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lundi 25 octobre 2010

La Vie de Brian, les Monty Pythons (1979) by Cowboy

La Providence fait parfois bien les choses. Une simple propa sur Le Sens de la Vie, puis le destin qui me pousse à en écrire une sur Sacré Graal (pour un IS avec CELT), il me fallait donc conclure cette [Bio] non officielle des Monty Pythons, et c’est avec la Vie de Brian, pour ceux qui ne seraient pas au courant de la courte filmographie de la troupe, que je vais finir en apothéose. Ou pas. Parce que la Providence, donc, ou peut-être même la Main de Dieu (hin hin hin) m’a aussi fait rédiger ces propas dans l’ordre décroissant de ma préférence. Fort heureusement pour ceux qui seraient déjà amateurs du film, mon article se basera, comme les précédents, surtout sur des faits, et mon opinion ne sera émise que brièvement, mon but n’étant pas de vous dégoûter de ce film qui est cultissime et qu’il faut voir de toutes manières pour tout un tas de raisons.


De gauche à droite, les présentations pour ceux qui n’auraient pas suivi :
Michael Palin, John Cleese, Graham Chapman, Eric Idle (en haut), Terry Gilliam, Terry Jones


L’idée a germé pendant la promotion de leur précédent film, Holy Grail. Eric Idle a lancé, d’abord en plaisantant, « Jesus Christ lust for glory », mais l’idée a séduit le reste du groupe (à l’exception de Terry Jones, sceptique à cause de la dimension historique), et les Pythons se sont mis, presque naturellement, à la rédaction d’un nouveau script, effectuant pour le coup de grosses recherches, notamment en visionnant de vieux péplums bibliques type Charlton Eston. Pour cela, auréolé de la gloire de Holy Grail qui a rencontré un certain succès, ils décident d’écrire dans des conditions inédites jusqu’alors : à la Barbade, dans une superbe villa, et tous ensembles autour d’une table. En effet, les Pythons avaient pour habitude d’écrire plutôt en petits groupes, Jones et Palin d’un côté, Cleese et Chapman de l’autre, et Idle et Gilliam tantôt seuls, tantôt en se greffant dans les autres groupes. Après quoi, tous mettaient leurs idées en commun et validaient les idées des autres. Mais pour la Vie de Brian, l’osmose au sein du groupe est telle que c’est ensemble, et non pas en petites factions, qu’ils s’attèlent à la rédaction d’un scénario qui devait d’abord traiter de Jésus.



Il est à noter que les Pythons avaient tous subis dans leur jeunesse une éducation catholique, même Terry Gilliam outre-Atlantique, et qu’ils étaient donc particulièrement au fait des institutions religieuses, des messages tirés des Saintes-Ecritures, et de la façon qu’on avait de les percevoir. Si ils ne s’accordaient pas sur ce qu’étaient la religion et la foi, ils étaient d’accord sur ce qu’elles n’étaient pas, et c’est à l’unanimité qu’ils ont choisis de passer au crible les institutions, l’Eglise, et sa fâcheuse manie à interpréter les sermons dans un but purement matérialiste. La communauté religieuse est aussi vivement critiquée, avec cette tendance à suivre sans réfléchir par soi-même, par paresse et par idolâtrie.
Cependant, ils se sont bien vite aperçus qu’il était difficile de rire du Christ lui-même, et que de toutes façons, son message n’avait rien de risible ni de critiquable. Jésus est donc bien présent dans le film (la seconde scène du film reprend le Sermon au Mont des Oliviers), mais c’est d’un hypothétique messie accidentel, Brian, né par accident dans l’étable voisine de celle du Christ, qu’il est question. Notons que l’une des possibilités de scénario voyait Brian devenir le 13ème disciple, mais ce ne fut pas retenu.



