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lundi 26 mars 2012

Gangs of New York by Hablast

Avec Gangs of New York, Martin Scorsese nous signe son 21ème long-métrage et vous montre comment l’Amérique est née dans la rue.



Histoire
L’histoire retrace la vengeance et la montée d’Amsterdam (Di Caprio) au sein de New York du milieu du 19ème siècle. Ayant vu de ses propres yeux le meurtre de son père, celui-ci reviendra 16 ans plus tard, après avoir vécu dans une maison de redressement, pour accomplir son obsession qu’il traîne depuis tout ce temps. Mais il devra avant cela se faire un nom et gagner la confiance du meurtrier de son père, ce dernier n’étant nul autre que la personne la plus influente de la ville.
Nous avons donc affaire à une trame digne des plus grands films de Scorsese reprenant la recette la plus classique du film dramatique, celle de la vengeance et de l’ascension épique d'un jeune homme au beau milieu d’une fresque historique marquant un tournant majeur dans l’influence newyorkaise. Ajouté à cela un héros inspiré d’une parole de Bruce Springsteen "attendre un sauveur qui se dresse, venu de la rue".

Casting

Côté casting, Gangs of New York dispose d’une équipe qui a fait en sorte que le film obtienne 11 nominations aux Oscars (mais n’a obtenu aucun prix). Elle est constituée de grands noms du cinéma hollywoodien avec les acteurs Leonardo Di Caprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz, Liam Neeson, Brendan Gleeson, John C.Reilly, Howard Shore à la composition, Jay Cocks au scénario, Michael Ballhaus à la photographie sans oublier la talentueuse Sandy Powell en tant que chef costumière ainsi que l’excellent Dante Ferreti en chef décorateur. Tout cela bien entendu sous la direction de Martin Scorsese.

Analogie du scénario avec les pôles argumentifs de la rhétorique

Pour commencer l’analyse du film, le mieux serait d’éclaircir en quoi ce scénario classique qui s’inscrit dans une veine pleine d’accents homériques, œdipiens et shakespeariens tout en conjuguant le récit d’une vengeance filiale et celui d’une histoire d’amour parvient à tirer une grande originalité ? L’important n’est pas de trouver un scénario innovateur dans sa conception (ce qui devient de plus en plus difficile dans ce genre de superproductions, bien que …), mais d’y rassembler un nombre d’archétypes et de règles qui rendent les personnages attachants, les situations affectives et une exposition des faits raisonnables et réalistes. Plus clairement, réunir dans le scénario un caractère équilibré entre l'Ethos (confiance qu’on attribue aux orateurs) le Pathos (émotions que les scènes nous procurent) et le Logos (la rationalité, le discours de sens).

Ce vieux procédé rhétorique trouve également son sens dans le scénario du septième-art et la bonne combinaison de ses trois pôles argumentatifs donne systématiquement un résultat convainquant.

Analyse (les lignes qui suivent peuvent faire l’objet de divers spoilers)

La construction des personnages et leurs interrelations apparaissent dans Gangs of New York comme extrêmement complexes et riche. Avec 22 000 figurants et 100 rôles parlés, il serait difficile de tout développer. Contentons-nous simplement d’analyser la relation entre les 3 acteurs principaux qui représentent le centre névralgique de l’histoire.

Triangle amoureux

Au départ, Bill le Boucher (Day-Lewis) et Jenny (Diaz) sont stables dans leur caractère. C’est la venue d’Amsterdam (Di Caprio) qui va faire changer leur comportement. Ensuite, quand le couple Di Caprio/Day-Lewis se sera formé et devenu interdépendant, c’est Jenny qui va jouer le rôle de la balance venant déséquilibrer le duo déjà très fulminant, ceci dû au fait qu’il est pourvu d’antagonismes et de ressemblances.

Relation Bill/Amsterdam

Amsterdam devra s’accaparer la confiance de Bill pour pouvoir accomplir son vœux de vengeance plus facilement. Cependant, il n’attendra pas à ce que son cœur en décide autrement. Petit à petit que leur relation se construit, Amsterdam commence à éprouver une admiration croissante envers Bill. Sa fascination ne cesse d’augmenter tout au long du film. Au départ réticent, il en viendra à porter un toast pour le meurtrier de son père. Plus loin encore, il le considérera comme un père de substitution en acceptant un certain enseignement de l’art de manier le couteau et plus globalement de se battre. Ceci étant un point essentiel qui constitue l’objet de sa vengeance. Amsterdam sera tellement dérouté dans le film qu’il faillira même à son amour propre en acceptant, malgré sa conviction, de coucher avec Jenny croyant alors qu’elle avait couché avec Bill.

Direction artistique

Au niveau du jeu d’acteur, la manière de travailler s’avère très différente entre Léonardo Di Caprio et Daniel Day Lewis.

