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lundi 21 novembre 2011

Eraserhead, David Lynch (1977) by Wayne

Eraserhead.
Rien que l'évocation de ce titre de film provoque chez certains une urticaire spontanée et chez d'autres des déclarations amoureuses ; et il en faut, des débats passionnés pour extraire la substance de ce premier long métrage indépendant devenu culte. David Lynch nous a-t-il livré le meilleur film de tous les temps ou s'est-il vastement foutu de la gueule du spectateur ?



Alors, de quoi en retourne-t-il ? Pourquoi tant de battage ? Premièrement, Eraserhead est une œuvre qui a mis longtemps avant d'avoir pu voir le jour en 1977. En effet, au départ c'était un court métrage nommé GardenBack, traitant de l'adultère, rien à voir. David Lynch faisait ce court métrage grâce à quelques bourses obtenues grâce à ses courts métrages précédent, et finalement il remplace le scénario original par celui de Eraserhead et commence à le tourner. Seulement, lorsqu'il présente une des scènes à l'American Film Institute, qui l'aidait au financement, ceux ci se retirent totalement. Lynch se retrouve donc sans aucune aide, et va devoir compter sur les apports financiers de ses collaborateurs et de sa famille pour mener à bien son film... et ça va durer plus de cinq années. Deuxièmement, on peut dire que les mecs ont su faire une promo vraiment astucieuse : le film étant diffusé en seconde partie de soirée dans deux cinémas New Yorkais (à l'affiche pendant 4 ans en Midnight Movie quand même), les spectateurs sortants de la salle se voyait offrir un petit badge « Eraserhead, i saw it ! », qui pouvait ensuite titiller la curiosité de tous les gens qui le voyaient.
Le film en lui même associé à son histoire, et sa rareté en salle, la coupe de cheveux de Jack Nance, tout ça a contribué à faire de Eraserhead un film culte.

Mais alors, de quoi ça parle ? L'histoire en elle même est assez simple.
Henry (interprété par Jack Nance) est un imprimeur un peu attardé (voire autiste vu sa difficulté à communiquer) confronté à la morosité de son quotidien. Une existence pathétique et morne qui ne l'épargne pas des coups durs, puisqu'il apprend bientôt que Mary (Charlotte Stewart), cette sainte nitouche ultra émotive qu'il n'a pas vu depuis des semaines, a accouché de son fils. Une malédiction pour lui, qui voudrait déjà vivre sa propre vie... Pourtant la mère de Mary insiste pour qu'Henry prenne ses responsabilité et épouse Mary. En fait, son seul échappatoire, c'est le rêve.

Bon, ça a l'air simple comme ça, mais faut pas oublier que c'est le premier long métrage de Lynch, et donc il s'est lâché dessus. Il ne va pas te dire directement quand est ce que vient la réalité, quand est ce qu’apparaît le rêve. Pas du tout même. Les deux se mélangent.
Henry est tellement accablé par son existence qu'il rêve aussi bien éveillé qu'endormi, ce qui fait qu'on peut assister à des scènes totalement surréalistes et purement métaphoriques. Si Lynch avait voulu faire passer le message « il s'est précipité dans la gueule du loup », il aurait tourné une scène où le personnage cours dans la gueule d'un loup géant. C'est un peu comme ça qu'il faut le voir.
Ainsi, la scène du dîner, quand le père de Mary demande à Henry de couper un poulet histoire de dire « tiens, montre nous que tu as les choses en main, montre nous que tu es de la famille », il voit la carcasse de poulet essayer de remuer ses ailes déplumées, puis en train de saigner... ce qui effraie Henry qui se rend compte que c'est ce qui va lui arriver s'il accepte d'entrer dans la famille : il se retrouvera coincé, il ne pourra pas « s'envoler » et en attendant sa mort. Reste à savoir si c'est ce qu'il s'imagine...
La seule scène a aborder le rêve de façon explicite est celle qui donnera le nom au film. Scène contenant à peu près tous les clichés de Lynch, déroutante, extraordinaire et passionnante.



Tout est donc centré sur Henry. Certains diront qu'il y a trois personnages primordiaux en plus de lui... Je pense qu'on peut réduire au moins deux de ces personnages à Henry lui même et sa coupe de cheveux aussi extravagante que le film. Ces deux personnages liés à Henry sont le bébé d'Henry (qui ressemble a une salamandre mutante indescriptible), et l’énigmatique femme du radiateur... Le troisième personnage est la femme fantasme de l'autre côté du palier.
Ha oui, là ça devient un peu plus spécial, je vous l'accorde ! Je vous laisserai trouver quels rôles ont ces personnages pour Henry...
Cependant, si on regarde de plus prêt la filmographie de Lynch, on décèle quelques thèmes qui reviennent souvent et qui donnent un indice quant à l'interprétation des rôles de ces personnages : le double (parfaitement identifiable dans Lost Highway et Mulholland Drive par exemple), et le personnage prisonnier de sa condition qui ne peut en sortir que par sacrifice.

L'image en noir et blanc complète parfaitement le propos et va de pair avec la musique qui joue un rôle important en complément des images. Elle accentue l’atmosphère froide et industrielle de la vie d'Henry, comme si elle donnait plus d'importance aux décors qu'aux personnages eux même ; ce qui est très intéressant, puisqu'on a l'impression dans le film que Lynch a voulu montrer à quel point la vie d'Henry et des personnes qui l'entourent est sans intérêt, et par conséquent, effrayante.
Le seul morceau qui diffère de ça est la chanson de la femme du radiateur (radiateur ? Froid ? Chaud ? Coïncidence?), entêtante et...énervante (totalement subjectif). Sorte de comptine très explicite sur l'interprétation que l'on peut faire de la fin du film.



Il est clair que ce film est très intéressant dans le fond et même la forme. Cependant, il est vraiment extrêmement difficile d'y entrer. J'ai moi même eu énormément de mal, je me suis quasi forcé à le regarder, motivé et animé seulement par la question « où est ce que ça mène »... Peut être que si j'avais lu mon article avant de voir le film, j'y aurais eu plus d’intérêt dès le début (retour vers le futur). Mais là, même en ayant vu et apprécié la plupart de ses films, ce fut dur. Et pourtant j'ai quand même pu pondre cet article plutôt mélioratif. Improbable.
C'est en fait peut être cela, l'effet d'un film culte.

En tout cas maintenant, si vous voulez le voir, vous êtes prévenus !

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