Et là, il faut mentionner quelque chose de simplement singulier et unique dans l’œuvre des Pythons : une intrigue linéaire. L’abandon pur et simple de la forme qui avait fait leur renommée à la télévision : un enchaînement plus ou moins cohérent de sketchs raccordés par les animations de Gilliam. Cette façon de faire était déjà diluée avec Sacré Graal, mais restait présente, notamment avec les digressions consacrées à chaque chevalier et par une utilisation toujours abondante d’animations. Ici, les seules animations sont celles du colossal générique et de la scène des extra-terrestres. Quant au scénario, bien qu’il voit le développement de plusieurs sous-parties, notamment avec l’intrigue consacrée au Front du Peuple de Judée, il reste bien plus linéaire que son prédécesseur, en tout cas, bien plus classique cinématographiquement en terme de structure.


Le front du Peuple de Judée. Pas le front Populaire de Judée, ces foutus séparatistes…

Revenons à la Barbade. Là-bas, les Pythons rencontrent par hasard un ponte d’EMI qui est emballé par leur scénario. Un quiproquo s’installe, et le temps que le grand patron de cette maison de production annonce qu’il trouve le film blasphématoire et qu’il refuse de le produire, les Pythons avaient déjà commencé les repérages et à investir pour les décors et les costumes. Les Pythons s’engagent alors dans un procès, rappelons que John Cleese a une formation d’avocat, et ils parviennent à récupérer ce qui avait été avancé, mais reste donc sans investisseurs alors que le film est déjà lancé. C’est un ami d’Eric Idle qui va leur venir à la rescousse, en décidant de produire à lui seul le film, en créant sa boite de production pour l’occasion, Handmade Films, en hypothéquant notamment sa maison. Cet homme, ce n’est ni plus ni moins que Georges Harrison, qui voulait à tout prix voir ce film, et a, ainsi, payé le « billet de cinéma le plus cher de l’Histoire ».

Une fois les 4 millions de livres de l’ex-Beatle en poche, le tournage commence. Et là, après le désastre d’Holy Grail, c’est une véritable partie de plaisir qui commence, en Tunisie, sous un soleil radieux, avec des horaires très souples. Tout le monde est au meilleur de sa forme, notamment Graham Chapman, qui sort d’une cure pour soigner son alcoolisme, et qui incarne avec un talent monumental Brian, rôle que Cleese convoitait avant qu’on ne lui fasse comprendre que Chapman est tout simplement l’homme qu’il faut, et que Cleese serait quant à lui idéal dans d’autres rôles, comme celui du centurion ou du leader du Front du Peuple de Judée. C’en est aussi fini de la guégerre directoriale entre Jones et Gilliam, qui se contente d’être directeur artistique en laissant Jones et son sens de la comédie régler la réalisation et la direction d’acteur. Enfin, quelques temps auparavant, Lew Grade avait tourné au même endroit sa série Jésus de Nazareth, permettant aux Pythons de recycler des décors, des costumes, et d’avoir des figurants locaux expérimentés (ce qui se ressent lors de la scène de la foule devant Ponce Pilate et Bigus Dicus\Grosus Bitus). Ce film marque l’apogée des Pythons, au niveau populaire et, selon beaucoup, créatif, Cleese et Gilliam avouant ouvertement qu’ils considèrent que c’est leur meilleur long métrage.


Le centurion, Ponce Pilate et Grosus Bitus

Pourtant, c’est, à mon sens, le moins bon des trois, et cela tiens à une seule chose : la vraisemblance de la reconstitution. En effet, on ne peut pas nier que l’aspect plastique du film est relativement réussi, loin d’être parfait, mais suffisamment pour que l’on s’abandonne à cet univers. Or, c’est justement cet ancrage dans la réalité qui devient problématique, à mon sens, dans ce film. Certains gags passent parfaitement, la fausse barbe, la lapidation, mais d’autres paraissent tellement gros, tellement hors de propos, un phénomène que l’on ne retrouve pas dans les deux autres films, où l’on baigne dans un non-sens constant amplifié par le caractère labyrinthique des histoires. Ici, on s’attend vraiment à une reconstitution fidèle, lorsque l’on voit un extrait de la Bible mis en scène, et lorsqu’on en arrive à voyager dans l’espace au beau milieu d’une bataille intergalactique, le non sequitur va peut-être trop loin. Cet aspect, qui n’est que mon ressenti, ne doit pas vous empêcher d’apprécier l’humour toujours aussi truculent, et le message acerbe contre la pensée unique, mais pour moi, le film pêche au niveau purement “filmique“, et je ne parle même pas de l’histoire d’amour qui ne fonctionne pas vraiment dans un tel contexte. Le problème étant peut-être qu’on en vient à oublier que le film est une parodie et que l’on se met à le regarder comme un véritable film d’époque.


