Le Sens de la Vie est le dernier film des Monty Pythons, sorti en 1983. Étonnamment, jusqu’à une réédition DVD récente, il ne jouissait pas du même culte en France que La Vie de Brian et Sacré Graal, malgré son succès à Cannes (le Grand Prix, en gardant à l’esprit que les comédies sont rarement primées au festival).
En 1983, les Pythons, sans vraiment s’être séparés, sont plus ou moins partis chacun dans leur coin, mais lorsque Universal propose à John Cleese (le grand brun qui a une démarche bizarre) de tabler une dernière fois sur le succès de la troupe pour se faire quelques deniers, ce dernier s’empresse de rassembler tout le monde pour se mettre définitivement à l’abri financièrement. C’est donc sur ces considérations mercantiles que le film est né. Cela ne veut pas dire que les Pythons ne se sont pas donnés à fond pour fournir le meilleur d’eux-mêmes, mais, peut-être à cause d’une séparation trop longue, ils éprouvent de grandes difficultés à écrire un scénario convenable. L’un d’entre eux, on ne sait lequel, propose alors d’adopter, en relation avec leur thème déjà approuvé du ‘sens de la vie’, un format qu’ils maîtrisent depuis leur série télévisée Monty Python’s Flying Circus, à savoir le film à sketchs (ce qui rappelle leur premier produit cinématographique, La première folie des Monty Python, une simple reprise de leurs plus fameux sketchs destinée au marché Américain).
Résumer ce film, ce serait comme résumer un poème, à chaque nouvelle ligne et à chaque nouveau sketch, une nouvelle idée. C’est d’ailleurs avec un poème résumant les notions développées dans le film que les Pythons sont allés voir les pontes d’Universal avec un projet d’abord intitulé ‘Monty Python’s Fish film’. Car la base du scénario est la suivante : 6 poissons (interprétés par les comédiens grâce à un effet spécial des plus kitsch) nagent tranquillement dans l’aquarium d’un restaurant, lorsque, voyant l’un de leur congénère finir dans l’assiette d’un client, ils se mettent à réfléchir au sens de la vie. Dès lors, de manière complètement fragmentaire et sans autre lien que les 7 âges de l’homme revisités par les Pythons (relisez Shakespeare pour en savoir plus), nous allons naviguer de scénette en scénette, de la naissance à la mort d’un homme, du fin fond de l’Angleterre jusqu’au Paradis, en faisant escale notamment par la première guerre mondiale et la guerre Anglo-Zoulou de 1879, le tout dans le plus pur esprit Pythonesque.
De gauche à droite : Terry Jones, Terry Gilliam, Michael Palin, John Cleese, Eric Idle (en tigre), et Graham Chapman sur le tournage de la 3ème partie.
Comme c’est le cas depuis la Vie de Brian, les deux Terry, Jones (le petit Gallois moustachu) et Gilliam (le ricain, celui que vous devez connaître) se partagent les crédits de réalisateur un peu à la manière de Jeunet et Caro, le premier est en charge de la caméra et du jeu des acteurs et le second de la direction artistique, c'est-à-dire les décors, les effets spéciaux et les costumes. C’est plutôt bien filmé, y a un fondu enchaîné absolument incroyable qui nous transporte d’un terrain de rugby à un champs de bataille de la guerre 14, et quelques travellings bien foutus, mais, comme pour les décors, on sent que ça a été fait avec des bouts de ficelle, ce qui, il faut l’avouer, fait quelque part partie du charme du film. Alors, pourquoi un film d’Universal avec un aspect aussi cheap ? Gilliam devait à l’origine diriger un segment vers la fin du film (5ème partie), avec sa propre équipe. Cependant, comme personne ne l’a arrêté, il a filmé pour plus de vingt minutes de film (l’équivalent d’un quart du reste du film), et utilisé, selon certaines mauvaises langues, la moitié du budget. Raccourci à 16 minutes, ce mini-film complètement épique (les aventures d’une compagnie d’assurance qui vogue littéralement sur les mers de la finance internationale…) sera alors utilisé comme court-métrage avant le film principal et raccordé de manière plutôt originale au reste de l’histoire. De son côté, Jones, pris lui aussi par la folie des grandeurs, et ignorant le montant total du budget à ce point du film, va dépenser ce qui s’avèrera être l’autre moitié de l’argent investi dans ce qui restera une des chansons les plus cultes des Monty Python, Every Sperm is Sacred, dans une parade absolument dantesque et baroque. Jugez plutôt :
Every Sperm is Sacred
Ce qui m’amène à parler de la bande son, qui, comme souvent chez les Pythons, contient quelques morceaux truculents, composés généralement par Eric Idle(celui qui a l’air un peu précieux et qui fait des longs monologues) , notamment The Galaxy Song, The Meaning of Life (qui fait office de générique), Every Sperm is Sacred, le court et concis Penis Song, ou encore Christmas in Heaven.
