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vendredi 8 octobre 2010

Le Quatrième Homme de Paul Verhoeven (1983) by Wayne

Bonjour à tous !

Tout d'abord, je préviens tout le monde : dans cet article, il y aura beaucoup de spoil. Je ne raconterai pas la fin mais plusieurs scènes seront décrites, et donc ceux qui n'ont pas vu le film... tant pis pour eux parce que je ne peux pas parler du Quatrieme Homme sans faire de spoil !



Avant d'exploser l'industrie du film Holywoodien avec des films tels que Starship Troopers, Robocop, Total Recall, Basic Instinct, Black Book, Hollow Man ou encore Flesh+Blood, le film avec lequel il entre sur le sol Américain en 1985, Verhoeven s'était fait une jolie réputation en Europe et dans son pays natal, la Hollande. En effet, là bas il a choqué et provoqué pas mal de monde avec des films comme Spetters, ancrés dans un réalisme déroutant et violent. D'ailleurs, bien qu'il abandonne le réalisme brut avec Le Quatrième Homme, ses thèmes fétiches resteront dans chacune de ses œuvres : Éros&Thanatos au service du sexe et de la violence. D'ailleurs on peut aussi voir dans pratiquement tout ses films une métaphore (ou parfois une image) de la castration masculine.

C'est donc en 1983 que Verhoeven signe son dernier film en Hollande : Le Quatrième Homme (De Vierde Man en original). Celui ci quitte le réalisme pur et dur des précédents films et prend un virage plus fantastique, rempli de symbolisme et de mysticisme qui m'ont véritablement scotché la première fois que je l'ai vu.
Le "Hollandais Violent" comme on le surnomme met ici en scène deux personnages principaux, plus un qui sème le trouble.

Gerard Reve (joué par Jeroen Krabbé) est un écrivain désabusé et alcoolique, obsédé par la mort et souvent confronté au syndrome de la page blanche. Son obession pour la mort est explicite dès les premières scènes du film, Gerard disant même : "Quand je pense à la mort je ne dors pas, et quand je ne dors pas je pense à la mort". L'écrivain est aussi très ambigüe au niveau de ses préférences sexuelles : il rencontre Christine (Renée Soutendijk) à une de ses conférences, et accepte de passer la nuit chez elle, ce qui donnera lieu à un coup d'un soir pour Gerard. Cependant, celui ci découvre en fouillant un peu la maison de son hôte la photo de ce bel homme sexy (je suppose héhé) qu'il avait vu sur le quai de la gare et sur lequel il avait flashé... Et quand il su que Christine entretenait une liaison avec cet homme, Gerard décida de prolonger son séjour chez elle, et va découvrir qu'il sera peut être le quatrième homme.

Résumé comme ça, c'est peut paraître un peu mystérieux, et en plus on ne sait pas ce que c'est d'être le quatrième homme ! Mais j'ai fait mon possible pour ne pas spoiler dans un petit sysnopsis, il faudra me pardonner. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, je continue en dessous avec plein de spoil.

Le générique tient un rôle important dans ce film : il présente une araignée en train de tisser lentement et avec amour sa toile sur un crucifix, puis on voit un petit insecte se faire pieger par cette toile, et l'avancée inexorable et calme de l'araignée vers sa proie pour ensuite LA DEVORER TOUTE CRUE ! Métaphore qui nous mettra sur la voie pour comprendre le film, ou plutôt son contexte. En effet, le film est très complexe et vogue du thriller Hitcockien avec la figure pas dissimulée de la veuve noire tuant ses maris les uns après les autres, à un style plus fantastique voire surréaliste à la Bunuel (en témoigne la fameuse scène de l'oeil à travers la serrure, hommage direct au Chien Andalou). Ce surréalisme est peuplé d'images des fantasmes de Gerard dans lesquels il se laisse embarquer, au point que l'on peut se demander si l'action se passe dans l'imaginaire de l'écrivain ou dans la réalité.



