Nous sommes le 23 mai au soir. La cérémonie de clôture du 63e Festival de Cannes bat son plein. Le jury s'apprête à décerner la Palme d'Or du court-métrage. Je suis assis face à l'immense scène avec quelques amis. A une dizaine de rangs devant moi, je peux apercevoir des stars comme Mélanie Laurent, qui est bien plus belle en vrai, Dujardin et Russell Crowe discuter entre eux. Le jury avance, un peu de blabla et l'enveloppe. Ouverture. Le nom... le mien. Un rêve ? Je n'y crois pas. Je reste assis, les projecteurs sont sur moi, les gens se lèvent. La Palme d'Or du meilleur court-métrage est attribuée à ... ... pour son film Mes Dernières Heures.
Une ville, la nuit. L'histoire d'un homme qui marche dans une avenue sans comprendre pourquoi il se retrouve à faire cela. Il se fait renverser devant tout le monde mais personne ne se précipite vers lui. Personne n'a remarqué en fait. Lui agonise. Un plan serré sur son corps encore difficilement en vie et l'image recule. Il s'évapore au fur et à mesure que l'image s'éloigne. En fait, il est mort il y a déjà 3 heures. C'est un fantôme mais il ne le savait pas encore. Il se croyait encore vivant.
Je monte sur la scène. Toujours sous le choc. On me remet le prix. Tim Burton se lève et me rejoint. Je suis sur le point de tomber dans les pommes. C'est quand même mon réalisateur fétiche. Il me félicite et m'invite à parler dans sa loge après la clôture du festival. Les photographes prennent leurs photos, je souris comme un gamin de 8 ans, je suis heureux. Mais ce qui arrivera après est bien plus grand.
Je suis dans sa loge. Il me félicite encore. « Tu as du talent petit. Vraiment. J'ai adoré ton film. Veux-tu aller beaucoup plus loin dans le cinéma ? » Je répond évidemment que oui mais ma formation en cinéma est assez limité. J'ai juste pensé, filmé et dirigé. « Tu as vraiment du talent, je peux t'aider si tu le souhaites. » Moi : « Vraiment ? », Tim : « Envoie-moi ton prochain scénario, ton budget, les acteurs qui te ferais plaisir et je verrais ce que je peux faire. »
De souvenir, ça s'est passé comme ça, mais c'était bien plus long en vrai. Je lui ai posé beaucoup de questions et pas mal sur ses films, il ne s'arrêtait plus. J'étais l'homme le plus heureux du monde.
6 mois plus tard. J'avais un scénario de 2h. Ma Palme d'Or en version longue avec un budget inconnu mais qui serait sûrement plus conséquent que mon court-métrage. Quelques rajouts. Au final, l'histoire d'un père divorcé qui traverse les États-Unis pour retrouver sa femme et sa fille qu'il n'a pas revues depuis 8 ans. Une sorte de road-movie avec un Johnny Depp solitaire au volant d'une Cadillac. Légèrement camé sur les bords, normal il vient de sortir de prison. Il se retrouvera entre rejoindre sa femme et sa fille au plus vite ou bien prendre du bon temps entre l'alcool et la drogue comme il avait l'habitude par le passé. Deux choix à faire. Il prendra le mauvais. Il aura un accident avant de les avoir revues. Il marchera avant de s'évaporer dans le ciel. J'ai tenté sur les acteurs. Johnny Depp, Kate Beckinsale et Chloe Moretz, dans le rôle de la gosse, qui m'avait épaté dans Kick Ass. Tim Burton valide le projet. Il est curieux, moi aussi, il me donne une équipe et 20 000 000 $. Johnny Depp après avoir découvert mon court-métrage lors d'une soirée avec Tim Burton donne son accord. Tout comme la jeune Chloe Moretz. Il était difficile d'avoir Kate Beckinsale mais son emploi du temps se déchargea comme par hasard lorsqu'elle apprit que Johnny Depp serait présent.
9 mois de tournage. Commencement du tournage en février 2011. Une production Tim Burton. Un réalisateur inconnu. Deux stars et une future star. Que rêver de mieux ? Le produit était parfait pour Tim. Johnny avait aimé l'ambiance et tourné sous ma direction. Je lui avais laissé carte blanche dans son interprétation. J'avais confiance en lui et il a été parfait.
Le film suscita la curiosité des fans de Tim Burton. Après 1 mois et demi de diffusion aux USA et celles en Europe et Asie, il rapporta 150 000 000 $. Y a pas à dire, s'appeler Tim Burton ça rapporte. En même temps quand je vois son talent et sa générosité, il ne peut être qu'apprécié de tous.
Ma réputation a grimpé en flèche. J'avais de l'argent, je pouvais avoir ce que je voulais. Une belle maison et pleins d'autres choses. Je découvrais le monde du cinéma. Bien loin du cinéma français certes mais j'étais vraiment là où je rêvais le plus d'être. Je vivais la vie que j'avais toujours rêvée d'avoir. Une vie de cinéma.
Un soir, Je suis sorti du cinéma avec ma fiancée. Je ne voulais pas de chauffeur, ni de garde du corps. Les gens m'ont reconnu. Des sourires, des photos. Arrivés à un feu, on traverse. Une voiture, un fou furieux passe au même moment, je pousse ma fiancée mais moi...
moi...
Je me retrouve dans les secondes qui suivent l'accident à l'autre bout de la rue. Je vois au loin des gens se regrouper, d'autres crier. Les urgences me dépassent et moi je cours vers cette foule en me demandant ce qui se passe.
Je cours, je cours... et je m'évapore.
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