Gilliam, qui en avait marre de se coltiner les animations, sa marque de fabrique dans la série, en réalisera quand même quelques unes ; outre le générique, on en retrouve une hilarante dans le style classique de Gilliam lors de la dernière partie, ainsi que quelques animations par ordinateur qui ont plutôt mal vieillies. Néanmoins, il y en a bien moins que dans la série ou dans Sacré Graal, qui comptait pas mal sur ce procédé pour faire avancer l’histoire. On peut aussi noter une plus grande implication de Gilliam en tant qu’acteur, notamment son rôle absolument dément de hippie affabulé d’une moustache de Hitler\Chaplin pour le sketch du don d’organe (« I’m using it… ». Désolé, cette réplique me fait toujours mourir de rire…)
Et enfin, parce que je les ai tous cités sauf eux, n’oublions pas le sympathique Michael Palin, beau gosse et redoutable auteur quand il collabore avec son compère d’Oxford Terry Jones, et qui est depuis devenu Globe-Trotter ; ainsi que Graham Chapman (le grand blond qui faisait Arthur et Brian), et qui a décidé depuis de décéder, rendant toute réunion des Python impossible car incomplète.
Le film ne manque pas, une fois de plus, de subversion, et la religion (catholiques comme protestants), le système éducatif, l’armée, le monde hospitalier, les grosses corporations sont malmenées pour notre plus grand plaisir. En cela, le film rappelle La Vie de Brian, véritable pamphlet contre les méfaits de la Religion et le contrôle des masses, plutôt que Sacré Graal qui était simplement une parodie des légendes Arthuriennes. Ajoutez à cela un cours d’éducation sexuel pour le moins explicite (Cleese a donné de sa personne…), une scène franchement gore d’extraction d’organe et une course poursuite entre un homme qui a eu le choix de la façon dont il pouvait mourir et une vingtaine de jeunes femmes en rollers et en string, et vous obtenez un film Rated-R (interdit aux moins de 18 ans…) et banni notamment en Irlande jusqu’à sa sortie en vidéo (tout comme la Vie de Brian).
Le fameux cours d’éducation sexuelle, avant les travaux pratiques
Le film est aussi l’occasion d’apprendre des tas de choses très utiles, parfois vitales, comme l’intérêt du préservatif, comment exciter une fille, pourquoi il ne faut pas provoquer Dieu (surtout quand on est dans l’armée), pourquoi il faut être attentif en cours et ne pas jouer d’ocarina, la différence entre un tigre et un virus, comment fabriquer un costume de tigre avec des boîtes de céréales, comment faire un gâteau avec des rations de survie, pourquoi il ne faut pas signer chez les donneurs d’organe, pourquoi il faut toujours utiliser du saumon en boite pour faire une mousse de saumon, mais surtout, où est le poisson et quel est le sens de la vie, information qui vous sera révélée à la fin du film. Autant dire que si vous êtes allergiques à l’humour des Pythons (vous aurez probablement déjà lâché l’affaire en ce qui concerne cette propa…), ce film n’est pas une exception. Bien au contraire, il est le plus exigeant de leurs trois films, ne se préoccupant même pas d’avoir un scénario cohérent et allant encore plus loin dans le choquant et le subversif, mais c’est aussi l’apogée des Pythons, qui, sans avoir la fraîcheur de leurs premières expérimentations à la télé, produisent un film qui atteindra un rare niveau de maturité, bien plus qu’une comédie simplement absurde, une véritable réflexion sur…le sens de la vie.
Le trailer
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