Après tout c'est vrai : nous ne voyons jamais écrire Gerard. C'est comme si l'écrivain, tellement désabusé et démotivé par ses pages blanches, se laissaient entrainer dans les tréfonds de son imagination basée sur des faits réels, et ainsi mène une enquête pour savoir qui est réellement Christine à travers des chemins fantasmés dans lesquels il perd peu à peu le contrôle à l'inverse des histoires qu'il écrit. Les scènes sont donc affublées de symboles psychanalytiques comme les clés, la couleur rouge omniprésente etc. Certains ici s'y connaissent plus que moi dans ce domaine, je leur laisse donc le loisir de nous expliquer tout cela !

Ce qui est intéressant dans ce film n'est pas uniquement son histoire. Le Quatrième Homme soulève aussi pas mal d'interrogation sur le processus de création artistique lui même. A la recherche de l'inspiration ultime, Gerard se perd dans son imaginaire et a beaucoup de mal à distinguer le faux du vrai, la réalité de ses fantasmes. C'est un aspect qui rapprochera le film de Verhoeven à l'excellente oeuvre de Burroughs : The Naked Lunch (dont Cronenberg signera une adaptation absolument magnifique). En effet Burroughs dit dans son livre que le processus de création artistique demande au créateur d'abandonner toute pensée censée et rationnelle, ce qui rapprochera sans aucun doute le héro du Festin Nu avec Gerard.Cependant au contraire de The Naked Lunch, Le Quatrième Homme préfère ramener le spectateur vers quelque chose de plus réaliste et cartésien vers la fin :

[MEGA SPOIL]

En effet, et si Christine était seulement une assassin, et donc que Gerard n'est pas un grand paranoïaque alcoolique sujet à des visions? En tout cas, Verhoeven joue beaucoup avec ça, et on le ressent bien, quand à la fin on voit partir Christine avec un autre homme... qui pourrait bien être son cinquième !?

[FIN DU MEGA SPOIL]

D'ailleurs, là j'ai envie de revenir sur les fameuses scènes oniriques diablement efficaces et troublantes, en témoigne celle de l'élise par exemple. Gerard n'est pas vraiment sûr de sa sexualité malgré toutes ses liaisons et celle avec la figure même de la femme fatale : Christine. Gerard est en effet très attiré par son autre mec, qu'il a vu en photo en maillot de bain rouge moulant... Et bien Gerard idéalisera cet homme à la place du Christ sur sa croix dans une église, allant même jusqu'à caresser ses parties génitales, devant une vieille mamie qui parait toute choquer qu'on puisse aimer autant le Christ (qui est pour Gerard le jeune éphèbe). Il n'hésitera pas non plus à jouer les voyeur dans une scène très forte quand le jeune homme reviendra voir Christine pour prendre son pied au lit.
Je vous parlais aussi de l'image de la castration, et de la femme fatale : cette fois ci ce n'est même pas imagé, Gerard rêve tout simplement de Christine lui coupant les parties avec une grosse paire de ciseaux.



Encore une fois, c'est un film qui joue aussi bien sur son histoire que sur son aspect visuel, vraiment éblouissant et très travaillé, rempli de symbolisme. La photographie est signée Jan de Bont, qui réalisera plus tard Speed (comme quoi...). Le montage est lui aussi proche de la perfection. L'humour noir est assez présent, bien que véritablement dominé par les images oniriques, érotiques et violentes ; ce qui en fait une oeuvre vraiment complète qui ouvrira à Verhoeven les portes pour percer aux USA, bien qu'étant extrêmement provocateur et blasphématoire !
On peut bien sûr remarquer que Basic Instinct, qui sortira plus tard avec la sublime Sharon Stone (à l'époque), piochera énormément dans le concept du Quatrième Homme, oeuvre majeure dans la filmographie de Paul Verhoeven.

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