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lundi 25 octobre 2010

Moi, l'abonnée aux seconds rôles (création) by Jim

Aujourd'hui est une journée ordinaire pour tout le monde. Surtout moi. Je vais encore parler d'un film dans lequel mes apparitions se réduisent à donner un journal au personnage principal, et à lui dire, vers la fin du film, qu'il est bien mieux sans sa stupide épouse, quelle salope, en plus, elle a kidnappé le bouvier bernois, Samy. Vous avez déjà remarqué que tous les chiens s'appellent Sam ou Max ? Comment des gens peuvent encore nommer leurs enfants de la sorte, sachant pertinemment que leurs voisins de soixante balais vont crier ces noms là, mais pour faire venir leur labrador ?
Bref, pour ce film-ci, comme je viens de le dire, je n'ai même pas deux pages de dialogue, je sers de décor, encore, comme toujours. Une cigarette ? Non merci, j'ai arrêté il y a peu, me disant que c'est important que je vive vieille, histoire de peut-être décrocher un rôle important, un jour, mon prince ne viendra pas.
Donc, je disais... ah je ne sais plus en fait. Ah oui, personnellement, ce n'est pas mon type de film, je suis une fille qui aime l'action, les explosions, les beaux mecs qui se baladent torse nu sur la plage au moment du coucher de soleil en compagnie d'un AK-47. Je rigole, bien sûr.
Ma carrière a débuté, ou plutôt mon ascension vers l'anonymat le plus brutal, commence en 1993, lorsqu'on cherchait des gamines pour jouer dans Léon. J'avais impressionné tout le monde, un des types du casting avait même dit à ma mère que j'allais être prise, quand tout d'un coup, cette gamine insupportable arrive, avec son air satisfait, et finalement, c'est sa tête de suceuse d'olive que les affiches ont eu. Premier coup en plein cœur, Natalie Portman me vole le rôle qui me revenait de droit. Après ça, j'ai multiplié les castings, pour en arriver à avoir des rôles anecdotiques : une fille qui vient pour un autographe dans Empire Records, une fille dans la fête à Londres dans Trainspotting, un droïde de Star Wars. J'ai tout fait, tous les rôles que personne ne voulait.
Comment ça ? Ah oui, Daniel Craig a dû prendre dix kilos pour le tournage de ce film. Oui, sa réplique culte était j'ai des saucisses dans mon camion, ma jolie. Il m'a même dit qu'il sautait de joie à l'idée que je puisse le dire dans cette interview. Non, c'est faux, il ne mange pas d'entrecôte de grand matin, il préfère le camembert. Il est très serviable et toujours gentil. Bon coup, ça je ne sais pas, je sors avec un cameraman, moi. Bon, pour revenir à nos moutons, je dois vous avouer que ça n'a pas été facile. J'ai 29 ans, 17 ans de carrière et les journalistes ne connaissent même pas mon nom. Regardez, vous avez fait une faute, vous aussi. Ce n'est pas Anna, ni Simone, ni Marie-Ange. Je commence à en avoir marre d'être invisible, ça devient tellement atroce. Si je suis invitée, par miracle, à une soirée de récompense, personne ne m'offre la robe Chanel qui va avec, je dois m'habiller avec du h&m et me parfumer avec le « marée basse » de chez Lidl . Bien sûr, ça pourrait être pire, vous allez me dire.



Et dire qu'il y a cinq ans, j'ai failli avoir un premier rôle.
Oui, dans Closer, je devais être Alice, mais Natalie Portman est encore arrivée, a encore tout pris, ne me laissant que le rôle d'une femme qui dit à Jude Law durant une des expositions qu'il sent aussi bon qu'une lessive à la lavande, parole de bergère. Oui, je jouais une bergère, c'est vrai. Mais je crois que Mike Nichols l'a fait couper au montage, ce gros connard imbu de sa personne.
Si je connais des célébrités ? Bien sûr, je passe les tournages à les épater avec mon expérience au théâtre, alors qu'eux n'en ont pas. Vous savez à quoi on reconnaît les vrais acteurs ? Ils ont fait du théâtre. Les acteurs de cinéma ne sont que des figures, du plastique, des visages, des corps, ceux du théâtre sont certes cela, mais bien plus, ils jouent en continu, doivent y mettre toutes leurs tripes.
Voilà pourquoi moi je suis une fantastique actrice pas du tout reconnue à sa juste valeur. Ce n'est pas de l'égocentrisme, c'est la vérité. Il faut des années pour se rendre compte de ce qu'on vaut, et souvent, ce qu'on vaut n'est pas apprécié à sa juste valeur parce que l'emballage n'y est pas toujours. Je n'ai pas une grosse poitrine comme Johansson, ni un corps d'anorexique comme Knightley, et encore moins les lèvres pulpeuses d'Angelina Jolie. Mon agent m'a conseillé d'investir dans diverses chirurgies, mais je n'y crois pas, de toute façon, je n'ai pas assez d'argent pour me le permettre, jouer les pots de fleur, ça ne rapporte pas un million de dollars.
Je ne vois vraiment pas ce que je peux vous dire sur le film. Allez le voir, c'est chouette, Daniel Craig est génial, et guettez mes apparitions aux minutes 10.51, 35.43, 44.12, 63.39 et 73.53, vous ne le regretterez pas, mes dialogues sont épatants. Enfin, navrants, mais il faut bien commencer quelque part, ou du moins, essayer de se faire vraiment connaître quelque part.

Si j'ai des projets ? Oui, il parait que dans le prochain film de costumes avec Keira the Bone Knightley, ils ont besoin d'une femme de chambre qui jouera les confidentes. Si je décroche le rôle, j'ai cinq pages de dialogue !

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