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lundi 21 novembre 2011

La Piel que Habito by Harmoniak

Salut à tous, citoyens de CIN ! Aujourd’hui je sors de mes terrains connus, puisque je ne vais pas vous parler du dernier blockbuster, mais d’un film qu’on appellera « d’auteur », qu’on aime ou pas Almodovar. Il s’agit de La Piel que Habito.



D’abord, il est essentiel que je précise que le synopsis consciencieusement colporté par la presse pour la sortie du film est absolument erroné. La Piel que Habito ne développe pas « La quête d’un chirurgien esthétique d’une nouvelle peau qui aurait pu sauver sa femme, victime d’un incendie ». Le film d’Almodovar parle bien de ce détail mais le fait en l’intriquant avec les événements réellement constitutifs de son histoire. Histoire qu’il serait tout simplement ridicule de synopsiser (oui, synopsiser, absolument), parce que le film se découvre avec magie. Toutefois, c’est un très léger aperçu du film que je vais tenter de présenter pour que les plus réticents d’entre vous se laissent, peut être, tenter.

Antonio Banderas, qui signe ici une nouvelle collaboration avec le réalisateur espagnol après une période d’absence, incarne un chirurgien esthétique, Robert Ledgard pour qui « Le visage définit l’homme ». C’est avec cette réplique qu’il s’adresse à l’assemblée de scientifiques à qui il confie son dernier projet. Le film se poursuit alors en dévoilant les sombres aspérités de ce personnage : un passé trouble, une femme mystérieuse qui habite chez lui, recluse, un personnel de maison au passé aussi flou que le sien… Almodovar brode cette histoire avec finesse. Mais aussi avec cruauté.

Car, qu’on se le dise, La Piel que Habito a été conçu comme « un film d’horreur sans cris ». Peu de détails sont épargnés à la vue du spectateur. Le film est à voir en version originale pour la crudité du ton de plusieurs interventions, et aussi pour l’émotion que chaque protagoniste transmet en faisant face à une situation souvent terrifiante. Le film s’étale dans une violence sourde, parfois muette, mais adopte un ton plus caricatural que purement gore. Le sadisme côtoie un humour noir qui n’est oublié ni dans le ton ou les couleurs, ni dans la mise en scène. Le film représente d’ailleurs pour Almodovar un grand aboutissement. Certains plans sont d’une puissance que j’ai trouvé (soyons un peu subjectif), phénoménale.



Et ce qui plait aussi dans ce film, c'est la relation artistique recherchée du réalisateur avec ce qu’il filme. Ce qui m’a frappé par exemple, est le côté très plastique des plans ciblés sur le tissu. Ce n’est pas qu’une question de visuel. Il y a le mouvement des mains qui manipulent les étoffes, ou les sons de déchirement qui se font entendre par moments. Je pense particulièrement a un plan assez long dans lequel une robe est éparpillée au sol et que… par l’action d’un certains personnage, ces morceaux de tissus s’animent, disparaissent, comme si l’air du temps était happé avec panache (grandes phrases, wesh). Autre exemple, la relation du metteur en scène avec la manipulation manuelle de plusieurs objets. En chirurgie d’abord, avec les opérations que pratique Robert (à prononcer avec l’accent Castillan, bien sûr !), mais aussi dans toutes les petites transitions qui ponctuent le film. C’est si minutieux que le trivial en devient beau !

Le film est aussi nourri et se repait de références artistiques importantes. L’œuvre de Louise Bourgeois est par exemple largement employée à plusieurs reprises. Côté lumière, Almodovar signe aussi une partition de couleurs impressionnante. Pas une teinte qui ne sonne faux. Des plans hospitaliers qui subjuguent, rien n’est laissé au hasard, et le film devient une sorte de toile de maître au détour de chaque travelling. Almodovar allie aussi à sa fresque un assortiment de costumes choisis. Ici, un Homme-Tigre de cirque côtoie une femme sublime en combinaison de tissu rose peau.

Bien entendu, aucune prestation d’acteur n’est à mettre de côté. À commencer bien sûr par Antonio Banderas, qui fait preuve d’un diabolisme fou mais retenu tout en finesse. Quant à Elena Anaya, qui incarne la mystérieuse femme qui habite avec Ledgard, elle joue avec son physique sublime et sa grâce de danseuse pour tisser son rôle avec mérite. Complexes et jamais unidimensionnels, les personnages sont écrits et contribuent ainsi largement à la richesse du film.

Quant au scénario, il est à la fois épatant de machiavélisme, et épouvantablement inhumain. L’histoire captive par ses twists mêlés de moments de grâce ou d’intense émotion (de l’horreur, souvent, et le film en devient presque inquisiteur et malmène le spectateur à ce niveau là). Mais lorsque l’issue s’amorce, on comprend qu’il est question de thèmes plus complexes que ceux envisagés : la quête d’identité, de rédemption, de vengeance, au premier abord. Mais pourquoi pas d’inceste ou de liberté d’Être ? On ira glaner le sens où il se trouve, une deuxième lecture étant fortement recommandée pour comprendre les retors du film.



Mais c’est avec un regard peut être critique que j’avancerai que le film a sans doute des aspects rebutants. D’abord, sa façon d’aborder l’horreur qu’il comporte. Avis aux âmes sensibles amateurs de papillons, La Piel que Habito s’adresse à ceux qui peuvent faire face à des peurs charnelles plus qu’à des images réellement choquantes. En fait, le plus marquant du film sont les idées qu’il inspire. Encore qu’ayant l’Espagnol pour langue maternelle, j’ai aussi retenu plusieurs répliques et le ton sur lesquelles elles sont alors prononcées.
Ensuite, il est à admettre que le film aborde des thématiques complexes qu’on ne peut aborder dans l’optique d’aller voir un simple film de « détente ». C’est en se plongeant pleinement en lui qu’on en découvre toutes les subtilités.

Enfin, et même si pour le coup cela me semble capilotracté, je sais que certaines personnes pourront se détacher (et non pas se désintéresser) du film pour deux principales raisons : d’abord sa lenteur dans certains passages, qui est utilisée comme un moyen de sublimer les moments de grâce artistique, mais qui mal interprétée, peut céder chez des esprits parfois moins sensibles à l’écriture d’Almodovar, la place à un ennui certains. Enfin, mais c’est encore plus rare, il est possible qu’une faiblesse du film mal considérée soit son côté « On y va jusqu’au bout du bout » dans les scènes éprouvantes. Je pense surtout à un plan ou il est question de dilatation. Ce n’est pas vraiment ce que vous croyez si vous n’avez pas vu le film. Vous savez de quoi je parle sinon.

La Piel que Habito est un film que j’ai aimé pour sa complexité à la fois scénaristique dans les thèmes qu’il aborde avec subtilité, et graphique dans son sens du beau, de l’horreur sublime, crue et remâchée pour un effet de malaise efficace. Un film à retenir, et surtout à voir et à revoir.

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