaux sans faire de l'excessif ou du spectaculaire. Le sujet du film
n'est en effet pas là, et le réalisateur ne l'a pas oublié.
Bien que le sujet ne soit pas d'une originalité à toute épreuve, et
qu'avec un bon sens minimal on pourra aisément comprendre le film avant
sa fin, il est très facile de se laisser emporter par son histoire et
par ses personnages. A l'instar d'un conte, il suffit de se laisser
transporter, de se laisser conter cette histoire, de laisser la musique
nous transporter avec les images. Selon moi Ink fait
parti de ces films qui sont un peu comme une douce mélodie. On ne
réfléchit pas dessus, et on se contente de se laisser transporter par
les notes qui s'enchainent.
Alors bien sûr, il serra sans doute facile de trouver quelques défauts
par ici ou par là (le rendu visuel par exemple peut surprendre,
l'utilisation de filtres couleurs etc. étant omniprésents, il ne sera
peut-être pas au gout de tous), mais ce qui est important, c'est le
travail de qualité qu'a pu fournir un réalisateur indépendant, avec des
acteurs inconnus, et un budget plus que restreint. C'est le genre de
film qui peut donner une leçon à certaines grosses productions qui
oublient que l'essentiel quand on veut créer une histoire, c'est d'y
mettre une âme.
Et quand on pense qu'au départ aucun studio ne s'est montré intéressé
par le scénario, on est en droit de se demander, au vu du succès
rencontré par le film, qu'est-ce qu'il leur faut ?!
L'indifférence des studios et des distributeurs obligeront Winans et sa
femme (productrice du film) à multiplier les casquettes durant le
tournage ainsi qu'en post-production. Néanmoins, ce dur labeur porte ses
fruits puisque malgré l'absence de distributeurs, le film arrive à se
faire une place dans les festivals locaux, et ainsi, grâce à de bonnes
critiques, à gagner une renommer sur le web, flirtant au niveaux des
téléchargements avec les plus grands films SF de l'année 2009.
Et pour cause, l'histoire, le visuel, le côté dramatique du film ne
manquent pas de toucher. A la fois sombre mais plein d'espoir,
l'histoire est pleine de sensibilité, et rend de ce fait les personnages
attachants.
Au-delà de ça, on pourra certainement voir des petites références aux
certains monuments du cinéma de science-fiction. Le combat entre
Conteurs et Incubes, qui agissent dans notre réalité sans y appartenir
pourtant pourra rappeler Matrix, où le fait que tout ceci se passe
durant la nuit, pendant que les gens dorment ne manquera pas de faire
penser au chef d’œuvre de Proyas Dark City
Pourtant le film ne se contente pas de s’inspirer de ces prédécesseurs.
Il développe son propre univers qui alterne entre différentes réalités,
le passé, le présent et parvient même à y mêler le futur, permettant au
conte de s'encrer irrémédiablement dans la réalité, sans oublier la
magie propre à ce genre de récits.
Certaines scènes sont tous simplement bluffantes et l'une d'elle nous
offre une réaction en chaine à la fois surprenante mais parfaitement
maîtrisée.
Encore une fois la musique colle parfaitement à l'histoire, légère, douce, elle donne un aspect assez aérien au long-métrage.
En conclusion, Ink fait parti de ces films qui montrent
que le 7ème Art, ce n'est pas qu'une question d'argent, de budget ou de
têtes d'affiche. Un film intelligent, parfaitement réalisé, une
histoire qui transporte et qui touche, et au final, un bon moment. Tout
simplement.
Trailer
Scène de la réaction en chaine /!\ petit spoil!
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