Terry Jones, réalisateur, doit faire rire une foule de 500 figurants

Malgré la subversion constante du film à une époque où l’intégrisme religieux était plus important qu’aujourd’hui, le film échappe à la censure en Angleterre, tout au moins au niveau national. Si certaines régions l’interdisent effectivement, la diffusion reste conséquente. Cependant, la promotion obtiendra un coup de pouce assez inattendu, grâce à Mary Whitehouse, catholique intégriste auto-proclamée « gardienne de la morale anglaise », qui critique le film et menace d’intenter un procès pour blasphème (une taupe lui a envoyé onze pages du script, la scène du lépreux, elle ne juge donc qu’à partir de cela). Bien évidemment, cela ne fait qu’attiser la curiosité des gens, et ceux dont les cinémas proches refusent de passer le film n’hésitent pas à faire de longs déplacements pour voir l’objet de la controverse. Quelque part, cela montre deux choses : les gens, avant même de voir le film, montrent que cette mainmise de la religion sur la bien-pensance est déjà en train de tomber en désuétude, mais aussi que les Pythons étaient déjà à l’époque plus populaires que les curés.
Point d’orgue de cette promotion inespérée, l’émission de Tim Rice
, qui voit s’opposer Michael Palin et John Cleese avec Malcolm Muggeridge et l’évêque de Southwark. En fait, les deux Pythons sont bien plus sérieux et investis que les anti-Brian, et les ridiculisent, même si Palin, qui je le rappelle est prétendant au titre de l’homme le plus gentil du monde, atteint un rare niveau d’énervement (cf extrait).


Chacun sa croix…

Aux Etats-Unis, le film fait l’objet de nombreuses protestations. La première manifestation est celle de rabbins, qui accusent les Pythons d’avoir commis un sacrilège en utilisant une coiffe sacrée que porte John Cleese pour la scène de la lapidation. Juste pour ça. Autrement, quelques salles retirent le film, mais, comme en Angleterre, la controverse nourrit la réputation du film et la curiosité des gens, sans compter que des manifestations anti-censure voient le jour. Les Américains et le premier amendement…

Pourtant, les Pythons eux-même se sont auto-censurés, et parmi les scènes coupées, la retenue la plus flagrante se retrouve dans la présentation du commando kamikaze d’Otto, qui arbore déjà un insigne mélangeant swastika et étoile de David, mais qui restent assez peu visible dans la scène où ils apparaissent dans le film, alors que la scène coupée laissait entendre une comparaison entre sionisme et le national-socialisme et mettait particulièrement en avant leurs atours. Gilliam regrette que cette scène ait été coupée, l’opinion des autres Pythons n’est pas connue.


Ledit insigne

Au final, j’aurais juste envie de dire que la Vie de Brian est un semi-échec, et que là où Sacré Graal parvenait à introduire subtilement la problématique de la création, Brian nous rabache avec bien moins de finesse son message sur l’emprise de la religion. Sorte d’exutoire personnel d’anciens pensionnaires d’écoles privées, le film ne m’a pas touché comme les deux autres le font, tandis que du côté purement cinématographique, il me parait trop linéaire pour supporter les débordements typiques du groupe. Reste que si on les prend un à un sans se soucier de l’histoire, certains sketchs restent mythiques, la leçon de Latin (Cleese est aussi un ancien professeur de latin), l’ermite, Ponce Pilate et Grosus Bitus avec leurs accents, l’énumération de ce que Rome a fait pour la Judée, et, bien sûr, la chanson finale, conclusion magistrale pour une crucifixion, le Always look on the bright side of Life d’Eric Idle, et qui, insidieusement, introduit la seule opinion athée de tout un film qui ne présentait jusqu’alors que des faits : You know, you come from nothing - you're going back to nothing.
What have you lost? Nothing!

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