Di Caprio est enthousiaste à propos de son rôle, il le connaît, et le maîtrise. Il est, en fait, la meilleure personne pour en parler et l’analyser. (On peut d’ailleurs voir dans les bonus du DVD, à quel point il semble connaître le contexte historique du film et l’intériorité de son personnage).

Daniel Day-Lewis à une manière totalement différente de travailler son personnage. Contrairement à Di Caprio, il ne connaît pas son rôle, il est son rôle. Et cela à un point où Scorsese en viendra même à dire lors d’une interview « Il s’était tellement imprégné dans son rôle que son interprétation en était devenue inconsciente ».

Cette manière très différente de travailler entre deux acteurs principaux a souvent donné un bon rendu. A vous de juger. De plus Scorsese est un de ses réalisateurs comme John Huston, Clint Eastwood etc. qui laissent le travail d’acteurs aux acteurs, c’est-à-dire qu’il n’est pas là pour leur dire si leur interprétation est bonne ou mauvaise. Ce n’est pas son rôle et respecte cela en ne se hiérarchisant pas par rapport aux comédiens. Sa seule tâche est de les diriger sur la bonne voie.

Costumes et décors

Les costumes et les décors dans Gangs of New York sont des éléments essentiels qui constituent la majorité de l’atmosphère du film. Le combat entre les natifs et les immigrés à l’époque restent une période assez nébuleuse de l’histoire (1840-1860). Les émeutes anti-circonscriptionnelles ne sont pas glorieuses et on a beaucoup évité d’en parler dans les livres d’histoires. C’est pourquoi les costumes, principalement des pauvres, et les décors ont représenté un grand travail dans l’élaboration du film.

Pour ceux qui s’en souviennent, ou ont tout simplement remarqué en voyant le film, la conception des costumes n’a pas paru unanime chez tout le monde. Une critique majeure disait que leur constitution semblait un peu trop superficielle, propre et scintillant comparé au décor plus sale et plus réaliste. Cette critique est d’ailleurs entièrement légitime, car elle est tout simplement vraie. En fait Sandy Powell, la chef costumière, nous dit dans les bonus du DVD que cet effet est voulu. En se basant sur de vrais costumes d’époque, elle a tenu à leur donner un style et à les adapter selon son sentiment. Et Martin Scorsese appuie ce choix en développant ce « côté imaginaire ». Il est donc légitime d’y apporter cette critique, mais c’est toujours mieux de la faire en connaissance de cause.

Pour ce qui en est des décors, le tournage s’est déroulé à Rome au Cinecitta Studio. Dante Ferreti a pu se baser sur des photographies et des daguerréotypes de l’époque. Martin Scorsese lui a également donné 5 livres remplis de documentation de l’époque. C’est sur ces 5 bibles de décorateurs que Ferreti a pu esquisser ses croquis et constituer la base de son travail. Il a ensuite construit une maquette qui se tenait sur une table de conférence, l’a proposée à Scorsese et l’a ensuite créée grandeur nature après l’accord du réalisateur. Scorsese nous confie dans les bonus qu’on ne verra probablement plus un décor de cette taille (quoique ?). La taille du plateau constituait tout de même la taille réelle d’un quartier sud de Manhattan. Le décor a été construit en, à peine, 5 mois.

Thèmes chers à Scorsese

Dans beaucoup des films de Scorsese on retrouve des thèmes assez récurrents. Voici, pour les fans d’analogie, quelques-uns plus ou moins frappants : Les Irlandais, l’ascension d’un inconnu dans un milieu et une époque phare, la guerre des gangs, la religion (à savoir que Scorsese voulait être prêtre avant de devenir réalisateur), les combats de boxes etc. Mais le thème le plus chère à Martin Scorsese est sans doute la ville de New York. Dans une grande partie de ses films New York apparaît comme un personnage à part entière. On la voit dans Mean Streets, Taxi Driver, Raging Bull, Age of Innocence, New York, New York, Les Affranchis etc. Gangs of New York pourrait constituer une sorte de prologue aux films du cinéaste.

Anecdotes
- C’est le père de Di Caprio qui lui a conseillé de changer d’agence pour figurer dans celle de Scorsese afin de lui demander s’il pouvait tenir le rôle d’Amsterdam. En effet, son père savait que Scorsese avait les droits d’adaptation depuis 30 ans. Il était persuadé que c’était un rôle pour son fils.
- Dans les bonus du DVD, l’intervieweur demande à Daniel Day-Lewis : Comment avez-vous préparé votre rôle ? Et Monsieur Day-Lewis répond : Je ne sais pas, j’ai mangé de la viande et j’ai écouté Eminem (dit sur le ton de l’humour, bien entendu).
- Le tournage a duré 8 mois.
- 850 000 d’objets d’époques ont été utilisés pour le film. Après le tournage, on les a entreposés dans une des deux tours du World Trade Center. Ces derniers n’ont pas été épargnés par les attentats. Seulement 18 de ceux-ci ont été retrouvés.


Cordialement, Hablast.

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